
Arrêt Cour de cassation 14 novembre 2024
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Le droit de grève est un droit constitutionnellement garanti et offre une protection aux salariés face aux représailles de l’employeur. Le fait d’avertir son employeur de sa volonté de déclencher une grève dans le cadre d’un conflit collectif confère la même protection que celle accordée à un salarié en grève contre le licenciement. C’est ce qu’a décidé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 novembre 2024. Cass.soc.14.11.24, n°23-17.787.
Dans le cas d’espèce, un conflit oppose les salariés d’un atelier à leur direction, à propos de la mise à leur disposition d’un véhicule de service.
Un salarié menace l’employeur d’une grève en affirmant que les salariés comptent mettre à l’arrêt l’atelier si un véhicule de fonction n’est pas mis à leur disposition.
Le salarié est licencié pour faute grave par la suite alors que la grève n’a finalement pas eu lieu. Il saisit la juridiction prud’homale pour contester son licenciement et obtenir la nullité de celui-ci.
La grève est un droit fondamental reconnu par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, à son alinéa 7 :
« Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent »
C’est un droit également garantie dans le code du travail à l’article L.2511-1 :
« L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.
Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.
Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit ».
Ainsi un salarié qui participe à un mouvement de grève licite et qui ne commet pas d’agissement susceptible de constituer une faute lourde, ne peut être sanctionné par son employeur.
Le salarié obtient la condamnation de son employeur ainsi que la nullité de son licenciement en cause d’appel. L’employeur se pourvoi en cassation.
Il soutient que si une discussion a pu avoir lieu au sujet d'une grève, cette dernière ne s’est jamais concrétisée. Ainsi, la grève est demeurée hypothétique, et le licenciement du salarié n'est pas intervenu à l'occasion de l'exercice du droit de grève.
En conséquence, le salarié ne bénéficiait pas de la protection afférente, et les propos et l’attitude du salarié caractérisaient selon l’employeur une faute grave et justifiait donc le licenciement.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle relève que la cour d’appel « a constaté que les faits motivant le licenciement avaient été commis à l'occasion d'une revendication collective relative à la mise à disposition par l'employeur d'un véhicule de service au cours de laquelle le salarié avait annoncé l'intention des salariés de faire grève et de mettre à l'arrêt l'atelier si un véhicule n'était pas présent sur le site le lendemain, en a exactement déduit qu'ils avaient été commis à l'occasion de l'exercice du droit de grève, de sorte que le licenciement, prononcé pour faute grave, était nul » .
En effet la jurisprudence avait déjà affirmé que tenter d'inciter les membres de son équipe à mener une action de grève correspond à l'exercice du droit de grève et ne peut être assimilé à une faute lourde pouvant justifier un licenciement (1).
Ainsi, le fait que la grève n’a finalement pas eu lieu n’est pas un obstacle à la protection du salarié afférente au droit de grève dès lors que la menace du salarié de faire grève s’inscrivait dans un contexte d’une revendication collective.
Cette conception extensive de la protection afférente au droit grève par la Cour de cassation est la bienvenue. En effet, dans l’hypothèse d’une situation conflictuelle entre le collectif de travail et l’employeur, les salariés pourront exprimer leur intention d’exercer ce « droit de nuire » constitutionnel sans être inquiétés, quelque que soit la suite du conflit.
(1) Cass.soc.23.11.22, n°21-19.722 et Cass.soc.01.06.23, n°22-13.304.