Forfait jours : le critère d’autonomie dépend de l’activité du salarié

Publié le 01/03/2023

Dans un arrêt du 25 janvier 2023, la Cour de cassation se prononce sur le critère d’autonomie nécessaire pour qu’un salarié soit éligible au forfait jours. Elle rejette l’argumentation d’une cour d’appel qui a caractérisé l’autonomie d’une salariée en se fondant notamment sur la taille de l’entreprise et le nombre de salariés. Cass.soc.25.01.23, n°21-16.825.

Une salariée conteste sa convention de forfait jours

Dans cette affaire, une salariée vétérinaire, statut cadre, est licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Elle exerçait ses fonctions dans le cadre d’une convention individuelle de forfait annuel en jours, mais en conteste la validité, ne s’y estimant pas éligible. Elle formule à ce titre une demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires qu’elle indique avoir accomplies.


Pour rappel, la durée du travail peut être forfaitisée en jours (Art. L.3121-53 C.trav.). La particularité de ce mode d’organisation du travail est que le salarié n’est pas soumis à la durée quotidienne de travail effectif, aux durées hebdomadaires maximales de travail ni à la durée légale hebdomadaire de 35 heures (Art. L.3121-62 C.trav.). Ainsi dans ce type de forfait, le temps de travail est décompté en jours et non pas en heures.
Aucune distinction n’est donc faite au sein d’une journée de travail entre les heures de travail effectif et les temps de repos. De même, il n’y a pas de décompte d’heures supplémentaires.
La mise en place d’un forfait jours suppose :
- l’existence d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche l’instituant (art. L.3121-63 C.trav.) ;
- l’existence d’une convention individuelle de forfait signée par le salarié et l’employeur. Ce qui peut prendre la forme d’un avenant au contrat de travail (art. L.3121-55 C.trav.).

De plus, seuls les salariés disposant d’une autonomie suffisante peuvent être éligibles à une convention de forfait en jours. L’article L.3121-58 du Code du travail dispose en effet que peuvent bénéficier de ce type de convention : 

« Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés » ainsi que « Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »

C’est l’accord collectif qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait en jours (art. L.3121-64 C.trav.).

En cas de litige, il appartient au juge de vérifier que le salarié dispose de l’autonomie suffisante pour bénéficier du régime du forfait. Le fait qu’un salarié entre dans la catégorie prévue par l’accord collectif n’est pas suffisant pour valider l’éligibilité à une convention de forfait en jours.

En l’espèce, la salariée estimait ne pas avoir d’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps et être contrainte de suivre les horaires d’ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire. Ce qui l’empêchait de bénéficier d’un forfait jours, selon elle.

 

Le critère d’autonomie validé par la cour d’appel

La cour d’appel rejette la demande de la salariée. Elle estime que, compte tenu « de la taille réduite du cabinet et de la présence en son sein d’une assistante vétérinaire ou d’une autre vétérinaire », le fonctionnement du cabinet ne nécessitait pas l’intégration de la salariée dans un horaire collectif de travail.

Elle ajoute également que la salariée disposait « d’une réelle autonomie dans l’organisation de son travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés et fixes » et qu’elle disposait du statut de cadre autonome, permettant alors de déterminer l’organisation de son temps de travail dans une convention de forfait annuel en jour.

 

La taille de l’entreprise et le nombre de salariés non retenus comme définissant l’autonomie

La chambre sociale rejette cette analyse de la cour d’appel, qui selon elle ne caractérise pas l’autonomie de la salariée. Elle considère en effet que les arguments des juges d’appel sont « impropres à caractériser l'autonomie de la salariée dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui étaient confiées et les raisons la conduisant à ne pas suivre l'horaire collectif de travail ».

Pour la Haute juridiction, la taille de l’entreprise ou le nombre de salariés ne constituent pas des critères permettant d’apprécier l’autonomie d’un salarié ni de justifier de ne pas suivre l’horaire collectif. Ces éléments sont extérieurs à l’exercice du travail de la salariée.

Cette solution n’est pas surprenante. La cour d’appel aurait dû logiquement analyser les missions de la salariée, l’exercice concret de son travail et la maîtrise ou non de ses horaires de travail. La Cour de cassation fait souvent référence à la contrainte d’un planning pour rejeter l’autonomie nécessaire l’éligibilité au forfait en jours. C’est le cas par exemple lorsqu’elle estime qu’un salarié était soumis « à un planning contraignant imposant leur présence au sein de l'entreprise à des horaires prédéterminés, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome »(1).

Pour plus de précisions sur le forfait en jours, voir la fiche Conventions de forfait de la rubrique Vos droits de Cfdt.fr.

 

(1)Cass.soc.15.12.16, n°15-17.568.

TÉLÉCHARGEMENT DE FICHIERS