Règlement intérieur : sans avis du CSE, le syndicat peut en demander la suspension !

Publié le 05/10/2022

Lorsque l’employeur ne consulte pas le CSE lors de la mise en place du règlement intérieur, alors qu’il y est obligé, le syndicat peut en demander la suspension en référé. Mais le syndicat ne peut pas demander la nullité ou l’inopposabilité du règlement intérieur dans une action directement formée contre celui-ci.

C’est ce qu’indique la Cour de cassation dans un arrêt du 21 septembre 2022. Cass.soc.21.10.22, n°21-10.718, publié au Bulletin et au Rapport annuel.

Un défaut de consultation du CSE dans la mise en place du règlement intérieur

Dans cette affaire, une entreprise engage une procédure de modification de son règlement intérieur sans que soient consultés le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le comité d’établissement.

Cet arrêt, publié au rapport annuel de la Cour de cassation, traite de la consultation obligatoire des anciennes Institutions représentatives du personnels (IRP) mais la solution serait exactement la même avec le Comité social et économique (CSE).

Un syndicat saisit alors le tribunal judiciaire afin d’annuler ce règlement intérieur pour absence de consultation des IRP.  Mais la cour d’appel rejette sa demande. Elle estime qu’une organisation syndicale est irrecevable à former une telle action en justice : elle ne peut que s’associer à celle engagée par le CSE, et non en être à l’initiative.

Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation.

La reconnaissance aux syndicats d’un droit d’action en défense de l’intérêt collectif des salariés

La Cour de cassation rejette également la demande du syndicat, sans pour autant s’aligner complètement sur l’analyse de la cour d’appel.

Elle se fonde tout d’abord sur l’article L.1321-4 du Code du travail disposant que : « Le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité social et économique ».

Elle déduit de ce texte que « le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l'intérêt des salariés. ».

La Chambre sociale cite ensuite l’article L.2132-3 du Code du travail, affirmant que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice pour défendre l’intérêt collectif des professions qu’ils représentent.

Elle considère ainsi qu’un syndicat peut demander en référé la suspension du règlement intérieur en raison « du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ». La suspension vaudra alors jusqu’à ce que l’employeur procède à la consultation obligatoire.

Le référé est une procédure où le juge statue en urgence, par exemple afin de faire cesser un trouble manifestement illicite. Les mesures prononcées par le juge des référés sont provisoires[1].

En 2008, la Cour avait jugé que le défaut de réunion, d’information et de consultation obligatoire des IRP porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession[2].

Dans l’arrêt qui nous concerne, c’est la première fois que la chambre sociale est saisie d’une telle question. Elle s’était déjà prononcée sur l’inopposabilité d’une clause du règlement intérieur pour défaut de consultation, mais dans le cadre d’une action où un salarié contestait une sanction disciplinaire[3]. Dans notre cas, l’arrêt traite d’une action directement formée contre le règlement intérieur.

Une action limitée à la suspension en référé

Cependant, la Cour pose une limite à ce droit reconnu au syndicat, qui n’est pas recevable à demander au tribunal la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité pour défaut de consultation du CSE.

Selon la note explicative associée à l’arrêt, l’article L.1321-4 ne déclare pas la consultation du CSE comme une condition de validité du règlement intérieur, mais comme une modalité de son entrée en vigueur.

La Cour estime donc que seule une mesure provisoire peut être ordonnée. De par leur caractère définitif, la nullité ou l’inopposabilité à tous les salariés ne peut donc être demandée.

C’est pourquoi la Cour décide de limiter le droit d’agir du syndicat à une mesure de suspension en référé, par essence provisoire.

 

Cette solution est appréciable, en ce qu’elle permet aux syndicats de forcer l’employeur à respecter son obligation de consultation du CSE. Le règlement intérieur ne pouvant s’appliquer pendant le temps de la suspension, l’effectivité des garanties du Code du travail est de ce fait assurée.

 

[1] C.civ. art. 835.

[2] Cass.soc. 24.06.08, n°07-11.411.

[3] Cass.soc. 09.05.12, n° 11-13.687.