Maladie : La visite de reprise n’est pas conditionnée à la reprise du travail par le salarié

  • Maladie

L’employeur est responsable de l’organisation de la visite de reprise dès lors qu’il est informé de la date de fin de l’arrêt de travail du salarié. Un salarié en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, remplissant les conditions pour bénéficier de cette visite, peut également la solliciter auprès de son employeur en se tenant à sa disposition pour y procéder. La Cour de cassation est venue préciser que l’employeur ne peut cependant pas conditionner le bénéficie de cette visite par la reprise effective préalable de son travail par le salarié. Cass. soc. 03.07.2024, n° 23-13.784.

Un arrêt de travail de longue durée qui ne débouche sur aucune visite de reprise

Un conseiller de clientèle, au sein de la société Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Nord de France, est placé en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, de juin 2015 au 27 décembre 2017.

Par lettre du 19 décembre 2017, le salarié sollicite auprès de son employeur l’organisation de la visite médicale de reprise. L’employeur est avisé de la date de fin de l’arrêt de travail le 3 janvier 2018. Il demande au salarié de reprendre préalablement son travail pour pouvoir effectuer la visite médicale de reprise, et précise qu’à défaut il ne serait pas tenu de lui verser son salaire.

Malgré la demande réitérée du salarié le 6 février 2018 d’organiser la visite médicale de reprise, l’employeur ne saisit pas le service de santé au travail et ne lui verse pas son salaire.

Ce dernier a alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il a également formulé une demande de rappel de salaire s’étendant de la fin de son arrêt de travail jusqu’à l’introduction de sa demande de résiliation judiciaire, ainsi qu’une demande de dommages et intérêts au titre du manquement de son employeur à son obligation de sécurité.

Par la suite, le salarié est déclaré inapte à son poste avec impossibilité de reclassement par un avis du médecin du travail, puis licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement en décembre 2021.


Rappel des effets d'un arrêt de travail sur le contrat de travail 

Lorsqu’un salarié est placé en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, son contrat de travail est suspendu(1).

Lors de cette suspension, le salarié est dispensé de son obligation de fournir un travail et son employeur de lui verser son salaire. Seule l’obligation de loyauté perdure pour le salarié le temps de la suspension de son contrat de travail.

Lorsque la visite médicale de reprise est obligatoire, cette suspension prend fin lorsque le salarié l’effectue(2). La jurisprudence considère que le salarié n’est pas tenu de travailler avant la réalisation de cette visite, et que son absence ne peut être considérée comme fautive(3).

Depuis le 31 mars 2022, l’article R4624-31 du Code du travail prévoit que le salarié placé en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, durant au moins 60 jours, bénéficie obligatoirement d’une visite de reprise par le médecin du travail. De 2017 au 31 mars 2022 cette visite était de droit pour les salariés en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle durant au moins 30 jours. Ce dernier délai était applicable au salarié dans le cas d’espèce.

Cette visite doit être organisée par l’employeur, dès qu’il prend connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, en saisissant le service de prévention et de santé au travail.

La visite doit avoir lieu le jour de la reprise effective du travail par le salarié, et au plus tard dans les 8 jours suivant cette reprise.

Une visite de reprise organisée par l'employeur même en l’absence de reprise du travail

Dans le cas d’espèce, les juges du fond ont débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.

 Les juges ont considéré que l’employeur avait certes été avisé par le salarié le 3 janvier 2018 de la date de la fin de son arrêt de travail et de sa demande de visite de reprise, mais que le salarié n’avait pas manifesté sa volonté de reprendre son travail.

Selon eux, l’employeur avait dès lors exigé à bon droit que le salarié reprenne préalablement son emploi pour pouvoir effectuer la visite médicale de reprise. Ils en ont déduit qu’en l’absence de reprise de son travail, l’employeur était fondé à ne pas organiser cette visite de reprise,  et à ne pas verser son salaire au salarié.

La Cour de cassation ne suit pas les juges du fond dans ce raisonnement et casse l’arrêt d’appel.

Elle rappelle tout d’abord que, sur le fondement de l’article R. 4624-31, le salarié bénéficie d'un examen de reprise après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle. Elle poursuit en ajoutant que dès que l'employeur a la connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il doit saisir le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

La jurisprudence considère que dès lors que le salarié se met à la disposition de son employeur pour effectuer cette visite, ce dernier est tenu de lui verser son salaire(4). 

La Cour d’appel, qui a retenu que l’employeur est en droit de demander au salarié de revenir dans l’entreprise et de reprendre son travail pour passer la visite la visite de reprise, est censurée par la Cour de cassation.

Cette dernière retient en effet que la Cour d’appel, ayant relevé que le salarié avait informé l'employeur de la fin de son arrêt de travail, demandé l'organisation de la visite de reprise et réitéré cette demande, ne pouvait décider que l’employeur n’était pas tenu d’organiser cette visite de reprise.

Ainsi, dès lors qu’un salarié remplit les conditions pour en bénéficier, sollicite la visite de reprise et se tient à la disposition de son employeur, celui-ci est tenu de l’organiser et ceci. Peu importe qu’il ait repris ou non le travail.

L’essentiel à retenir

Cet arrêt apporte des précisions importantes pour les salariés qui se trouvent dans une situation similaire. En effet, à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, nous pouvons   en déduire qu’ils ne peuvent se voir imposer de reprendre le travail avant d’avoir pu bénéficier de la visite de reprise dès lors :

  • que l’employeur est informé de la fin de l’arrêt de travail ;
  • que le salarié a fait la demande de bénéficier de cette visite ;
  • et qu’il se tient à sa disposition pour qu’il y soit procéder.

Et surtout, s’il remplit les conditions précitées, il ne peut se voir privé de son salaire en ce qu’il refuse de reprendre le travail avant d’effectuer cette visite.

 

[1] Art. L. 1226-1-2 C. trav.

[2] Cassation sociale, 12.11.97, n° 94-40.912

[3] Cassation sociale, 22.02.2017, n°15-22.378

[4] Cassation sociale,10.02.2016, n°14-14.259 et 23.09.2014, n°12-24.967

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