Licenciement : même justifié, il peut être vexatoire !
Un salarié victime d’une rupture du contrat brutale ou vexatoire peut obtenir des dommages-intérêts en réparation de ce préjudice, même si l’employeur dispose d’un motif réel et sérieux de licenciement et a respecté la procédure légale. La Cour de cassation a réaffirmé cette solution dans un arrêt rendu cet été. Analysons ensemble ce rappel important. Cass.soc. 01.07.25, n° 24-14.206.
Une altercation violente débouchant sur un licenciement pour faute grave
Dans cette affaire, un salarié a été mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave à la suite d’une altercation survenue sur le lieu de travail. Il était accusé d’avoir défié l’autorité de son responsable hiérarchique, proféré des menaces de mort à son encontre, et porté un coup au visage d’un collègue. Ces événements ont donné lieu à des dépôts de plainte immédiats de la part des personnes concernées.
Le salarié, de son côté, a également déposé plainte contre son employeur. Il affirmait qu’à la suite de l’altercation, son employeur lui a ordonné de « dégager avec ses affaires », l'a poussé, et menacé de « mettre un coup de poing ». Le même jour, il a déclaré un accident du travail, reconnu ultérieurement comme tel par la caisse primaire d'assurance-maladie.
Une demande de réparation pour licenciement vexatoire
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale. Il demandait :
- d’une part la nullité du licenciement, au motif qu’il avait été prononcé pendant une suspension du contrat de travail pour accident du travail ;
- et d’autre part, la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts, en raison des « circonstances brutales et vexatoires » ayant entouré la rupture du contrat.
Mais la cour d’appel ne lui a pas donné gain de cause. Elle a considéré que le licenciement reposait bien sur une faute grave, sans que l'arrêt de travail pour accident du travail ne puisse remettre en cause sa validité.
S’agissant de sa demande au titre du licenciement brutal et vexatoire, la cour d’appel l’a également débouté estimant que « le licenciement prononcé pour faute grave après une période de mise à pied conservatoire a été jugé bien fondé, de sorte qu'il n'est ni brutal ni vexatoire ». C’est dans ces conditions que le salarié s’est pourvu en cassation.
Même justifié par une faute grave, le licenciement peut être vexatoire
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle que, même lorsqu'il est justifié par une faute grave, un licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi. Préjudice dont il peut demander réparation !
Or, la cour d’appel n’a pas suivi ce raisonnement. Elle s’est contentée de juger que le licenciement était fondé, sans rechercher, comme le lui demandait expressément le salarié, si la rupture du contrat n’avait pas été entourée de circonstances vexatoires.
La chambre sociale ne se prononce pas sur la réalité de ces circonstances : il appartiendra aux juges du fond de les caractériser. Elle reproche cependant à la cour d’appel de ne pas avoir examiné cet aspect du litige, peu important que les faits reprochés soient d’une particulière gravité.
En résumé
Lorsqu’un licenciement est entouré de circonstances brutales ou vexatoires, l’employeur peut être condamné à verser des dommages-intérêts, même si la rupture du contrat repose sur une cause réelle et sérieuse.
Encore faut-il que le comportement fautif de l’employeur ait causé un préjudice au salarié, distinct de celui lié à la seule perte de l’emploi.
Cette solution est régulièrement rappelée par la jurisprudence (1). Voici quelques exemples dans lesquels les juges ont reconnu un licenciement comme vexatoire :
- une procédure de licenciement reposant sur un motif fallacieux et accusant un salarié de déloyauté et d'incompétence professionnelle fautive ce qui l'a mis sous pression et l'a humilié (2) ;
- un salarié empêché de saluer ses collègues, mais aussi de s'expliquer sur les raisons de son départ ce qui a nui à son image et à sa réputation dans l’établissement(3) ;
- un employeur ayant soumis un salarié à un interrogatoire éprouvant de 9 heures le jour de sa mise à pied et diffusé largement des informations portant atteinte à sa réputation et à son honneur(4).
(1) Cass.soc. 22.06.16, n° 14-15.171 ; Cass.soc. 07.06.00, n° 98-44.284.
(2) Cass.soc. 04.06.25, n° 23-17.945.
(3) Cass.soc. 27.09.17, n° 16-14.040.
(4) Cass.soc. 12.05.21, n° 19-24.722.
L'arrêt de la Cour de cassation : Cass.soc. 01.07.25, n° 24-14.206.