L’employeur peut-il rompre votre période d’essai sans prévenir ?

Publié le 09/07/2014 (mis à jour le 09/05/2018)

Votre employeur rompt votre période d’essai sans respecter le délai de prévenance? Jusqu’ici seule la jurisprudence prévoyait une réparation pour le salarié, mais rien n’était prévu par la loi. Désormais, le Code du travail fixe la sanction encourue par l’employeur en cas de non-respect de son obligation (1) : sauf faute grave du salarié, l’employeur doit lui verser une indemnité compensatrice.

  • Principe : La liberté de rompre la période d’essai

 Le principe qui gouverne la rupture de la période d’essai est celui de la liberté pour les deux parties :

-           Liberté pour l’employeur de rompre à tout moment le contrat s’il n’est pas satisfait des compétences du salarié ;

-           Liberté pour le salarié de ne pas s’engager sur un poste qui ne lui convient pas.

Cette liberté fait que les parties n’ont pas,  à l’inverse du licenciement, à motiver leur décision de rompre.

  •  Une latitude qui a  des limites :

 - Quant aux motifs de la rupture :

 Si les parties peuvent de façon discrétionnaire mettre fin à la période d’essai, il n’en demeure pas moins que du côté de l’employeur, le motif de la rupture doit être lié à la personne du salarié, c’est-à-dire en rapport avec les compétences attendues pour occuper le poste.

En effet, la période d’essai sert à évaluer les compétences professionnelles du salarié et ne doit en aucun cas être détournée de cet objet ni être rompue de façon abusive par l’employeur.

A défaut, la rupture peut être considérée comme fautive et entraîner le versement de dommages et intérêts pour le salarié qui a en subi un préjudice. 

 - Exemples de ruptures fautives :

 -          Faute liée aux circonstances de la rupture: commet une faute l’employeur qui met fin à la période d’essai, une semaine après le début du contrat, alors que le salarié de 45 ans venait de démissionner de son précédent emploi, qu’il venait d’effectuer un stage d’adaptation aux techniques de la société et qu’il n’avait pas été mis en mesure d’exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées (2).

-          Rupture prématurée : est fautif l’employeur qui rompt une période d’essai sans avoir laissé le temps au salarié de faire ses preuves (3).

-          Discrimination : la période d’essai ne peut être rompue pour un motif discriminatoire (4) c’est-à-dire lié, notamment aux moeurs, à l’orientation sexuelle, aux opinions politiques ou convictions religieuses, à l’état de santé ou encore de l’état de grossesse d’une salariée.

-          Protection contre le harcèlement moral ou sexuel : le salarié en période d’essai reste protégé contre toute forme de harcèlement, et ne peut être sanctionné ou voir son contrat ou période d’essai rompu parce qu’il a subi ou refusé de subir de tels agissements (5).

 - Quant à la forme :

 -          Rupture pour faute : en principe, l’employeur n’est pas tenu de motiver la rupture de la période d’essai, mais s’il la rompt en invoquant une faute du salarié, il devra respecter la procédure disciplinaire (convocation à un entretien préalable, notification de la sanction,…).

-          Salarié protégé : l’employeur doit obtenir l’autorisation de l’inspection du travail

-          Enfin, les parties doivent respecter un délai de prévenance…

  •  L’obligation de respecter un délai de prévenance

 Depuis la loi de modernisation du travail du 25 juin 2008, l’employeur, ou le salarié, qui rompt le contrat de travail au cours de la période d’essai (d’un CDI et certains CDD), doit respecter un délai minimal de prévenance (6).

L’employeur qui rompt la période d’essai doit prévenir le salarié dans un délai minimum de :

        - 24 heures en deçà de 8 jours de présence dans l’entreprise ;

       - 48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence dans l’entreprise ;

       -  2 semaines après 1 mois de présence dans l’entreprise ;

       -  1 mois après 3 mois de présence dans l’entreprise.

 Le  salarié qui rompt la période d’essai doit quant à lui respecter un délai de 48 heures ramené à 24 heures en dessous de 8 jours de présence.

Le Code du travail est venu préciser les choses, en ajoutant qu’en aucun cas la durée de ce délai ne pouvait servir à prolonger la période d’essai (renouvellement inclus) du salarié.

  • Indemnisation en cas de non-respect du délai de prévenance

Pour autant, la loi instaurant le délai de prévenance n’avait pas prévu la sanction applicable dans l’hypothèse où l’employeur ne respectait pas cette obligation vis-à-vis du salarié.

 En l’absence de disposition légale, la  Cour de cassation (7) est  donc venue apporter deux précisions :

 - La  rupture par l’employeur sans respect du délai de prévenance, mais avant le terme de la période d’essai ne constitue pas un licenciement ;

- Dès lors que l’employeur n’est pas en mesure de respecter le délai de prévenance, il doit indemniser le salarié à hauteur du salaire pour la partie du délai non respecté.

 Si la Cour de cassation reconnaissait évidemment un droit à réparation pour le salarié, elle ne se prononçait pas sur la nature exacte de l’indemnisation à verser.

Dans son rapport annuel de 2012, elle avait déjà demandé au législateur d’intervenir sur ce point.

C’est chose faite avec l’ordonnance n° 2014-699  du 26 juin 2014 portant simplification et adaptation du droit du travail qui lève ces zones d’ombre en introduisant dans le Code du travail la sanction applicable à l’employeur en cas de méconnaissance du délai de prévenance :

 L’article L. 1221-25 modifié dispose que : « Lorsque le délai de prévenance n'a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.».

 En conséquence, dès lors que l'employeur rompt votre période d’essai et qu’il n’est pas en mesure de respecter le délai de prévenance dans son intégralité ou en partie, il devra verser, sauf faute grave de votre part, une indemnité égale au montant des salaires, avantages et congés payés que vous auriez perçus si vous aviez travaillé jusqu’à la fin du délai de prévenance. Plus besoin de saisir le juge pour obtenir réparation, l’employeur doit le faire automatiquement.

 

 Un problème se pose lorsque l’employeur décide de rompre votre période d’essai alors que le délai de prévenance est plus long que la durée de l’essai restant à effectuer. En effet, d’un côté, la loi oblige l’employeur à respecter le délai de prévenance, mais de l’autre elle empêche le salarié de travailler au-delà de la fin de la période d’essai. Désormais, à défaut de pouvoir exécuter tout votre préavis, votre employeur devra vous indemniserpour la partie du délai de prévenance non respectée.

 (1)  L’ordonnance du 26 juin 2014 portant simplification du droit du travail a introduit la sanction applicable à l’article L. 1221-25 du  Code du travail.
(2) Cass.soc.05.05.04.
(3)  Cour d’appel de  Paris, 11 décembre 2008, n°07-2548 : l’employeur avait rompu la période d’essai au bout de 30 minutes suivant la prise de poste de poste.
(4) Art. L. 1132-1 et suivants du Code du travail
(5) Art. L. 1152-1 et suivants du Code du travail
(6) Art. L.1221-25 et L. 1221-26 Code du travail
(7) Cass.soc.23.01.13, P n° 11-23.428