Obligation de sécurité : les préconisations du médecin du travail s’appliquent dans les entreprises clientes !

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Le Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé des travailleurs. Pour satisfaire cette obligation, il doit tenir compte des recommandations et mesures du médecin du travail préconisées pour certains salariés. Mais jusqu’où s’étend cette obligation ? Dans un arrêt du 11 juin 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l’employeur devait veiller à l’application de ces recommandations dans les entreprises clientes, où un salarié effectuait ses livraisons. Cass.soc. 11.06.25, n°24-13.083.

Des aménagements formulés par le médecin du travail

Dans cette affaire, après avoir été victime d’un accident du travail, un conducteur livreur est déclaré apte à reprendre son poste par le médecin du travail mais « sans port de charge supérieure à 10kg, tirer ou pousser une charge pendant 5 mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique ».

Il est par la suite une nouvelle fois arrêté, mais est déclaré inapte à son poste quelques mois plus tard. Le médecin du travail précise que tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ce qui conduit à un licenciement pour inaptitude.

Entre temps, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne vérifiant pas si les lieux des sociétés tierces dans lesquels il effectuait ses livraisons respectaient les préconisations du médecin du travail (en particulier la mise à disposition du matériel adéquat).

Bon à savoir !

L’article L.4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

De plus, l’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Bien que constatant via les protocoles de sécurité que les sites en question (sauf un) n’étaient pas équipés de transpalettes électriques, la cour d’appel rejette la demande en considérant qu’il n’y a pas eu de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Selon les juges, l’employeur ne pouvait avoir connaissance de ce manquement si le travailleur intervenant dans les sociétés clientes ne l'a pas alerté de cela...

Un pourvoi en cassation est alors formé.

Le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur

La chambre sociale de la Cour de cassation fait droit à la demande du salarié et casse l’arrêt d’appel.

Pour arriver à cette solution, elle se fonde sur les articles L.4121-1, L.4624-3 et L.4624-6 du Code du travail.

Elle rappelle tout d’abord que selon l’article L. 4624-3 du Code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.

Puis elle évoque l’article L. 4624-6 qui précise que l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail. En cas de refus, il fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

Sur la base de ces textes, les juges de la chambre sociale indiquent que l’employeur « tenu d'une obligation de sécurité, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-3 du code du travail. ».

Appliquant ce principe, la Cour conclut que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. Ce dernier avait connaissance des préconisations du médecin du travail, en particulier l’utilisation de chariots électriques, il lui appartenait donc de vérifier que les lieux dans lesquels le salarié effectuait sa tournée en étaient bien équipé.

Cette solution bienvenue précise le champ d'application de l'obligation de sécurité. Elle s'étend aux lieux d’intervention du salarié, y compris lorsqu’il s’agit de sites appartenant à des entreprises tierces. L'employeur est tenu de veiller à la mise en œuvre des mesures prescrites par le médecin du travail dès qu'il en a connaissance. Il ne pourra s'exonérer de cette obligation en arguant ne pas avoir été alerté par le salarié de l'absence du matériel adapté...

 

L'arrêt de la Cour de cassation : Cass.soc. 11.06.25, n°24-13.083.

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