Inaptitude : le poids des recommandations du médecin du travail

Publié le 13/01/2016

En cas de contentieux suite à un licenciement pour inaptitude, l’employeur doit prouver qu’il a respecté son obligation préalable de reclassement. Pour justifier de son impossibilité de reclassement, l’employeur peut invoquer devant le juge les réponses du médecin du travail. Cependant, cette justification ne se suffira pas à elle seule et devra nécessairement être complétée par d’autres éléments. Cass.soc, 15.12.15, n°14-11858.

  • Rappel sur l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude au poste

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de rechercher un autre emploi approprié à ses capacités (1).

Il doit pour cela tenir compte :

-          des conclusions écrites du médecin du travail,

-         des indications que le médecin formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existante dans l’entreprise.

Cette obligation de reclassement s’applique même lorsque le salarié est déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise.

Ce n’est que lorsque le reclassement s’avère impossible, ou que le salarié refuse les propositions de reclassement qui lui sont faites, que l’employeur peut prononcer un licenciement pour inaptitude.

En cas de contentieux sur le respect de l’obligation de reclassement, c’est à l’employeur de prouver qu’il a effectué des recherches et que le reclassement s’avère impossible. Pour cela, il peut par exemple s’appuyer sur les conclusions du médecin du travail qui jouent un rôle central dans les procédures de licenciement pour inaptitude.

L’arrêt du 15 décembre 2015 en est l’illustration parfaite.

  • Les faits

Dans cette affaire, une salariée est déclarée inapte par le médecin du travail. Ce dernier, postérieurement à la déclaration d’inaptitude, a précisé qu’aucun poste ne pouvait convenir au sein de l’entreprise en raison d’une inaptitude relationnelle envers toute la hiérarchie.

La salariée a saisi les juges afin de contester le bien-fondé du licenciement, considérant que l’employeur n’a pas respecté son obligation préalable de licenciement.

Lors du procès, l’employeur justifie l’impossibilité de reclassement par les éléments suivants :

-          après avoir écrit au médecin du travail sur les postes disponibles, ce dernier a répondu qu’aucun poste ne pouvait convenir en raison de l’inaptitude relationnelle,

-          après avoir demandé au médecin du travail une étude de poste, ce dernier  a considéré que la nature de l’inaptitude s’opposait à une attribution de poste au sein de l’entreprise.

Ces arguments ont convaincu la Cour d’appel qui a débouté la salariée de ses demandes.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir si les conclusions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement peuvent être utilisées par l’employeur pour justifier de l’impossibilité de reclassement.  

  • Les réponses du médecin du travail : élément de preuve de l’impossibilité de reclassement

La Cour de cassation rappelle tout d’abord, de façon assez classique, que l’avis d’inaptitude à tout poste ne dispense pas l’employeur, quel que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement dans l’entreprise ou, le cas échéant, dans le groupe.  

Elle précise surtout que « les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation ».

La Cour en déduit que la cour d’appel a bien fait ressortir l’impossibilité de reclassement, y compris par la mise en œuvre de mutations ou transformations de poste, au regard notamment des préconisations du médecin du travail interdisant de maintenir un lien avec certaines personnes.

La Cour de cassation confirme par cet arrêt que les conclusions du médecin du travail peuvent servir de preuve à la justification de l’impossibilité de reclassement.

Mais, fort heureusement, la Cour de cassation, en précisant que les réponses concourent à la justification, souligne que les juges ne peuvent se contenter de cette seule preuve pour caractériser le respect de l’obligation de reclassement. L’employeur devra nécessairement compléter par d’autres éléments, comme ce fut le cas dans cette affaire.

  • Une décision logique, mais au bénéfice des employeurs

La décision rendue par la Cour de cassation est somme toute assez logique dans la mesure où il doit nécessairement prendre en compte les conclusions du médecin du travail lors de sa recherche de reclassement, et au besoin les solliciter. Il paraît donc évident que ces conclusions puissent venir étayer la défense de l’employeur dans le cadre d’un contentieux.

Néanmoins, cet arrêt facilite considérablement la preuve par l’employeur de l’impossibilité de reclasser,  preuve pouvant parfois être compliquée à rapporter, notamment en cas d’inaptitude à tout poste, et encore plus lorsqu’il s’agit d’une inaptitude « morale ».

Il ne faut toutefois pas oublier que les conclusions et préconisations du médecin du travail peuvent aussi être un atout considérable pour le salarié en cas de contentieux : il en ira ainsi lorsque par exemple l’employeur aura proposé des postes non conformes aux préconisations du médecin du travail, ou encore lorsqu’il n’aura pas sollicité le médecin du travail sur les propositions de reclassement.


(1) Art. L. 1226-2 et 10 C. trav.

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