Télétravail : le HCE souhaite une modification du Code du travail

Publié le 15/03/2023

En février dernier, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a publié un rapport intitulé « pour une mise en œuvre du télétravail soucieuse de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Ce rapport comprend 18 recommandations pratiques et concrètes.

Si la plupart des recommandations peuvent être mises en œuvre immédiatement par les acteurs du dialogue social, nous faisons le choix de ne présenter ici que celles nécessitant une modification du Code du travail pour être applicables.

Rapport n°2023-02-23-PRO-56, publié le 23 février 2023.

Alors que le télétravail s’est démocratisé depuis la crise sanitaire et que ses effets bénéfiques ont rapidement été mis en évidence, l’expérience d’un télétravail en mode dégradé pendant cette période a fait office d’accélérateur pour identifier les risques spécifiques que cette forme de travail peut représenter  pour les femmes.

Ce rapport du HCE, instance consultative placée auprès de la Première ministre, émane de sa formation "égalité professionnelle", au sein de laquelle siègent les organisations syndicales et patronales représentatives aux niveaux national et interprofessionnel (ou multi professionnel pour les OP) et des personnalités qualifiées (sociologues, économistes, DRH…).
La délégation CFDT a donc contribué à la rédaction du rapport et a voté en sa faveur, tout comme l’ensemble des OS (1).

Ce rapport est un outil précieux à utiliser en complément de l’ANI " télétravail " du 26 novembre 2020 pour que la préoccupation de l’égalité professionnelle ne se limite pas à l’activité réalisée dans l’entreprise. Parmi les 18 recommandations, 3 nécessitent des modifications législatives et/ou réglementaires.

Recommandation n°1 : introduire un thème dédié au télétravail dans les accords relatifs à l’égalité professionnelle/QVCT

La recommandation n°1 est transversale. Elle a pour objectif de croiser les négociations sur le télétravail et sur l’égalité professionnelle, qui sont aujourd’hui deux négociations indépendantes au plan juridique. Si les négociateurs sont bien évidemment libres de conditionner la signature d’un accord télétravail à l’intégration de clauses relatives à l’égalité professionnelle – en s’appuyant également sur l’article 4.4.1 de l’ANI de 2020, l’introduction d’un thème dédié au télétravail dans les accords relatifs à l’égalité professionnelle est un pas supplémentaire qui a plusieurs vertus.

Tout d’abord, l’égalité professionnelle est un thème de négociation périodique aussi bien dans les entreprises que dans les branches professionnelles, contrairement au télétravail. Ensuite, l’explication accompagnant la recommandation n°1 insiste sur la nécessité de négocier ces mesures également au sein de la branche professionnelle.

 C’est fondamental à la fois parce que ces dispositions vont être applicables aux TPE/PME qui n’ont pas négocié d’accord sur le sujet, mais aussi parce que le thème de « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » (2) ne peut faire l’objet de moins disant au niveau des entreprises, puisqu'il fait partie des 13 thèmes pour lesquels les stipulations de l’accord de branche prévalent sur l’accord d’entreprise (et a fortiori sur la charte mettant en place le télétravail).

La CFDT a œuvré pour l’adoption de cette recommandation. Pour être effective, il est nécessaire de modifier les articles du Code du travail sur les négociations obligatoires relatives à l’égalité professionnelle en branche(3) et en entreprise (4).

Recommandation n°8 : Réintroduire dans le Code du travail le principe selon lequel l’employeur·euse doit prendre à sa charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail

Cette recommandation, également transversale, est motivée par la hausse des coûts de l’énergie qui a un impact genré. En effet, si cette hausse des prix est évidemment uniforme, le coût pèse plus sur les femmes « puisqu’elles sont statistiquement moins rémunérées que les hommes et qu’en outre, elles sont plus souvent que les hommes à la tête d’une famille monoparentale (plus de 80 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête) ».

La CFDT n’était pas forcément demandeuse de cette modification, dans la mesure où, bien que retirée du Code du travail par les ordonnances Macron, l’employeur reste en tout état de cause tenu de prendre en charge les frais professionnels découlant du télétravail, comme le rappelle l’article 3.1.5 de l’ANI de 2020.

Recommandation n°17 : Intégrer des indicateurs « télétravail » dans la partie Égalité professionnelle de la BDESE

Il s’agit d’une recommandation visant à agir sur le long terme afin de s’assurer que le télétravail est favorable à l’évolution professionnelle des femmes comme des hommes. Pour ce faire, et pour limiter les éventuels effets négatifs constatés, il est nécessaire de disposer de données objectives accessibles aux représentants du personnel telles que le nombre de jours de télétravail demandés et refusés en fonction du sexe (avec une répartition par poste et niveau hiérarchique).

 

Cette recommandation, fortement appuyée par la CFDT, nécessite une évolution de la Base de Données économiques, sociales et environnementales (BDESE) en intégrant des nouveaux indicateurs au sein du diagnostic et de l'analyse de la situation comparée des femmes et des hommes prévus à l’article L.2312-36 du Code du travail.

Le télétravail est bien parti pour s’inscrire dans la durée... Pour ne pas que les inégalités femmes-hommes préexistantes s’inscrivent également dans la durée, voire pire, qu'elles se renforcent avec le télétravail, il est essentiel que les pouvoirs publics transposent les recommandations du HCE et que les acteurs du dialogue social s’emparent de l’ensemble des recommandations !

 

 

 

(1) Contrairement au MEDEF, la CPME, l’U2P, la FESAC et à la FNSEA…

(2) Art. L.2253-1, 9° C.trav.

(3) Art. L.2241-1, 2°, C.trav (ordre public) et L.2241-11 C.trav. (dispositions supplétives).

(4) Art. L.2242-1, 2°, C.trav. (ordre public) et L.2242-17 C.trav (dispositions supplétives).