Maladie professionnelle : l'action pour sa reconnaissance n’interrompt pas la prescription devant les prud’hommes !

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La reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie devant le pôle social du tribunal judiciaire est un long processus, souvent étalé sur plusieurs années en raison des délais judiciaires. En plus de cette procédure, le salarié peut également faire valoir des droits devant le conseil de prud’hommes en lien avec cette reconnaissance. C’est le cas lorsqu’il s’agit d’établir l’origine professionnelle d’une inaptitude, et d’obtenir le paiement de l’indemnité spéciale de licenciement en résultant. Dans cette situation, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que l’introduction de la première action n’interrompt pas la prescription de la seconde… Cass.soc. 26.11.2025, n°24-19.023.

Un licenciement pour inaptitude et des actions en justice engagées

Dans cette affaire, un salarié est placé en arrêt de travail pour maladie de 2013 à 2018, avant d’être déclaré inapte par le médecin du travail. Il est ensuite licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

L’année de son licenciement, il entame une procédure de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (transformé depuis en pôle social du tribunal judiciaire), et obtient gain de cause en 2021.

Après la réussite de cette action en justice, donc plusieurs années après le licenciement, il décide de saisir le conseil de prud’hommes, afin d’obtenir le paiement de l’indemnité spéciale prévue à l’article L.1226-14 du Code du travail, estimant que son inaptitude est d’origine professionnelle. Cette indemnité doit être égale au moins au double de l’indemnité de licenciement en cas d’inaptitude d’origine professionnelle.

Bien que son action en reconnaissance du caractère professionnel ait trouvé une issue favorable, la cour d’appel rejette sa seconde action. Elle juge en effet la demande irrecevable, car prescrite

Bon à savoir !

L’article L.1471-1 du Code du travail prévoit en effet que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture.

En l’espèce, l’action avait été engagée près de 3 ans après le licenciement...

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation, estimant que le point de départ du délai de prescription de son action courait à compter du jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale reconnaissant le caractère professionnel de sa maladie.

Le rejet du pourvoi par la chambre sociale

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, commençant par rappeler la règle de l’article L.1471-1 du Code du travail, précité.

Elle rattache ensuite l’action du salarié en paiement de l’indemnité spéciale de licenciement de l’article L.1226-14 du Code du travail à une action portant sur la rupture du contrat de travail et lui applique donc le délai de prescription de 12 mois.

Les juges déduisent également de l’article 2241 du code civil que « l'interruption de la prescription en matière civile ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement que lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première. ».

La chambre sociale confirme ainsi l’analyse des juges d’appel retenant la prescription de l’action devant la juridiction prud’hommale.

Elle considère que ces deux actions n’ont pas le même but. Tout d’abord, elles n’opposent pas les mêmes parties car d’un côté c’est un litige entre le salarié et la caisse de sécurité sociale, et de l’autre un litige salarié/employeur devant les prud’hommes.

D’autre part, la première action vise à obtenir une meilleure indemnisation de la caisse de sécurité sociale quand la seconde a pour but d’avoir l’indemnisation de la rupture du contrat de travail.

Ces actions n’ayant pas le même but, les juges retiennent qu’il n’y avait aucune cause d’interruption de la prescription. La chambre sociale confirme ainsi ce que décide la cour d’appel, à savoir que l’action était prescrite car le délai de 12 mois dépassé.

Une décision regrettable pour les droits des salariés

Si elle n’est pas surprenante, car ces actions n'ont en effet pas le même but, on peut regretter une telle décision. La reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par le pôle social du tribunal judiciaire, va directement pouvoir participer à la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude devant les prud'hommes. 

Pour une telle situation, le salarié doit donc veiller à saisir les deux juridictions sans attendre d'être touché par la prescription.

Il convient néanmoins de préciser que le salarié n’est pas tenu d’attendre la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie par le pôle social du tribunal judiciaire pour agir devant le conseil de prud’hommes ! 
En effet, lorsqu’il saisit ce dernier et qu’il en fait la demande, les juges doivent rechercher l’origine professionnelle de l’inaptitude, même si elle fait suite à un arrêt maladie de droit commun et même si le salarié n’a pas engagé de procédure visant à faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie (Cass. soc. 19.09.24, n°22-17.737).

Dans la même logique, la chambre sociale avait récemment jugé de la même solution entre une action en reconnaissance d'une maladie professionnelle et d'une action en contestation de la cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 25 juin 2025, nº 23-22.821).

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