Licenciement : l’absence de lettre n’est pas toujours imputable à l’employeur

Publié le 20/12/2017

 

La non remise de la lettre de licenciement dans le délai imparti ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur a notifié le licenciement à l'adresse exacte du domicile du salarié et que ce sont les services postaux qui sont à l’origine du défaut de remise. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt récent. Cass. soc. 30.11.2017, n° 16-22569.

  • Faits et procédure

Dans cette affaire, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 18 février 2014. L’employeur lui a ensuite notifié son licenciement le 4 mars 2014, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’adresse communiquée par le salarié était pourtant exacte,  mais le salarié n’a pas reçu sa lettre de licenciement. Elle a été retournée à l’expéditeur par la Poste avec la mention « défaut d’accès ou d’adressage ».

Soutenant que son licenciement ne lui avait pas été notifié dans le délai prévu par le Code du travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

  • Délai d’un mois pour notifier le licenciement par écrit

Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il doit lui notifier par lettre motivée, envoyée en recommandé avec demande d’avis de réception. En l’absence de lettre, le licenciement sera automatiquement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur ne peut expédier la lettre de licenciement moins de 2 jours ouvrables après l’entretien préalable (1). Le non-respect de ce délai ouvre droit pour le salarié à une indemnité pour inobservation de la procédure.
L’employeur ne doit pas non plus, en cas de licenciement disciplinaire, envoyer la lettre de licenciement plus de 30 jours après l’entretien préalable (2). Le non-respect de ce délai rend nécessairement le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié arguait que la lettre de licenciement ne lui avait pas été remise dans le délai d’1 mois. Son licenciement avait été prononcé sans qu’il n’ait été informé par écrit des motifs invoqués par son employeur et était donc, selon lui, sans cause réelle et sérieuse.

 La cour d’appel a fait droit à sa demande considérant que peu importe que l’adresse en cause soit bien celle du salarié, son licenciement ne lui avait pas été notifié dans le délai d’1 mois. Elle en a conclu que le licenciement prononcé dans ces conditions était abusif.

C’est ainsi que l’employeur a formé un pourvoi en cassation. Il soutenait que « l'impossibilité d'accès à [l’adresse du salarié] des services postaux à l'origine du défaut de remise effective de la lettre de licenciement à son destinataire ne [pouvait] être imputée à l'employeur et priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ».  

La Cour de cassation devait répondre à la question suivante : lorsque l’accès au domicile est impossible malgré l’exactitude de l’adresse postale de l’intéressé, le licenciement est-il abusif ?

 

  • Si l’employeur n’est pas fautif, le licenciement est justifié

La Cour de cassation répond par la négative. Selon elle, les juges du fond ne pouvaient pas  décider que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse faute d’avoir été notifié dans le délai d'1 mois alors même que l'employeur avait bien notifié ce licenciement à l'adresse exacte du domicile de l'intéressé dans le délai requis. La chambre sociale se place ainsi du point de vue de l’employeur et choisit d’ignorer le fait que cette lettre lui ait été retournée par la Poste. Si l’employeur n’est pas fautif, le licenciement est justifié.

Cette solution de la Haute juridiction est conforme à sa jurisprudence récente à propos d’une lettre de renonciation par l’employeur à une clause de non-concurrence égarée par la Poste (3).

S’il est logique que l’employeur ne soit pas tenu responsable d’une faute commise par les services postaux, nous notons toutefois que le salarié qui a été licencié sans en connaître les motifs ne bénéficie, dans ce cas, d’aucune protection. D’autant plus que les délais de contestation du licenciement ou de demande de précisions des motifs énoncés dans la lettre de licenciement (procédure récemment introduite par l’ordonnance Macron (4)) courent à compter de la notification du licenciement. 



(1) Art L.1232-6 C.trav.
(2) Art L.1332-2 C.trav.
(3) Cass.soc. 10.07.13, n°12-14080.
(4) Ordonnance n°2017-1387du 22.09.17 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail.