Risques liés à la chaleur : les obligations de l’employeur renforcées !
De plus en plus nombreux en raison du changement climatique, les épisodes de chaleur ont un impact sur les travailleurs. Un décret du 27 mai dernier renforce un certain nombre d’obligations de l’employeur en la matière, et en crée de nouvelles, en particulier en ce qui concerne la prévention des risques professionnels. C’est une avancée bienvenue pour la CFDT qui avait exprimé la nécessité d'une évolution dans ce sens.
L’occasion pour nous de présenter les principales mesures de ce texte, applicable tant au secteur privé qu'à la fonction publique, et dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er juillet. Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 et arrêté du même jour.
L’évaluation des risques professionnels
La nouveauté principale de ce décret est le renforcement pour l’employeur de son obligation de prévention. Un nouveau chapitre du Code du travail [1] intitulé « Prévention des risques liés aux épisodes de chaleur intense » est créé.
À compter du 1er juillet 2025 donc, l’employeur doit évaluer les risques liées l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur comme en extérieur [2]. Dès lors qu’un risque est identifié pour la santé et la sécurité des travailleurs, il doit désormais prévoir des mesures ou des actions de prévention. Celles-ci devront être intégrées dans le Papripact (programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail) pour les entreprises d’au moins 50 salariés, et dans le DUERP (Document unique d’évaluation des risques professionnels) dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50.

Bon à savoir !
L’épisode de chaleur intense est défini par l’arrêté ministériel sur la base du dispositif de vigilance canicule de Météo-France. Il correspond au niveau de vigilance jaune (pic de chaleur), orange (période de canicule) ou rouge (canicule extrême) du dispositif.
Les mesures de prévention à mettre en œuvre
Un nouvel article R.4463-3 du Code du travail liste différentes mesures de prévention destinées à réduire les risques liés aux épisodes de chaleur intense.
Cette liste n’est pas limitative, l’employeur peut donc en prévoir d’autres. Ces mesures comprennent :
la mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d’exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre ;
la modification de l'aménagement et de l'agencement des lieux et postes de travail ;
l'adaptation de l'organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l'intensité de l'exposition et de prévoir des périodes de repos ;
des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées, par exemple par l'amortissement ou par l'isolation, ou pour prévenir l'accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail ;
l'augmentation, autant qu'il est nécessaire, de l'eau potable fraîche mise à disposition des travailleurs ;
le choix d'équipements de travail appropriés permettant, compte tenu du travail à accomplir, de maintenir une température corporelle stable ;
la fourniture d'équipements de protection individuelle permettant de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires directs ou diffusés ;
l'information et la formation adéquates des travailleurs, d'une part, sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur et, d'autre part, sur l'utilisation correcte des équipements de travail et des équipements de protection individuelle de manière à réduire leur exposition à la chaleur à un niveau aussi bas qu'il est techniquement possible.
De plus, l’employeur met en œuvre les mesures et actions de prévention prévues mais doit également les adapter en cas d’intensification de la chaleur [3].
Autre nouveauté concernant la mise à disposition des équipements de protection individuelle (EPI) après consultation du CSE. Désormais l’employeur doit prendre en compte les conditions atmosphériques [4].
La prise en compte des situations particulières
Le décret prévoit également une obligation pour l’employeur de prendre en compte les travailleurs particulièrement vulnérables aux épisodes de chaleur intense, notamment en raison de leur âge ou de leur état de santé. Ainsi, dès lors qu’il est informé qu’un travailleur est dans cette situation, il doit adapter les mesures de prévention destinées à assurer la protection de sa santé, cela en lien avec le service de prévention et de santé au travail (SPST) [5].
En outre, l’employeur doit définir les modalités de signalement [6] :
de toute apparition d’indice physiologique préoccupant ;
de toute apparition de situation de malaise ou de détresse ;
destinées à porter secours, dans les meilleurs délais, à tout travailleur et, plus particulièrement, aux travailleurs isolés ou éloignés.
Ces modalités sont portées à la connaissance des salariés et communiquées au SPST.
Un pouvoir de mise en demeure pour l'inspection du travail
Le décret prévoit aussi que l’inspection du travail puisse intervenir lorsque l’employeur ne définit pas les mesures ou actions de prévention du risque lié aux épisodes de chaleur intense. Elle pourra à ce titre mettre en demeure l’employeur de s’exécuter dans un délai d’au moins 8 jours [7]. Passé ce délai, sans réaction de l’employeur, l’inspection du travail pourra dresser un procès-verbal.
L’obligation de fournir de l’eau fraîche en période de chaleur intense
Un nouvel article R.4463-5 du Code du travail prévoit qu’en cas d’épisode de chaleur intense, une quantité d’eau potable fraîche suffisante doit être fournie par l’employeur.
De plus, ce dernier doit prévoir un moyen pour maintenir au frais, tout au long de la journée de travail, l'eau destinée à la boisson, à proximité des postes de travail, en particulier pour les postes de travail extérieurs.
Les lieux de travail face à la chaleur
Le décret traite également de la température des locaux de travail, indépendamment des épisodes de chaleur intense.
Ainsi, l’article R.4223-13 du Code du travail qui obligeait l’employeur à chauffer les locaux pendant la saison froide est modifié. Désormais, il prévoit que « les locaux fermés affectés au travail sont, en toute saison, maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent. En cas d'utilisation d'un dispositif de régulation de température, celui-ci ne doit émettre aucune émanation dangereuse. ».
L’employeur ne doit donc plus se contenter de chauffer en saison froide, mais également assurer un rafraîchissement en période de chaleur.
À noter que pour les postes de travail extérieurs, l’obligation est renforcée. L’employeur doit les aménager de telle sorte que les travailleurs soient protégés contre les effets des conditions atmosphériques. Le décret supprime donc la mention « Dans la mesure du possible » qui était précédemment lié à cette obligation.
Des obligations spécifiques dans le BTP
Les employeurs du secteur du BTP voient notamment renforcée leur obligation d’assurer la mise à disposition d’eau potable fraîche pour les travailleurs. Désormais, ce n’est que lorsqu’il est impossible de mettre en place l’eau courante que la quantité d’eau mise à disposition doit être d’au moins 3 litres par jour par travailleur [8].
Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur
Arrêté du 27 mai 2025 relatif à la détermination des seuils de vigilance pour canicule (...)
[1] Chapitre III du Titre IV du livre IV de la quatrième partie du Code du travail.
[2] Art. R.4463-2 C.trav.
[3] Art. R.4463-7 C.trav.
[4] Art. R.4323-97 C.trav.
[5] Art. R.4463-5 C.trav.
[6] Art. R.4463-6 C.trav.
[7] Art. R.4721-5 C.trav.
[8] Art. R.4534-143 C.trav.