Licenciement et harcèlement : extension du domaine de la nullité

Publié le 06/03/2019

Lorsqu’une salariée est licenciée pour absences prolongées, mais que ses absences sont dues au harcèlement qu’elle a subi, son licenciement n’est pas simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est nul. Une solution juste et qui ouvre des perspectives intéressantes en temps de barémisation. Cass.soc.30.01.19, n°17-31473.

Voilà une solution qui revêt les atours de l’évidence : si le licenciement trouve son origine dans des faits de harcèlement, il est frappé de nullité. A bien y réfléchir cependant, « ça va mieux en le disant », tant la technique juridique peut parfois conduire à des hérésies en termes d’équité.

  • Faits, procédure, prétentions

Une salariée, gestionnaire de paie et en arrêt de travail depuis plusieurs mois, est licenciée en raison de son absence prolongée qui, selon l’employeur, perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et nécessite son remplacement définitif.

Licenciement et maladie - L’article L.1132-1 du Code du travail condamne le licenciement fondé sur l’état de santé du salarié au titre des discriminations prohibées. Toutefois, depuis longtemps, la jurisprudence a admis le licenciement motivé par les absences liées à cette maladie. En Assemblée plénière, la Cour de cassation a précisé que ce licenciement n’est justifié que si les perturbations générées par ces absences ont entraîné la nécessité de procéder à l’engagement définitif d’un autre salarié (1). Ainsi, sans être interdits, les licenciements fondés sur les absences liées à la maladie du salarié doivent-ils répondre à ces conditions précises.

La salariée estimant que ses absences, et donc son licenciement, n’étaient que la résultante du harcèlement moral subi, saisit la juridiction prud’homale.

Sa demande, rejetée en première instance, prospère devant la cour d’appel qui, en conséquence, annule le licenciement. Pour justifier leur décision, les juges retiennent que l’employeur n’établit pas que le licenciement pour absences répétées de la salariée liées à une maladie est justifié par des éléments étrangers à tout harcèlement.

L’employeur forme donc un pourvoi en cassation.

  • Le licenciement fondé sur l’absence prolongée due au harcèlement est nul

Devant la Cour de cassation, l’employeur fait valoir deux arguments principaux et connexes.

L’employeur rappelle d’abord que si les perturbations engendrées par l’absence prolongée de la salariée n’apparaissent pas justifiées, cela ne peut engendrer qu’une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non la nullité du licenciement (dont les conséquences indemnitaires ne sont pas les mêmes, surtout depuis l’entrée en vigueur du barème).

D’autant que, selon lui, il appartient au salarié (en l’occurrence à la salariée) de prouver que le licenciement a pour cause les agissements de harcèlement. C’est pourquoi la cour d’appel n’aurait pas dû faire reposer sur l’employeur la charge d’établir « que le licenciement pour absences répétées du salarié liées à une maladie est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

Pourtant, la Haute juridiction suit un tout autre raisonnement. Pour elle, en retenant l’existence d’un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l’état de santé de la salariée, la cour d’appel a fait ressortir l’existence d’un lien de causalité entre le harcèlement moral à l’origine de son absence et le licenciement. Et il n’y a donc pas de renversement de la charge de la preuve.

Aussi, la Cour de cassation donne-t-elle raison aux juges du fond qui ont prononcé la nullité du licenciement.

Pour la Haute juridiction « lorsque l’absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l’absence prolongée du salarié a causée au fonctionnement de l’entreprise ».

Une solution pleine de bon sens et qui ouvre des perspectives aux plaideurs…

  • Perspectives

Cette solution est aussi une façon opportune de rappeler que, de manière générale, le juge prud’homal doit rechercher la cause exacte du licenciement en dépit des faux-semblants, sans s’arrêter à la cause alléguée par l’employeur (surtout lorsque celle-ci n’est pas démontrée !).

Si la cause alléguée dissimule une autre raison (souvent beaucoup moins avouable et illicite), l’employeur doit être condamné en fonction. Autrement dit, si la véritable cause du licenciement est illicite, le licenciement sera nul, peu importe qu’une autre cause ait été invoquée par l’employeur !

Par exemple, les juges peuvent prononcer la nullité d’un licenciement motivé par des fautes effectivement commises par le salarié, mais dont ils constatent qu’il ne s’agit que de prétextes, la véritable cause du licenciement étant la participation du salarié à une grève licite (2).

Ce petit rappel pourrait s’avérer fort utile dans certaines hypothèses pour obtenir une juste indemnisation des salariés, que le barème désormais en vigueur ne permet pas toujours de d’atteindre.

(1)   Ass.plén.22.04.11, Bull.civ. n°3.

(2)   Cass.soc.28.04.1994, Droit social 1994.719.