Rupture conventionnelle : 15 jours pour envoyer sa lettre de rétractation

Publié le 03/07/2019

Une fois qu’elles ont apposé leur paraphe au bas de leur convention de rupture, les parties à une rupture conventionnelle disposent de 15 jours pour se rétracter. Mais pour apprécier si la rétractation a bien été faite dans le délai, est-ce la date d’envoi de la lettre y procédant ou bien celle de sa réception qu’il y a lieu de retenir ? C’est à cette question que la Cour de cassation est venue répondre courant juin 2019. Cass. soc. 19.06.2019, n° 18-22.897.

  • Les faits

Alors qu'il travaille au sein de la société Tous services depuis le 1er janvier 1996, un salarié convient de signer avec son employeur une convention de rupture conventionnelle. Nous sommes le 21 janvier 2015.

Le 3 mars suivant, cette rupture conventionnelle est homologuée par l’administration du travail. A priori, rien que de très normal dans un tel enchaînement des faits ! Sauf qu’entretemps l’employeur a préféré se rétracter, et que pour matérialiser sa décision, il a adressé au salarié un courrier lui signifiant sa décision.

Courrier envoyé le 3 février 2015 mais reçu (seulement) le 6 février 2015.

  • Le texte applicable à l’espèce

En son ultime alinéa, l’article L. 1237-13 du Code du travail ouvre aux parties à une rupture conventionnelle le droit de se rétracter... mais seulement pendant quelques jours !

Ledit article est ainsi libellé : « A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie ».

Ce délai de 15 jours étant « calendaires », il y a donc lieu de :

-        compter tous les jours suivants la date de signature de la convention de rupture, dimanches et jours fériés compris ;

-        le faire courir le lendemain du jour de signature de la convention de rupture et le faire expirer le 15è jour à minuit.

Peu après la reconnaissance légale de la rupture conventionnelle, une circulaire de la Direction générale du travail (DGT) était d’ailleurs venu préciser cette modalité de décompte(1).

  • Les thèses en présence

Le salarié a estimé que la rétractation de l’employeur n’était pas recevable et que la rupture conventionnelle devait en conséquence être considérée comme valablement conclue. A l’appui de cette position, il a fait valoir que, passé le jour de la signature de la convention de rupture, il avait guetté sa boite aux lettres 15 jours durant, et que rien n’était venu.

Comme nous l’avons précisé plus haut, cette convention avait été signée le 21 janvier 2015. En faisant courir le délai de 15 jours le lendemain de cette date, cela revenait à le faire expirer le 5 février 2015 à minuit. Or, ce n’est que le 6 février 2015 que le facteur s’est effectivement présenté à son domicile pour lui remettre le pli recommandé contenant le courrier patronal de rétractation.

A l’inverse, l’employeur a affirmé que la décision prise de se rétracter était parfaitement valable puisqu’il l’avait remise à la Poste le 3 février 2015, soit le 13è jour suivant la signature de la convention de rupture, donc bien dans le délai de 15 jours !  

Alors, au final, quelle date fallait-il retenir ? La date d’envoi ou la date de réception ?  

  • Une rupture conventionnelle reconnue valable par les juges du fond

C’est bien l’argumentation du salarié qui l'a emporté sur la conviction des juges du fond. Ils ont en effet constaté que la rétractation patronale n’était parvenue au salarié que le 16è jour suivant la signature de la convention de rupture, soit une journée trop tard ! Pour eux donc, la procédure devait suivre son cours et la rupture conventionnelle devait être considérée comme valablement conclue.

  • … mais pas par la Cour de cassation  

Censure de la Cour de cassation, qui juge qu’ « une partie à une convention de rupture peut valablement exercer son droit de rétractation dès lors qu’elle adresse à l’autre partie, dans le délai de 15 jours calendaires, une lettre de rétractation » et qu’en conséquence « la lettre de rétractation devait produire des effets ».

Dit autrement : 

c’est la date d’envoi de la lettre de rétractation qui doit être prise en compte et non sa date de réception.

 

Ce faisant, la Haute juridiction rend une décision conforme aux orientations qu’elle avait déjà prises sur le sujet. L’an dernier, elle avait en effet déjà eu à juger que le droit à rétractation devait être considéré comme « valablement exercé à partir du moment où la lettre de rétractation est adressée à l’autre partie dans le délai de 15 jours »(2). Etant précisé que dans cette dernière affaire, la rétractation émanait de la partie salariée et non, comme en l’espèce, de la partie employeur.

Dans un cas comme dans l’autre, la solution retenue par les juges du droit va très logiquement dans le même sens...



(1)Circ. DGT n° 2008-11 du 22.07.08.

[2] Cass. soc. 14.02.18, N° 17-10.035.