Emploi des séniors et évolution du dialogue social : les ANI sont transposés dans la loi !
Enfin ! Les accords nationaux interprofessionnels (ANI) du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des salariés expérimentés, à l’évolution du dialogue social ainsi qu’à l’assurance chômage ont été définitivement transposé par l’Assemblée nationale ce 15 octobre dernier. Ces accords, négociés et signés par la CFDT, nécessitaient en grande partie une loi pour produire leurs effets. C’est désormais chose faite, et il faut maintenant attendre la promulgation de la loi pour que les mesures entre en vigueur. Le projet de loi transpose également l’ANI du 25 juin 2025 sur les transitions professionnelles.
La fin de la limite de 3 mandats successifs
L’ANI relatif à l’évolution du dialogue social comporte une mesure qui était fortement attendue de la part de la CFDT et de ses militants : la fin de la limite des 3 mandats successifs pour les élus au CSE.
Cette mesure avait été instaurée par la les ordonnances Macron de septembre 2017, qui créaient en même temps les CSE. L’idée affichée était de favoriser le renouvellement des élus par une limitation à 3 mandats dans les entreprises d’au moins 300 salariés, avec des dérogations possibles dans les entreprises plus petites. Mais la CFDT y était opposée, car y voyait un frein à l’engagement syndical.
L’article L.2314-33 du Code du travail est donc désormais allégé des dispositions limitant le renouvellement des mandats.
Un cadre renforcé pour l’emploi des séniors
C’était un des chantiers qui devaient s’ouvrir à la suite de la réforme des retraites de 2023 : l’amélioration de l’emploi des séniors. La France n’est pas bon élève en la matière et les partenaires sociaux se sont attelés à répondre à cette problématique.
La CFDT a travaillé ces derniers mois à ce que les différents accords soient correctement transposés dans la loi.
Une nouvelle obligation de négocier dans les branches et dans les entreprises d’au moins 300 salariés
Une périodicité de négociation de 3 ans, aménageable dans une limite de 4 ans
Le thème de l’emploi des séniors pouvait être abordé en entreprise, de manière facultative, lors de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels. Cette possibilité est supprimée au profit d’une obligation de négocier à part entière sur ce thème dans les branches et les entreprises.
Les branches devront négocier au moins une fois tous les 4 ans sur l’emploi et le travail des « salariés expérimentés, en considération de leur âge » [1].
Dans les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, où une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives sont constituées, l’employeur doit engager, au moins une fois tous les 4 ans également, une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés en considération de leur âge [2].
Ces périodicités sont d’ordre public et il n’est pas possible d’en prévoir une plus longue.
Cependant, en l’absence d’un accord de méthode au niveau de la branche ou de l’entreprise, qui prévoirait une périodicité dans la limite de ces 4 ans, ces négociations doivent se dérouler tous les 3 ans [3].
Le contenu des nouvelles négociations
Sur quoi doivent porter ces nouvelles négociations ? En l’absence d’un accord de méthode prévoyant les thèmes à discuter, la loi prévoit qu’après une phase de diagnostic, ces négociations de branche et d’entreprise doivent porter sur :
Le recrutement de ces salariés ;
leur maintien dans l’emploi ;
l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
la transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences
A noter, que les informations nécessaires à la négociation devront être déterminées par voie réglementaire.
De façon facultative, ces négociations peuvent aussi porter sur :
le développement des compétences et l’accès à la formation ;
les effets des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
les modalités de management du personnel ;
les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;
la santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
l’organisation du travail et les conditions de travail.

Bon à savoir !
Les entreprises de moins de 300 salariés ne sont donc pas visées par cette nouvelle obligation de négocier. Néanmoins, l’accord de branche peut comporter un plan d’action type à destination des entreprises de cette taille. Ce plan d’action peut également servir en cas d’échec des négociations dans les autres entreprises [4].
Des mesures pour la seconde partie et la fin de carrière
Une série de dispositions de cette nouvelle loi vise à favoriser la fin de carrière des salariés.
L’encadrement du refus de la retraite progressive par l’employeur
Rappelons que depuis le 1er septembre, une des mesures de l’ANI est entrée en vigueur par la voie d’un décret : l’abaissement de l’âge de la retraite progressive de 62 à 60 ans.
La loi modifie en plus les articles L.3121-60-1 et L.3123-4-1 du Code du travail concernant le refus de l’employeur d’un passage en retraite progressive. Depuis 2023, l’employeur doit justifier d’une incompatibilité de la durée du travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise.
Désormais, en plus, la justification apportée par l’employeur rend notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné.
Mesures concernant le temps partiel de fin de carrière
La loi indique qu’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche peut prévoir que l’indemnité de départ à la retraite puisse être utilisée pour compenser la perte de revenu liée au passage à temps partiel ou à temps réduit.
Ce dispositif vise à sécuriser la transition vers la retraite en maintenant un niveau de rémunération acceptable pour les salariés en fin de carrière. Si l’indemnité n’est pas entièrement consommée au moment du départ en retraite, l’employeur devra verser le reliquat au salarié.
Modalités sur le cumul emploi-retraite
La loi sécurise les modalités de mise en œuvre du cumul emploi-retraite dans les entreprises. Elle précise que les règles encadrant la mise à la retraite s’appliquent, y compris aux salariés déjà en âge de liquider leur retraite à taux plein au moment de leur embauche.
Enfin, un entretien de parcours professionnel est créé pour favoriser la préparation de la seconde partie de carrière.
L’expérimentation du contrat de valorisation de l’expérience
Un nouveau contrat pour qui ?
Demande du patronat, la loi prévoit la création à titre expérimental pour 5 ans d’un nouveau type de contrat : le contrat de valorisation de l’expérience (CVE). La CFDT a veillé à ce que son usage soit strictement encadré.
Le CVE est un CDI qui pourra être conclu entre un employeur et une personne âgée d’au moins 60 ans et inscrite comme demandeur d’emploi à France Travail. Cet âge peut être abaissé à 57 ans par accord de branche étendu. Ce même accord pourra préciser les missions exercées dans le cadre de ce contrat.
De plus, le demandeur d’emploi ne doit pas avoir travaillé dans l’entreprise ou le groupe concerné au cours des six mois précédents. En outre, les personnes déjà titulaires d’une pension de retraite de base à taux plein ne sont pas éligibles, sauf exception prévues pour certains régimes spécifiques, comme les pensions militaires ou les régimes spéciaux.
Lors de la signature du contrat, le salarié devra fournir à son employeur un document de l’assurance retraite indiquant la date prévisionnelle à laquelle il pourra prétendre à une retraite à taux plein. Si cette date évolue après l’embauche, il devra transmettre une version actualisée du document.
Le régime juridique du CVE
Ce nouveau dispositif permet à l’employeur de mettre plus facilement à la retraite le salarié engagé dans le CVE, c’est-à-dire avant les 70 ans prévus par la loi.

Bon à savoir
La mise à la retraite est un mécanisme prévu à l’article L.1237-5 du Code du travail qui permet à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié ayant atteint l’âge de la retraite. Néanmoins, sans l’accord du salarié, il ne peut opérer cette mise à la retraite avant les 70 ans de ce dernier.
Avec le CVE, l’employeur peut mettre à la retraite un salarié dès que celui-ci atteint l’âge légal et remplit les conditions de liquidation à taux plein. Cette mise à la retraite doit respecter le préavis applicable en cas de licenciement et ouvre droit à une indemnité au moins équivalente à celle de licenciement.
La rupture par l’employeur qui ne respecterait pas ces conditions constituera un licenciement, et non une mise à la retraite.
[1] Art. L.2241-1 C.trav.
[2] Art. L. 2242-2-1 C.trav.
[3] Art. L.2242-22. et L.2241-14-1 C.trav.
[4] Art. L.2241-2-1 C.trav.