Période d’essai : peu importe le statut, si les qualités professionnelles peuvent être appréciées !
Une période d’essai ne peut être prévue par le contrat de travail, si l’employeur a déjà pu apprécier les qualités professionnelles sous le statut d’indépendant. Cass soc 29 avril 2025 M23-22389
· Une période d’essai imposée à une salariée auparavant autoentrepreneuse…
Avant d’être embauchée, une salariée avait collaboré avec l’entreprise sur les mêmes fonctions, mais sous le statut d’auto-entrepreneuse pendant 9 mois. Lors de son embauche en tant que salariée, l’employeur a inséré une période d'essai de 2 mois dans le contrat de travail.
Selon l’article L1221-19 du Code du travail, la durée maximale de la période d’essai des salariés en CDI est de :
- 2 mois pour les ouvriers et les employés :
- 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
- 4 mois pour les cadres.
Elle peut être renouvelée, si un accord de branche étendu le prévoit (art.L.1221-21 du Code du travail).
Sauf exceptions très circonscrites (accords de branche prévoyant des durées plus longues conclus avant la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008), les durées mentionnées ci-dessus sont des durées maximales, en sorte que le contrat de travail ou des accords collectifs peuvent prévoir des durées plus courtes (art. L.1221-2 du code du travail).
L’employeur ayant rompu la période d’essai, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Elle a invoqué la nullité de la période d'essai.
En appel, les juges rejeté les demandes de la salariée considérant que le cadre d’exécution du travail (salariat/ autoentreprenariat) n’était pas le même. La salariée a donc formé un pourvoi.
· Les qualités professionnelles s'apprécient quel que soit le statut !
Devant la Cour de cassation, la salariée soutient que l’employeur a été en mesure d'apprécier ses qualités professionnelles avant la conclusion du contrat de travail, lorsqu’elle exerçait ses fonctions en tant qu’autoentrepreneuse. De sorte que, selon elle, la période d’essai n’était pas valable.
En effet, la loi qui prévoit que la finalité de la période d’essai consiste exclusivement dans l’appréciation des qualités professionnelles.
Aux termes de l’article L.1221-20 du Code du travail la période d’essai doit permettre à l’employeur « d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience » et au salarié « d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».
Donnant raison à la salariée, la Haute juridiction censure la décision de la cour d’appel qui avait considéré que la période d’exécution du travail sous le statut d’auto-entrepreneur n’avait pas permis à l’employeur d’apprécier les qualités professionnelles de la salariée.
La Haute juridiction considère que :
les juges d’appel auraient dû rechercher « si l'employeur n'avait pas eu l'occasion d'apprécier les aptitudes professionnelles de la salariée lors de la précédente relation de travail, quelle qu'en soit la forme ».
· Une solution cohérente et bienvenue
La solution est bienvenue : la finalité de la période d’essai est bien l’appréciation des seules qualités professionnelles et le changement de statut est à cet égard indifférent, d’autant que l’on peut douter de l’indépendance réelle de certains auto-entrepreneurs.
Par ailleurs, la décision s’inscrit dans le fil de jurisprudences antérieures considérant que lorsque le salarié a été embauché à plusieurs reprises pour exercer les mêmes fonctions en contrats à durée déterminée, les juges peuvent décider que la période d’essai est abusive (1). Dans le même ordre d’idées, lorsque plusieurs CDD ont précédé le CDI, leur durée doit être déduite de la période d’essai (art. L1243-11 C.trav.), et ces durées se cumulent, même s’il y a une interruption entre ces contrats (2).
(1) cass.soc.7 mars 2000, n°98-40198.
(2) Cass.soc.9 octobre 2013, n°12-12113.
