Loi « Florange » sur la reprise de site, censurée par le Conseil constitutionnel
Par décision du 27 mars 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution plusieurs dispositions centrales de la loi visant à reconquérir l’économie réelle. Notamment les parties relatives au refus de cession d'un établissement en cas d'offre de reprise, ainsi que les sanctions prévues par le législateur. Une décision plus que discutable au regard de l’objectif final de préservation de l’emploi.

La « loi Florange » [2] obligeait les entreprises ou les groupes de plus de 1 000 salariés à chercher un repreneur lorsqu’elles envisagent de fermer un établissement et de procéder à des licenciements collectifs. Cette obligation de recherche était assortie d’une obligation d’information-consultation du comité d’entreprise. Par ailleurs, si l’entreprise ne jouait pas le jeu et refusait une offre sans « motif légitime », des pénalités financières pouvaient lui être appliquées sur décision du tribunal de commerce.
Et c’est là que le bât blesse: dans sa version finale, la loi ne permettait à l’entreprise de refuser la cession qu’en cas de « mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise ». Autrement dit, les motifs légitimes de refus avaient été circonscrits à un cas bien précis.
Or, selon le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de la conformité de la loi à la Constitution et, en particulier, à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété, ces dispositions privent l'employeur de sa « capacité d'anticiper des difficultés économiques et de procéder à des arbitrages économiques à un autre niveau que celui de l'ensemble de l'activité de l'entreprise »[3].
De plus, le Conseil a considéré que les dispositions qui confiaient au juge du tribunal de commerce le soin d’apprécier le caractère « sérieux » des offres de reprise conduisaient à substituer l’appréciation du juge à celle du chef d'une entreprise « pour des choix économiques relatifs à la conduite et au développement de cette entreprise »[4].
Par ailleurs, saisi de la conformité des sanctions financières mises à la charge de l’entreprise en cas de non-respect de l’obligation de recherche d’un repreneur, le Conseil constitutionnel a également censuré ces dispositions (au principe de légalité des délits et des peines).
Dans la foulée, il a estimé que les sanctions prévues par la loi ne s’appliquant plus qu’en cas de non-respect des obligations d’information-consultation du comité d’entreprise (puisque l’obligation de justifier d’un motif légitime de refus de cession est annulée par sa décision), celles-ci se révélaient être excessives. A cet égard, il a en effet considéré que « s'agissant d'un manquement à ces obligations en matière de recherche d'un repreneur et de consultation du comité d'entreprise, cette pénalité, qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé, revêt un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité du manquement réprimé »[5]. Est-il besoin de préciser que cette appréciation est relative, dans la mesure où le montant de cette amende avait été limité par la loi à un maximum de 2% du chiffre d’affaires de l’entreprise ?
En définitive, par une appréciation de la proportionnalité (qui est discutable au regard de l’objectif de préservation de l’emploi poursuivi par le législateur) le Conseil constitutionnel a vidé la loi d’une partie essentielle de sa substance et de son effectivité.