Congés: l'erreur de validation ne crée pas de droits

Publié le 06/11/2019

Un employeur peut-il revenir sur les dates de congés d’un salarié qu’il a validées par erreur ? Peut-on reprocher à un salarié d’avoir persisté à prendre des congés, certes validés mais auxquels il n’avait pas droit ?

Voici les questions auxquelles a récemment répondu la Cour de cassation. Cass.soc.9.10.19, n°18-15029.

  • PICTO Conges Général-OrangeL’affaire

M. W est concepteur dessinateur chez Peugeot Citroën automobiles depuis 2009. En 2012, il est licencié pour absence injustifiée après avoir pris des congés sans autorisation. Sans autorisation ? Pas tout-à-fait selon lui…

Pour comprendre ce qu’il s’est passé, voici un bref exposé des faits.

Le 19 avril 2012, M. W se rend sur le logiciel de gestion des congés mis en place au sein de l’entreprise en vue de poser ses congés d’été du 4 juin au 6 juillet. Pour être précis, il posait 2,5 jours de RTT, 5,5 jours de CP et 17 jours de congés pour évènement familial ou par anticipation sur les congés de 2013. Une fois la saisie effectuée, le salarié est aussitôt informé des anomalies affectant sa demande. Sa demande de congés sera pourtant validée par l’employeur.

Sauf que le 22 mai, alors qu’il consulte le logiciel, le salarié prend connaissance du refus de son employeur. Refus qui sera par la suite réitéré par LRAR le 1er juin : pour l’employeur, la validation des congés est une erreur, d’ailleurs le salarié était non seulement dans l’impossibilité de justifier de l’évènement familial au titre duquel il prenait 17 jours (durée qui d’ailleurs n’était même pas prévue par la convention collective), mais qui plus est, il n’avait droit qu’à 2 jours de congés par anticipation. Ce qu’il ne pouvait pas ignorer…. Ses congés sont donc validés mais seulement jusqu’au 18 juin.

Pour autant, le 18 juin, date à laquelle ses CP prenaient fin, M. W ne se présente pas à son poste et ce, malgré plusieurs relances de l’employeur. Considérant qu’il a ainsi commis une faute, Mr W est licencié pour absence injustifiée.

Le salarié conteste son licenciement, qu’il juge sans cause réelle et sérieuse : il démontre, capture d’écran à l’appui, que sa demande a bien été validée et que l’employeur ne pouvait pas prouver, comme il le prétendait, que le logiciel l’avait immédiatement alerté d’une anomalie dans la demande.

Le salarié avance également le fait qu’il n’a été informé du refus que le 22 mai, soit moins d’1 mois avant son départ ! Beaucoup trop tard selon lui pour que l’employeur puisse revenir sur les dates de départ en congé, et ce, peu important que ces dates aient, ou non, été validées par erreur…

Les juges du fond ne sont pas du même avis : en refusant de reprendre son travail à l’issue de ses congés, il avait bel et bien commis une faute justifiant son licenciement. Le salarié se pourvoit alors en cassation.

  • Sur la modification des dates de départ en congés

Pour le salarié, une fois ses dates de congés validées, fût-ce par erreur, l’employeur ne pouvait plus les modifier moins d’1 mois avant son départ.

Le Code du travail, dans son article L.3141-16 (2°) prévoit en effet que dès lors que les congés d’un salarié sont fixés, l’employeur ne peut modifier ni l’ordre ni les dates de départ moins d’1 mois avant la date de départ prévue, à moins qu’il ne le justifie par des circonstances exceptionnelles.

Quelles sont ces circonstances exceptionnelles ?
Il peut s’agir d’une entreprise en redressement judiciaire ou qui reçoit une commande importante, inattendue et de nature à permettre sa survie (CA Chambery, 12.12.85, n°84-253 à 256), ou encore de la nécessité de remplacer un salarié brutalement décédé (Cass.soc.15.05.08, n°06-44354).

En l’espèce, le salarié prétend n’avoir été informé des nouvelles dates que le 22 mai, soit moins d’1 mois avant sa date de départ, prévue au 4 juin. L’employeur ne pouvait donc plus lui imposer cette modification.

Tout comme les juges du fond, la Cour de cassation n’ira pas dans son sens.

  • Une demande sciemment erronée, une validation faite par erreur

Les Hauts magistrats approuvent la cour d’appel :

- la demande du salarié est « sciemment erronée » car elle porte sur des congés pour évènement familial ou par anticipation qu’il ne pouvait de toutes façons pas justifier et dont la durée ne correspondait à aucune disposition de la convention collective applicable ;

- le salarié avait immédiatement été informé des anomalies que revêtait sa demande ;

- la validation postérieure de son responsable hiérarchique résultait d’une erreur.

Pour la Cour de cassation, il n’est donc même pas question de modification de date de congés, puisque ceux-ci ont tout bonnement été posés par un salarié qui ne pouvait ignorer qu’il n’en disposait pas d’autant, ensuite validés par erreur par l’employeur.

En persistant à ne pas vouloir reprendre son poste à l’issue des congés auxquels il avait droit, le salarié a donc bien commis une faute justifiant son licenciement.

Cette affaire est certes très particulière dans les faits, puisque les juges considèrent que le salarié ne pouvait pas ignorer qu’il prenait des congés auxquels il n’avait pas droit et qu’il a par ailleurs été aussitôt informé des anomalies. Mais il ne faut pas perdre de vue le fait qu’une validation erronée de l’employeur des congés d’un salarié ne peut en aucun cas lui octroyer des droits à congés supplémentaires.

Si la jurisprudence a, dans certains cas, admis que le salarié puisse prendre des congés sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’employeur, ce n’est pas le cas ici (1). Il convient donc de rester vigilant….

 

 

 



(1) Notamment : Cass.soc.23.01.02, n°99-46143 : cas du refus tardif de l’employeur (la veille pour le lendemain) ; Cass.soc.11.07.07, n°06-41706 : cas d’une défaillance de l’employeur dans l’organisation des congés (faute de réponse aux demandes du salarié).