Assurance chômage : la nouvelle réglementation va enfin entrer en vigueur totalement… avant une nouvelle réforme ?
Les partenaires sociaux signataires de la dernière convention d’assurance chômage attendaient depuis novembre 2024 l’amélioration du droit à l’indemnisation pour les salariés inscrits à l’assurance chômage pour la première fois. C’est maintenant en bonne voie depuis l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi de transposition des ANI le 15 octobre dernier. Toutefois, cette amélioration risque d’être rapidement éclipsée par nouvelle réforme demandée en août dernier avec l’envoi d’un nouveau document de cadrage que la CFDT considère litigieux… Mais pour le Conseil d’Etat ce document ne peut faire l’objet d’un recours en justice ! Projet de loi de « transposition des ANI » et Décision CE, 17.10.25, n°508464.
Une indemnisation facilitée pour les nouveaux demandeurs d’emploi
La convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024 détermine les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi depuis le 1er janvier 2025, et ce jusqu’au 31 décembre 2028.
Bon à savoir : Les règles d’indemnisation étaient déterminées depuis le 1er novembre 2019 par le Premier ministre par un décret dit de « carence ». En effet, à défaut d’accord des partenaires sociaux, c’est le Premier ministre qui fixe les règles.
Cette convention avait prévu de faciliter l’indemnisation des travailleurs saisonniers ainsi que des travailleurs qui n’ont jamais été inscrits à l’assurance chômage -dit « primo demandeurs d’emploi » en abaissant la condition minimale de travail à 5 mois au cours des 24 derniers mois, au lieu des 6 mois applicables à l’ensemble des travailleurs du régime général.
Si la mesure concernant les saisonniers a pu entrer en vigueur en avril dernier, pour les primo demandeurs d’emploi, la Convention d’assurance chômage n’avait pu être agréé sur ce point en décembre 2024. En effet, cette mesure nécessitait une modification législative, car la loi qui fixe les grands principes applicables à l’indemnisation ne permettait pas jusqu’alors de faire un traitement différencié en fonction de l’inscription ou non à France Travail par le passé.
Avec l’adoption définitive du projet de loi « portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (…) [1] », et une fois la loi promulguée, l’article L. 5422-2-2 du Code du travail qui permet de moduler les conditions d’activité antérieure sera complété d’une phrase : « Elles peuvent également être modulées en tenant compte soit de ce que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation d’assurance, soit de ce qu’il n’en a plus bénéficié depuis un nombre d’années défini. »
Cela va donc ouvrir la voie à l’obtention de l’agrément de la Convention d’assurance chômage qui fait bénéficier de ce droit les « salariés privés d’emploi ne justifiant pas d’une admission au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d’emploi » (Art. 2 paragraphe 3).
Cette mesure pourrait donc entrer en vigueur au 1er janvier prochain compte tenu des délais nécessaires pour obtenir l’agrément et de la nécessité pour France travail d’adapter son système informatique.

Bon à savoir !
Le projet de loi transpose également un avenant relatif au bonus-malus, suite à l’engagement des négociateurs de revoir certains paramètres techniques (avenant n°2 du 27 mai 2025). Le bonus-malus est un dispositif qui module la contribution à l’assurance chômage des entreprises d’un périmètre défini, à la hausse ou à la baisse, en fonction de leur taux de séparation (rupture/fin du contrat de travail). L’objectif est de lutter contre la précarité, notamment contre les contrats courts. A l’horizon de mars 2026, les modalités de calcul du bonus-malus vont pouvoir évoluer en excluant du calcul les ruptures pour inaptitude non professionnelle ainsi que les licenciements pour faute grave ou lourde.
Une nouvelle négociation assurance chômage en vue ?
Si la future promulgation de la loi laisse espérer (enfin) une entrée en vigueur pleine et entière de la dernière Convention d’assurance chômage, la question est de savoir pour combien de temps ? Celle-ci est déjà en sursis avec l’envoi dans l’été, par le gouvernement Bayrou, d’un document de cadrage appelant les partenaires sociaux à renégocier la Convention. Principal objectif : durcir encore les économies en réduisant l’indemnisation des chômeurs !
Imposer la réouverture des négociations, alors que le dialogue social s’achève à peine pour la convention AC 2025-2028, est fort regrettable. Aucune chance n’est laissée à cette convention qui n’a même pas le temps de vivre, ni de voir ses effets évalués. Cela interroge la CFDT sur la place réelle laissée au dialogue social.
Pour la première fois depuis la réforme de la loi Avenir professionnel en 2018, et pour s’inscrire dans le cadre des économies budgétaires annoncées le 15 juillet 2025, l’ancien Premier ministre a utilisé une possibilité offerte par la loi permettant de remettre en cause une Convention en cours.

Bon à savoir !
Le Code du travail prévoit la possibilité pour le Gouvernement d’envoyer un document de cadrage « rectificatif » en cours d’application de la Convention dans deux situations bien distinctes :
- Si le rapport sur la situation financière réalisé par le gouvernement avant le 15 octobre de chaque année fait état d'un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et la trajectoire financière prévue par la Convention ;
- Ou si la trajectoire financière décidée par le législateur dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) évolue significativement.
Pour la CFDT, les conditions légales de déclenchement de l’envoi de ce document de cadrage ne sont pas remplies. Nous contestons le caractère significatif de l’évolution de la trajectoire financière en comparaison de la situation entre 2018 et 2021 où la dégradation avait effectivement été très importante sans pour autant que le gouvernement considère avoir besoin de revoir son cadrage budgétaire… De plus, au moment de l’agrément par le gouvernement Bayrou en décembre 2024, l’écart de trajectoire avec celle prévue dans la LPFP de 2023 – qui existe bel et bien mais sans être significatif - n’avait pas fait obstacle à l’agrément !
En dehors des aspects budgétaires, nous avions également des arguments à faire valoir devant le Conseil d’État afin de mettre en lumière que document de cadrage avait largement excédé le périmètre fixé par la loi, en décidant notamment de la durée de la nouvelle convention d’assurance chômage…
Mais le Conseil d’État n’a pas permis à la CFDT, ni à FO et à la CGT, d’aborder ces points de droit. Il a tout simplement estimé qu’un recours dirigé contre le document de cadrage du Premier ministre était irrecevable en ce qu’il s’agit d’un document préparatoire qui ne produit pas d’effet juridique.
« [Le document de cadrage] a le caractère d’un acte préparatoire et ne constitue pas, par lui-même, une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » (point 3 de la décision).
Si cette analyse du Conseil d’État était somme toute attendue et redoutée lors de l’engagement du contentieux, les tentatives pour demander au Conseil d’État de faire évoluer sa jurisprudence pour admettre sous certaines conditions un recours pour excès de pouvoir ont donc malheureusement débouché sur une fin de non-recevoir. Ces arguments ne disparaissent pas pour autant, ils pourront seulement être étudiés par la plus haute juridiction administrative seulement en cas d’acte « définitif », notamment en cas de nouveau décret de carence du gouvernement.
D’ailleurs, sans réponse à ce jour du nouveau Premier ministre sur le maintien de ce document de cadrage, les partenaires sociaux ont donc maintenant jusqu’à mi-novembre pour engager et conclure cette négociation aux enjeux importants. Qui a dit qu’il s’agissait d’un simple acte préparatoire ?
[1] Projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social