Jours fériés et ponts : vous avez des questions ? Nous avons les réponses !

  • Jours fériés, ponts et journée de solidarité

Chaque année, le mois de mai revient avec sa série de jours fériés et de ponts. Et chaque année, avec lui, son lot d’interrogations. Sommes-nous payés un jour férié ?  L'employeur peut-il nous obliger à travailler un jour férié ? Quel est le régime d'un jour chômé ? 

L’occasion pour nous de faire un tour d’horizon des problématiques les plus souvent rencontrées, pour profiter des beaux jours en toute quiétude juridique ! 

Combien y a-t-il de jours fériés légaux ?

Le Code du travail liste 11 jours fériés légaux dans l’année :

- le 1er janvier

- le lundi de Pâques

- le 1er Mai

- le 8 Mai

- l'Ascension

- le lundi de Pentecôte

- le 14 juillet

- le 15 août

- le 1er novembre

- le11 novembre

- le 25 décembre

A ces jours de fête nationale s’ajoutent des jours supplémentaires selon :

-          La région ou le département où le salarié travaille : c’est par exemple le cas dans les Dom, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, avec le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, ou encore en Alsace-Moselle où le Vendredi Saint et le 26 décembre sont des jours fériés.  

-     Le métier exercé : certaines conventions collectives (établissements miniers, métallurgie, couture, etc.) reconnaissent d’autres jours fériés.

L’employeur peut-il imposer au salarié de travailler un jour férié ?

Cela dépend ! En effet, il est important d’avoir à l’esprit que tous les jours fériés ne correspondent pas nécessairement des jours de repos payés.

Pour répondre à la question, il faut, en réalité, distinguer 2 catégories de jours fériés :

- le 1er mai d’un côté,

- tous les autres jours fériés légaux de l’autre (appelés aussi « jours fériés ordinaires »).

Selon le Code du travail, seul le 1er mai est un jour obligatoirement chômé et payé (sauf exceptions). Les autres jours fériés ne sont, eux, pas obligatoirement chômés.

En revanche, de nombreux conventions ou accords collectifs prévoient des dispositions spécifiques sur ce point telles que fixer la liste ou le nombre de jours fériés qui doivent être non travaillés, prévoir la rémunération à verser en cas de travail ou de chômage un jour férié, etc.) [1].

Pour savoir si le jour férié doit être chômé ou travaillé, le salarié doit donc dans un 1er temps, vérifier ce que prévoit l’accord collectif applicable dans l’entreprise, sachant qu’il peut s’agir d’une convention collective de branche, d’un accord d’entreprise, ou un accord d’établissement.

Bon à savoir 

En matière de temps de travail, c’est l’accord d’entreprise qui prime sur l’accord de branche (convention collective). Autrement dit, si l’accord d’entreprise prévoit des dispositions en matière de jours fériés et que l’accord de branche en prévoit également, c’est l’accord d’entreprise qui s’applique et non l’accord de branche. Et ce, même si l’accord d’entreprise est moins favorable. L’accord de branche ne s’appliquera qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement.

Lorsqu’aucun accord collectif ne prévoit de dispositions spécifiques, c'est à l'employeur de fixer, s’il le souhaite, les jours fériés qui seront chômés, mais il n’a aucune obligation. Rien ne l’empêche donc d’imposer aux salariés de travailler tous les jours fériés ordinaires.

Exceptions à la règle selon laquelle les jours fériés ordinaires ne sont pas obligatoirement chômés :

- les salariés de moins de 18 ans [2].

Il est en effet interdit de faire travailler les salariés et les apprentis de moins de 18 ans les jours de fêtes reconnus par la loi. En cas de non-respect de cette interdiction, l’employeur s’expose à une amende prévue pour les contraventions de 4è ou 5è classe [3].

Il existe néanmoins certaines dérogations dans les établissements fonctionnant en continu ou dans certains secteurs d’activité [4].

- en Alsace-Moselle, les jours fériés sont obligatoirement chômés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales [5].

Le salarié peut-il refuser de travailler un jour férié ordinaire ?

Le refus, pour le salarié, de travailler un jour férié non chômé constitue une absence injustifiée permettant à l’employeur de retenir les heures non travaillées sur le salaire mensuel [6] et, le cas échéant, de le sanctionner.
A l’inverse, le salarié qui refuse de travailler un jour férié défini comme devant être chômé ne peut être sanctionné [7].

Pourquoi le 1er mai est-il un cas à part ?

Par principe, et selon les articles L.3133-4 et L.3133-5 du Code du travail, le 1er mai est le seul jour férié légal obligatoirement chômé et payé.

Il existe cependant des exceptions pour certains établissements : selon l’article L.3133-6 du Code du travail, les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, peuvent faire travailler des salariés ce jour-là. On pense notamment aux hôpitaux, aux hôtels ou encore aux transports...

L’employeur qui fait travailler des salariés le 1er mai alors que son activité ne le justifie pas, encourt une amende de 4e classe (750 €), appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés [8]

Et en cas de litige, c’est au juge de déterminer si l’activité est susceptible de bénéficier de cette dérogation.

Les jours fériés chômés peuvent-ils être récupérés ?

La réponse est NON ! Et le principe est d’ordre public ! 

Selon l’article L.3133-2 du Code du travail, l’employeur n’a pas le droit de faire récupérer les heures de travail perdues en raison du chômage d’un jour férié (qu’il s’agisse du 1er mai ou d’un jour férié ordinaire). Il ne peut donc pas vous demander, en échange du repos le 1er mai, de travailler un jour où vous êtes en principe en repos ou encore de faire des heures supplémentaires.

Les jours fériés chômés sont-ils rémunérés ?

Il faut distinguer plusieurs situations :

1- Le jour férié chômé tombe un jour où le salarié aurait dû normalement travailler, les conséquences divergent selon la nature du jour férié concerné :

Pour le 1er mai, le salaire est maintenu, quelle que soit l’ancienneté du salarié : cette journée ne peut entraîner de perte de salaire [9]. Ainsi, les salariés rémunérés à l’heure, à la journée ou au rendement ont droit à une indemnité égale au salaire perdu du fait de ce chômage. Les heures supplémentaires habituellement effectuées doivent être payées avec la majoration de salaire habituelle.

Pour les autres jours fériés, cela n’a aucune incidence sur la rémunération tant que le salarié a au moins 3 mois d’ancienneté dans l’entreprise car dans ce cas, il ne doit subir aucune réduction de leur rémunération [10]. Cette règle :  

  • s’applique à tous les salariés quelle que soit la nature de leur contrat de travail (CDI, CDD, temps partiel, etc.). Elle s’applique aussi aux salariés saisonniers qui, du fait de divers contrats successifs ou non, cumulent une ancienneté totale d'au moins 3 mois dans l'entreprise.

  • ne s’applique pas aux salariés travaillant à domicile et aux salariés intermittents sauf si un accord collectif ou un usage le prévoit. Quant aux travailleurs temporaires, ils ont droit au paiement des jours fériés, quelle que soit leur ancienneté, dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice.

2- Le jour férié chômé tombe un jour de fermeture de l’entreprise (ex : le dimanche) ou un jour de repos habituel du salarié.

Il ne donnera lieu à aucune indemnisation particulière : pas d’incidence sur le salaire et pas de droit à un repos complémentaire.

Certaines conventions ou accords collectifs peuvent prévoir des dispositions plus favorables (comme un jour de congé supplémentaire).

Les jours fériés travaillés sont-ils payés double ?

Pas forcément ! Là encore il faut distinguer selon qu’il s’agit du 1er mai ou d’un autre jour férié ordinaire.

Les jours fériés ordinaires n’étant pas obligatoirement chômés, ils ne donnent droit, lorsqu’ils sont travaillés, à aucune majoration de salaire, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Autrement dit, pour le Code du travail, le travail un jour férié ordinaire n’ouvre droit, pour le salarié, qu’à son salaire habituel.

En revanche, de nombreux accords collectifs (de branche ou d’entreprise/établissement) prévoient un régime plus favorable : une majoration de salaire, un jour de repos supplémentaire etc. Pour connaître avec précision à quoi vous avez droit en cas de travail sur l’un de ces jours fériés, n’hésitez donc pas à vérifier l’accord collectif applicable à votre entreprise.

- Seules les heures travaillées le 1er mai sont obligatoirement payées double [11]. Et cette majoration de salaire n’est pas remplaçable ! Ni l’employeur, ni un accord collectif ne peuvent prévoir une compensation différente. En revanche, rien ne les empêche de prévoir des compensations supplémentaires, comme un jour de repos compensateur par exemple.

Que se passe-t-il si le jour férié tombe durant une période de congés payés ?

Il faut distinguer plusieurs cas de figure :

- Si le jour férié est travaillé dans l’entreprise, il est considéré comme un jour ouvrable comme les autres et sera donc décompté des congés payés au même titre que les autres jours de la semaine. Par exemple, si le salarié est en congés payés au moment du jeudi de l’Ascension et que ce jeudi est travaillé dans l’entreprise, il sera décompté comme un jour de congé payé normal.

- En revanche, s’il s’agit d’un jour férié qui est chômé dans l’entreprise, il ne sera pas considéré comme un jour ouvrable et ne sera pas décompté des congés et ce, même s’il tombe un jour de la semaine où le salarié ne travaille pas normalement en raison de la répartition de ses horaires (par exemple le mercredi) ou s’il tombe sur un jour habituellement non travaillé dans l’entreprise (samedi ou lundi par exemple lorsque l’entreprise fonctionne en jours ouvrables). Dans ce cas, soit le salarié verra son congé prolongé d’une journée, soit il se verra décompté un jour de congé de moins [12].

Quid des jours fériés durant un congé maladie ou maternité ?

Il n’y a un aucun impact sur la rémunération du salarié lorsque le jour férié coïncide avec un congé maladie ou congé maternité. Il est à relever également que le jour férié ne reporte pas pour autant le terme du congé.

Quid des jours fériés durant une période de grève ?

Si la période de grève tombe sur un jour férié chômé et payé pour les salariés qui continuent l’exécution de leur contrat de travail, les salariés grévistes ne peuvent, selon la Cour de cassation, prétendre au paiement de ce jour [13].

Qu’est-ce qu’un pont ?

« Faire le pont » consiste à ne pas travailler entre un jour férié et 1 ou 2 jours de repos hebdomadaire, un autre jour chômé de la semaine, ou un jour précédant les congés annuels [14].

Pour la Cour de cassation le chômage accordé sur une journée ne répondant pas à cette définition ne pourra pas être qualifié de pont.

Cette qualification de « pont » a tout son importance car une journée de pont peut donner lieu à récupération [15]. En effet, contrairement aux jours fériés chômés, un employeur peut demander aux salariés de récupérer les heures non travaillées lors d’un pont lorsque celui-ci précède ou suit le jour férié. Cette récupération est toutefois soumise à certaines conditions [16].

L’employeur est-il tenu d’accorder des ponts ?

Non ! Sauf disposition conventionnelle ou usage contraires, l’employeur n’a aucune obligation d’accorder un pont demandé par un salarié. Autrement dit, un salarié ne peut décider à lui-seul de faire le pont.

Le plus souvent cette pratique résulte soit d’une convention ou d’un accord collectif, soit d’une décision de l’employeur.  

En revanche, lorsque l’entreprise décide d’accorder un jour de pont, il s’agit en principe d’une modification de l’horaire de travail, qui oblige l’employeur à respecter les formalités suivantes [17] :

- consultation du CSE,

- affichage préalable du nouvel horaire,

- notification à l’inspecteur du travail de l’horaire rectifié avant sa mise en application.


 

[1] Art. L.3133-3-1 C.trav.

[2] Art. L.3164-6 et L.3161-1 C.trav.

[3] Art. L.3164-6, R. 3165-4 à 6 et art. 131-13 C.pén.

[4] Art. L.3164-2, L.3164-7, L.3164-8 et R.3164-2 C.trav.

[5] Art. L.3134-2 et 13 C.trav.

[6] Cass.soc.03.06.97, nº 94-42.197.

[7] Cass.soc.13.05.86, nº 83-41.641.

[8] Art. R. 3135-3 C.trav. et art. 131-13 C.pén.

[9] Art. L.3133-5 et D.3133-1 C.trav.

[10] Art. L.3133-3 C.trav.

[11] Art. L.3133-6 C.trav. 

[12] Cass.soc.7.11.01, n°99-43607 ; Cass.soc.26.01.11, n°09-68309.

[13] Cass.soc.24.06.98, nº 96-44.234 ; Cass.soc.5.02.02, n°99-43898.

[14] Art. L.3121-50, 3° C.trav.

[15] Cass.soc.28.01.97, nº 92-44976.

[16] Art. R.3121-34 et 35 C.trav. : elles doivent être récupérées dans les 12 mois suivant ou précédant la perte des heures de travail, l’inspection du travail doit être préalablement informée, etc.

[17] Art. L.2323-6 et L.2312-8 C.trav.

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