PSE : l’octroi de la cessation anticipée d’activité doit respecter l’égalité de traitement !

  • Licenciement pour motif économique

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) peut proposer différentes mesures, alternatives aux licenciements, dont la cessation anticipée d’activité. Ces mesures, plus favorables qu’un licenciement, ne peuvent pas toujours être accordées de manière illimitée. Des conditions d’éligibilité doivent être définies. Celles-ci doivent être préalablement définies et contrôlables. C’est ce que rappelle un arrêt récent : Cass.soc.5 novembre 2025, n°24-11723.

Une salariée se voit refuser l’octroi de la cessation d’activité prévue par l’accord…

Dans cette entreprise, un PSE a été négocié et validé par l’administration. L’accord collectif prévoyait un dispositif de cessation anticipée d’activité, pour les salariés d’au moins 55 ans et d’une ancienneté d’au moins 15 ans. Les conditions d’âge et d’ancienneté devaient être appréciées au jour de la signature de l’accord entre les salariés et l’employeur.

Une salariée âgée de 54 ans au moment de sa candidature s’est vu refuser le bénéfice de ce dispositif. Elle a alors opté pour un congé de reclassement, autre dispositif pouvant être inclus dans un PSE, mais moins favorable.

Le congé de reclassement

Dans les grandes entreprises (au moins mille salariés ou groupe communautaire), l’article L1233-71 du Code du travail prévoit que l’employeur doit, au lieu et place du contrat de sécurisation professionnelle, proposer au salarié dont il envisage le licenciement un congé de reclassement lui permettant de bénéficier d’actions de formation et d’une cellule d’accompagnement dans ses recherches d’emploi.

Puis, constatant que des collègues n’ayant pas non plus atteint l’âge de 55 ans au moment de leur candidature, mais seulement au moment de la signature de l’accord avec l’employeur, avaient pu bénéficier de la cessation anticipée d’activité, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes.

Devant la juridiction prud’homale, elle a demandé que l’employeur soit condamné à lui octroyer le bénéfice de la cessation anticipée d’activité, au lieu et place du congé de reclassement, et, à défaut, des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la perte de ses droits à la retraite, ainsi que la réparation de son préjudice moral.

En appel, les juges l’ont déboutée considérant qu’elle n’était pas dans une situation identique à celle de ses collègues, qui avaient atteint l’âge de 55 ans peu après le dépôt de leur candidature, alors qu’elle ne l’avait atteint que 9 mois plus tard.

La salariée s’est pourvue en cassation sur le fondement du principe d’égalité de traitement.

Les conditions d’éligibilité au dispositif doivent être préalablement définies et contrôlables

La Cour de cassation a donc dû vérifier que le dispositif de cessation anticipée d’activité prévu par l’accord collectif portant PSE respectait l’égalité de traitement.

Dans sa décision du 5 novembre dernier, la Haute juridiction a commencé par rappeler les exigences inhérentes au principe d’égalité de traitement.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (1), il découle du principe d’égalité de traitement que :

« si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables ».

Puis, reprenant la lecture de la cour d’appel concernant l’accord, la Haute juridiction a constaté que, selon ses dispositions, l’âge et l’ancienneté devaient être appréciés au jour de l’accord bilatéral de rupture, celle-ci n’étant toutefois pas enfermée dans un délai fixe.

En définitive, elle a censuré les juges d’appel d’avoir considéré qu’il n’y avait pas de rupture d’égalité, au motif que :

 « l’accord collectif ne prévoyait pas de délai pour la signature de l’accord de rupture et que, lors de la mise en œuvre de l’accord collectif, la réalisation de la condition d’âge et d’ancienneté avait dépendu du choix discrétionnaire par l’employeur de la date de signature de l’accord de rupture, de sorte que les conditions d’éligibilité au dispositif n’étaient pas préalablement définies ni contrôlables »…

La Cour de cassation met ici en lumière l’importance de l’exigence relative au caractère préalable de la règle d’éligibilité. C’est bien le fait que la règle soit connue avant son application par l’employeur dont découle la possibilité de contrôler l’absence d’arbitraire.

En s’abstenant de prévoir un délai pour la signature de l’accord bilatéral ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité, l’employeur s’était réservé le pouvoir de sélectionner, parmi les salariés n’ayant pas encore atteint l’âge requis lors du dépôt de leur demande, qui pouvait en bénéficier.

Rappelons par ailleurs que la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de censurer une inégalité de traitement concernant une salariée ayant refusé une cessation d’activité prévue par le PSE. L’employeur s’était fondé sur ce refus pour lui refuser d’autres avantages prévus au PSE. Pour autant, la Cour de cassation avait considéré que le fait de vouloir inciter les salariés à accepter une cessation anticipée d’activité n’était pas une raison « objective et pertinente » permettant une entorse au principe d’égalité de traitement dans l’attribution des autres avantages prévus par le PSE (2).

De manière générale, et c’est heureux, le droit s’efforce de bannir le « bon vouloir » de l’employeur lors des ruptures pour motif économique, qu’elles soient consenties ou subies !

 

(1)    Citation tirée de l’arrêt présenté ici. V. déjà en ce sens : Cass.soc.10.07.2001, n°99-40987 ; Cass.soc.12.07.2010, Revue de droit du travail 2010, obs. A. Fabre.

(2)    Cass.soc.9.07.2015, n°14-16009.

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