CDD : Précisions sur les droits du salarié en cas de requalification en CDI

Publié le 19/01/2022

Lorsqu’un employeur enchaîne les CDD avec un même salarié, il doit respecter certaines règles, faute de quoi il s’expose à voir ces CDD successifs requalifiés en CDI (1). Cette requalification, qui porte sur le terme du contrat de travail, peut avoir d’autres conséquences pour le salarié, qui peut par exemple demander un rappel de salaire pour les périodes intermédiaires entre 2 CDD.

Attention toutefois, car cela ne signifie pas que la requalification ouvre droit à toutes les demandes ! C'est ce qu'a clairement illustré la Cour de cassation dans un récent arrêt. Cass.soc.17.11.21, n°20-17526. 

Les faits

En 1988, un salarié est embauché par la Société Nulle part ailleurs Production en qualité d’imitateur dans une célèbre émission (par la suite intitulée « Les guignols »). Il signe ainsi plusieurs CDD successifs et ce, jusqu’en 2018, date à laquelle il est informé que l’émission prend fin, tout comme son contrat.

Le salarié va alors saisir le conseil de prud’hommes. Il demande la requalification de sa relation de travail en CDI, ce qui est assez classique, mais aussi, et ça l’est un peu moins, un rappel de salaire au motif que dans le cadre des CDD qu’il souhaite voir requalifiés en CDI, son employeur lui aurait imposé des modifications de son contrat de travail.

Il se trouve en effet que les différents CDD faisant l'objet de la demande de requalification ne prévoient pas tous les mêmes dispositions, notamment en ce qui concerne la durée de travail et la rémunération. Or pour le salarié, à partir du moment où tous ces contrats ont été requalifiés en un seul et même CDI, il s’agit alors de modifications de son contrat de travail que l’employeur ne pouvait pas lui imposer. C’est donc (notamment) à ce titre qu’il réclame un rappel de salaire.

Pour rappel, en cours de contrat, l’employeur ne peut en principe modifier seul, c’est-à-dire sans l’accord du salarié, des élements socles du contrat de travail tels que la durée du travail ou la rémunération. (2)

Les juges du fond vont lui donner gain de cause.  Non seulement ils requalifient la relation de travail en CDI, mais ils vont également faire droit à sa demande concernant la modification unilatérale de son contrat de travail. Pour la cour d’appel, l’employeur ne peut pas décider seul de modifier la durée du travail ou la rémunération du salarié et ce quand bien même, ces modifications résultent de l’ « agencement de CDD successifs ». Elle condamne donc l’employeur à verser au salarié un rappel de salaire sur le fondement de ces modifications unilatérales du contrat de travail.

La société se pourvoit en cassation, la question étant de savoir si, dans le cadre d’une requalification de CDD en CDI, le fait que ces CDD successifs prévoient des dispositions différentes en termes de rémunération et de durée du travail, constituait ou non une modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur.

Implicitement, la requalification d’une relation de travail en CDI peut elle porter sur des éléments du contrat de travail autres que le seul terme du contrat ?

La requalification de CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat

Non, répond la Cour de cassation, pour qui « La requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail » ou à la rémunération.

Autrement dit, la requalification de la relation de travail en CDI n’a pas d’incidence sur les autres stipulations contractuelles introduites par les différents CDD successifs qui auraient modifié des éléments du contrat de travail tels que la durée du travail ou la rémunération. Ces contrats étant, à la base, distincts, les modifications qu’ils apportent ne peuvent pas être considérées comme des modifications unilatérales du contrat de travail par l’employeur et ce même si ces contrats sont finalement requalifiés en un seul CDI.

Pour la Cour de cassation, c’est en réalité au juge d’apprécier quelle est la valeur et la portée des différentes modifications qu’ont pu apporter les parties au cours des différents CDD concernés par la requalification. Elle renvoie donc l’affaire devant la cour d’appel.

Cette solution n’est pas surprenante...

Elle reste dans la lignée de la jurisprudence dégagée sur le sujet. Dans plusieurs arrêts rendus le 2 juin 2021, la Cour de casssation a par exemple jugé que la requalification de la relation de travail en CDI n’avait pas d’incidence sur le contenu du contrat de travail concernant notamment le nombre de jours travaillés par le salarié (3), ou encore, que pour déterminer le montant du rappel de salaire auquel peut prétendre le salarié pour les périodes intermédiaires entre 2 CDD requalifiés, il fallait tenir compte de la situation réelle du salarié pour chacune de ces périodes en fonction du CDD qui l’avait précédé (4).

 

(1) Art L.1245-1 C.trav.

(2) Voir aussi sur la modification du contrat de travail : https://cfdt.fr/portail/vos-droits/contrats-de-travail/autres-formes-d-emploi/contrat-de-travail-conclusion/contenu/modification-/le-contrat-de-travail-rec_66551

(3) Cass.soc.02.06.21, n°19-16183.

(4) Cass.soc.02.06.21, n°19-18080.

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