Requalification d’un CDD en CDI pour absence d’écrit : précision sur le point de départ du délai de prescription

Publié le 05/04/2023

La Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification d’un CDD en CDI. Lorsque cette action est fondée sur l’absence de remise d’un contrat écrit par l’employeur, le délai de prescription débute après les 2 jours ouvrables pendant lesquels ce dernier doit remettre au salarié le contrat de travail. Cass.soc.15.03.23, 20-21.774.

Une action en requalification d'un CDD en CDI

Dans cette affaire, un salarié est engagé en tant que vendeur dans un magasin de chaussures en juin et juillet 2008. Durant ces 2 mois, il effectue quelques heures de travail sans que cela ne fasse l’objet d’un contrat écrit. Le 10 juillet de la même année, il conclut un CDD à temps complet auprès du même employeur.

Ce CDD est prorogé par avenant au contrat de travail jusqu’au 30 juin 2009, au terme duquel il perçoit les sommes qui lui sont dues et reçoit les documents de fin de contrat, avec en particulier un certificat de travail mentionnant les périodes de juin et juillet 2008, c’est-à-dire avant que le contrat ne soit formalisé par écrit.

Le salarié saisit le Conseil de prud’hommes d’une action en requalification de son CDD, établi le 10 juillet 2008, en un CDI débutant en juin de la même année, soit dès la période où il n’y avait aucun contrat écrit.

Le salarié peut former une action en requalification d’un CDD en CDI en cas du non-respect par l’employeur de certaines dispositions(1). Cette action doit se faire dans un certain délai, sinon l’action est prescrite et le salarié ne peut plus faire valoir ses droits. En application d l'article L. 1471-1 du Code du travail, la prescription est de 2 ans. 

La question du point de départ du délai de prescription devant les juges

La cour d’appel rejette sa demande au motif que l’action en justice était prescrite. Selon elle, le délai de prescription débutait le 10 juillet 2008, date à laquelle le premier CDD est formalisé par écrit.

Le salarié estimait, lui, que le délai de prescription de son action en justice débutait au terme du dernier contrat à durée déterminée.

La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, confirme la position de la cour d’appel. Elle rappelle que le point de départ de la prescription d’une action en requalification varie en fonction du fondement de cette action. Ainsi, les juges indiquent-ils que « le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l'absence d'établissement d'un écrit, à compter de l'expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l'employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail ». C’est cette précision qui fait l’intérêt de l’arrêt…


Il faut savoir que le CDD, contrairement au CDI, est un contrat nécessairement écrit qui comporte un certain nombre de mention obligatoire, comme par exemple sa durée minimale dès lors qu’il ne comporte pas de terme précis(2).
Le Code du travail précise aussi que le CDD doit être transmis au salarié, au plus tard, dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche(3).

La réaffirmation de précédentes solutions

La chambre sociale réaffirme également que lorsque cette action est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, le délai court à compter de la conclusion de ce contrat. Ce point n’est pas nouveau(4), le juge considérant que le salarié doit avoir connaissance de l’irrégularité du CDD dès sa conclusion.

Enfin, elle rappelle que lorsque l’action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, le délai court à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, à compter du terme du dernier contrat. Cette solution n’est pas non plus nouvelle pour la Cour(5).

Ainsi en l’espèce, la chambre sociale confirme la solution d’appel considérant que l’action du salarié était prescrite.

Cet arrêt est utile, car il vient indiquer d’où part le délai de prescription de l’action en requalification d’un CDD en CDI lorsque celle-ci est fondée sur l’absence de contrat écrit, tout en rappelant deux autres points de départ que la Cour avait déjà précisé par le passé.

Le salarié est donc mieux informé des conditions d’exercice de ses droits. Ajoutons néanmoins que, dans le cas où l’action en requalification est fondée sur le non-respect du délai de carence nécessaire entre deux CDD successifs, le délai de prescription débute à la conclusion du second contrat(6).

 

(1)Art. L.1245-1 C.trav.

(2)Art. L.1242-12 C.trav.

(3)Art. L.1242-13 C.trav.

(4)Cass.soc. 03.05.18, n°16-26.437.

(5)Cass.soc. 29.01.20, n°18-15.359.

(6)Cass.soc. 05.05.21, n°19-14.295.

TÉLÉCHARGEMENT DE FICHIERS