Covid-19 : des règles dérogatoires en matière de CDD et d'intérim

Publié le 24/06/2020

La loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, publiée le 18 juin au JO, permet à l’entreprise de négocier certaines règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) et aux contrats de mission.

Bref décryptage.

  • De la primauté de la branche à la primauté de l’entreprise

Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, les branches professionnelles ont la possibilité de définir les conditions d'emploi et de travail des salariés, notamment en ce qui concerne les règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) et aux contrats de mission (il s’agit des contrats de travail temporaire). C’est ainsi que le Code du travail permettait aux branches de prévoir la durée totale des contrats, le nombre maximum de renouvellements possibles, les modalités de calcul du délai de carence et enfin, les cas dans lesquels le délai de carence ne s’applique pas. Le Code du travail prévoyait également que les dispositions de l’accord de branche priment sur les dispositions d’un accord d’entreprise, sauf garanties au moins équivalente.  

L’article 41 de la loi n°2020-734 précitée bouscule ces règles :

  • il confie à l’entreprise la possibilité de négocier les règles relatives aux CDD et CTT ;
  • il prévoit que les stipulations de l’accord d’entreprise prélaveront sur celles de l'accord de branche.

Cela signifie qu’avec cette loi, en cas de concours entre accord d’entreprise et de branche, c’est l’accord d’entreprise qui s’appliquera systématiquement, sans qu’aucune comparaison avec ce qu’aurait pu prévoir l’accord de branche ne soit nécessaire.

  • Quelles sont les règles relatives aux CDD et contrats de mission que l’entreprise peut désormais négocier ?

En ce qui concerne les CDD et les contrats de mission, il sera possible, par accord d’entreprise (pour les contrats de mission, cet accord est signé au sein de l’entreprise utilisatrice) de négocier et de fixer :

  • le nombre maximal de renouvellements possible ;
  • les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats ;
  • les cas dans lesquels le délai de carence ne s’applique pas.

La loi prévoit aussi qu’en ce qui concerne les contrats de mission, l’accord d’entreprise peut autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus à l’article L. 1251‑6, c’est-à-dire sans avoir à justifier d’un surcroît temporaire d’activité ou encore d’un remplacement d’un salarié absent…

Cette possibilité de négocier est ouverte à compter du lendemain de la publication de la loi. La primauté de l’accord d’entreprise s’applique elle aussi pour tout accord conclu à compter de cette date.

A noter que contrairement à ce que peut faire la branche, la loi n’a pas permis à l’entreprise de négocier la durée totale du CDD et contrat de mission. Ce sont donc les règles fixées par la branche qui continuent à s’appliquer, ou, à défaut, les règles du Code du travail.

  • Une négociation d’entreprise encadrée

Tout d’abord, la loi précise que c’est afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l'épidémie de Covid-19 jusqu'au 31 décembre 2020 qu’un accord collectif peut être conclu en dérogation des règles relatives aux CDD et contrats de mission.

Cet élément devrait selon nous figurer dans le préambule de l’accord.

De plus, et fort heureusement, la loi précise aussi que la négociation sur le nombre de renouvellements ne peut pas conduire un CDD ou un contrat de mission à pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Enfin, les stipulations de l’accord d’entreprise ainsi conclu sont applicables aux contrats de travail conclus jusqu’au 31 décembre 2020. Cela signifie qu’aucun accord d’entreprise ne pourra être signé au-delà de cette date.

Cela signifie également, en fonction du contenu de l’accord, qu’un CDD ou contrat de mission pourrait être signé en application de l’accord jusqu’au 31 décembre, et recevoir application au-delà de cette date, notamment lorsqu’il s’agira de le renouveler. Toutefois, il semble que les dispositions relatives au délai de carence ne pourront trouver à s‘appliquer au-delà de cette date car la carence sous-tend la conclusion d’un nouveau contrat.

A noter que ces accords d’entreprise devront être conclus selon les règles de droit commun.

  • Pour la CFDT 

Nous regrettons que ce qui relevait précédemment soit transféré, même provisoirement, à l’entreprise. Le sujet de la qualité de l’emploi, en particulier celui lié aux contrats précaires, doit selon nous se négocier au sein de la branche qui joue un rôle de régulateur. Le risque, en faisant passer ce sujet dans l’entreprise, est qu’un dumping se mette en place entre entreprises d’un même secteur sur la base de contrats courts, au détriment des salariés.

Par ailleurs, en ce qui concerne la possibilité donnée à l’accord d’entreprise d’autoriser le recours à des salariés temporaires hors des cas de recours prévus à l’article L. 1251-36 du Code du travail, il nous semble que cette disposition est relativement dangereuse et que les cas de recours prévus dans le Code du travail sont déjà suffisamment larges pour permettre le recours à l’intérim.  Il nous semble aussi que cette disposition permettra aux entreprises de se prémunir contre d’éventuels contentieux sur le sujet.

En parallèle, la rédaction du texte interroge quant au contenu de l’accord collectif qui pourrait être signé sur le sujet : le texte ne précise pas si l’accord peut se passer de fixer d’autres motifs que ceux prévus par le Code du travail pour recourir à l’intérim.

En clair, l’accord peut-il autoriser le recours à l’intérim sans motif ? Pour la CFDT, ce n’est en aucun cas cette analyse qui doit être retenue. Si toutefois les équipes CFDT devaient s’engager dans la négociation d’un tel accord, elles devront être particulièrement exigeantes quant à l’inscription de motifs de recours à l’intérim dans l’accord d’entreprise. Pour la CFDT, il n’est donc pas envisageable qu’un accord d’entreprise prévoie le recours à l’intérim sans objet de recours.