Forfait jours : le salarié peut-il réclamer le paiement d'heures supplémentaires ?

Publié le 25/10/2022

En principe non ! Car en forfait jours, le temps de travail d’un salarié ne se décompte plus en heures de travail sur la semaine, mais en jours de travail sur l’année. La question des heures supplémentaires ne se pose donc plus. En conséquence, pour réclamer le paiement d'heures supplémentaires, le salarié doit avoir préalablement contesté la validité de sa convention de forfait. C'est ce que précise la Cour de cassation. Cass.soc.21.09.22, n°21-14106

Un salarié au forfait jours réclame le paiement de ses heures supplémentaires

Licencié, un salarié saisit le conseil de prud’hommes en vue de contester le bien-fondé de son licenciement. Mais surtout, il réclame le paiement d’heures supplémentaires pour des heures de travail qu’il aurait effectuées quelques dimanches de juin et de juillet 2015.

Jusqu’ici, les choses sont relativement simples... Sauf que le salarié est soumis à une convention de forfait en jours sur l’année !

Pour rappel, lorsqu’un salarié est soumis à une convention de forfait en jours, il doit effectuer un certain nombre de jours de travail par an. Son temps de travail n’est donc plus décompté en heures, mais en jours. Quelles conséquences ?

Ces salariés sont exclus des règles relatives :

      - aux durées maximales de travail (44 heures en moyenne par semaine ou 48 heures en absolu sur une semaine donnée);
      - à la durée légale de 35 heures;
      - aux heures supplémentaires (1).

En revanche, ils bénéficient de toutes les règles relatives aux repos minima, tels que les 11 heures de repos quotidien (2) et les 35 heures de repos hebdomadaire, ou encore de l’interdiction de travailler plus de 6 jours par semaine (3).

Malgré cela, ces salariés peuvent tout de même être amenés à effectuer de très nombreuses heures de travail...

Pour appuyer sa demande, le salarié met donc en avant plusieurs arguments.

- Le premier est qu’au même titre que les autres salariés, les salariés en forfait jours doivent pouvoir bénéficier de leur jour de repos hebdomadaire. Par principe, ce jour est donné le dimanche. Une convention de forfait ne permet pas à l’employeur de se soustraire à cette règle.

- Le second est la déduction du premier :  les heures qu’il a accomplies le jour de son repos hebdomadaire (le dimanche), sont des heures supplémentaires ! Dans la mesure où elles en dépassent le cadre, elles échappent aux règles du forfait jour. Selon lui, ces heures doivent donc être rémunérées en plus de son forfait et selon les règles de droit commun (c’est-à-dire comme s’il n’était pas en forfait jours).

Un salarié débouté par les juges du fond...

Mais alors que le salarié présente des éléments de fait attestant qu’il a bien accompli des heures de travail plusieurs dimanches consécutifs, la cour d’appel refuse de faire droit à sa demande. D’abord parce que le fait que la convention de forfait porte précisément sur des jours, et non sur des heures de travail, exclut toute notion de dépassement d’horaires. Ensuite, parce que le salarié n’a demandé ni la nullité de la convention de forfait, ni à ce que celle-ci soit privée d’effet à son égard.

Pour rappel : le non-respect par l’employeur des dispositions prévues par la convention de forfait ou par l’accord collectif qui en a prévu le recours, peut entraîner la nullité de cette convention ou la priver d’effet.
Dans les deux cas, le salarié peut prétendre à ce que ses heures de travail soient décomptées et rémunérées selon les règles de droit commun (sur la base de 35 h/semaine) et non plus en jours. S’il s’avère que le salarié a exécuté des heures supplémentaires, il peut donc en obtenir le paiement à condition d’apporter des éléments permettant de justifier qu’il les a effectuées.

Pour plus de précisions : Forfait jours : les conséquences d’une convention privée d’effet

Il faut avoir contesté la validité de la convention de forfait jours

La Cour de cassation va confirmer la décision de la cour d’appel. Elle commence par rappeler que les salariés en forfait jours sont exclus des dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire et donc aux heures supplémentaires. Selon elle, « il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires ».

En d’autres mots, tant qu’il reste dans le cadre de sa convention de forfait jours, un salarié ne peut pas réclamer le paiement d’heures supplémentaires, quand bien même celles-ci auraient été effectuées un jour de repos hebdomadaire. Pour obtenir ce paiement, il aurait dû commencer par contester la validité de sa convention de forfait afin que celle-ci soit privée d’effet. C’est à cette condition seulement qu’il aurait pu retomber dans une logique horaire.

Une solution logique, mais qui n’exempt pas l’employeur de ses obligations !

Si cette solution a été rendue sur la base de règles en vigueur avant la loi travail de 2016, elle aurait certainement été la même aujourd’hui. Et sur le fond, elle est en parfaite cohérence avec la logique des forfaits jours, qui exclut toute notion horaire du temps de travail.

Il n’en demeure pas moins que le recours à ce dispositif n’autorise pas l’employeur à toutes les dérives car s’il ne compte pas ses heures, le salarié en forfait jours a des droits.

  • Le droit à des repos minima - et à ce titre, il n’est pas certain qu’en travaillant le dimanche le salarié ait pu en bénéficier... Or l’employeur doit prendre les dispositions de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables, qu’elles sont compatibles avec le respect des temps de repos et qu’elles assurent une bonne répartition du travail dans le temps. Sous peine de manquer à son obligation de sécurité (4).
  • Le droit, en principe, au respect de son repos dominical.
  • Le droit à une majoration de salaire (au moins 10%) s’il est amené à dépasser le nombre de jours de travail prévu par sa convention (5).
  • Le droit à une rémunération en rapport avec les sujétions qui lui sont imposées. Dans le cas inverse, le salarié peut saisir le juge judiciaire pour demander réparation du préjudice subi (6).

 

(1) Art. L.3121-62 C.trav (anc. art. L.3121-48 C.trav.).

(2) Art. L.3131-1 C.trav.

(3) Art. L.3132-1 et L.3132-2 C.trav.

(4) Art.L.3121-60 (disposition d’ordre public), L.3121-64 (champ de la négociation collective) et L.3121-65 (dispositions supplétives) C.trav. ; Cass.soc.02.03.22, n°20-16683.

(5) Art L.3121-59 C.trav.

(6) Art L.3121-61 (anc. Art. L.3121-47) C.trav.

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