Licenciement économique : l’offre de reclassement doit contenir l’ensemble des mentions obligatoires

  • Licenciement pour motif économique

Lors d’un licenciement économique, l’employeur a l’obligation de rechercher à reclasser le salarié concerné et, le cas échéant, de lui soumettre une offre. Pour que l’employeur soit considéré comme ayant rempli cette obligation de manière loyale, l’offre de reclassement doit contenir certaines informations obligatoires. Dans un arrêt du 23 octobre 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue affirmer que l’absence d’une seule de ces informations obligatoires prive le licenciement économique de cause réelle et sérieuse. Cass.soc. 23.10.24, n°23-19629 

 

Une offre de reclassement refusée 

Dans un contexte de réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, une salariée embauchée depuis 1986 dans une entreprise se voit proposer un reclassement en juillet 2019. Elle refuse cette proposition.  

En septembre 2019, elle accepte le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé par son employeur ; son contrat de travail est donc rompu à cette date.  

Considérant entre autres que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement, elle décide de saisir la juridiction prud’homale en contestation de la rupture de son contrat de travail.  

Rappels sur l’obligation de reclassement  

L’obligation de reclassement fait partie intégrante de la justification du licenciement pour motif économique. Autrement dit, aucun licenciement économique ne peut être justifié si l’employeur n’a pas exécuté son obligation de reclassement. 

L’article L.1233-4 du Code du travail oblige l’employeur qui envisage de licencier pour un motif économique un salarié à mettre en œuvre, au préalable, toutes les formations et adaptations de poste possibles, et ensuite à tenter de reclasser l'intéressé. Ce reclassement ne peut être opéré que sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. 

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié. Il peut aussi faire le choix de communiquer la liste des offres disponibles aux salariés. Ces offres doivent être écrites et précises. 

Plus précisément, l’article D.1233-2-1 du Code du travail énonce que l'employeur adresse des offres écrites qui précisent : l'intitulé du poste et son descriptif, le nom de l'employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste. 

Rappels sur l’état de la jurisprudence concernant l’obligation de reclassement  

La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur les conséquences d’une offre de reclassement imprécise. Dans un arrêt en date du 13 mai 20091, elle avait considéré qu’une offre de reclassement, proposée à différents salariés, n’indiquant pas de façon précise la rémunération du poste proposé, ne leur permettait pas de se prononcer en toute connaissance de cause. La Cour de cassation avait validé l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique dans ce contexte. Un autre arrêt de la Chambre sociale du 15 mai 20222 avait de nouveau admis l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement économique dans la mesure où l’offre de reclassement, qui ne comportait aucune indication relative à la rémunération, était insuffisamment précise.  

Ces deux décisions ont été rendues antérieurement à l'article L. 1233-4 du Code du travail, dans sa rédaction actuelle. 

L’arrêt dont il est question ici, se fonde sur l’article L.1233-4 du Code du travail en vigueur, et intensifie l’exigence de précision de l’offre de reclassement émise par l’employeur. 

Une offre de reclassement suffisamment précise selon l’employeur  

La cour d’appel confirme la juridiction prud’homale en ce qu’elle a considéré que l’offre de reclassement soumise par l’employeur n’était pas suffisamment précise et prononcé l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement économique.  

Dans le cas d’espèce, l'offre de reclassement ne précisait ni l'activité ni l'adresse de l'entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement était proposé. De plus, l’offre de reclassement ne contenait que la seule mention « au même niveau de rémunération », s’agissant de la rémunération proposée sur le nouvel emploi.  

La cour d’appel a considéré que les éléments d’informations et leurs précisions ne permettaient pas à la salariée de répondre valablement à l'offre de reclassement. Cela, même en l’absence de réserve ou de demande de précision des caractéristiques du poste proposé dans le courriel de réponse de la salariée.  

L’employeur argue dans son pourvoi que l'absence de précision du nom de l'employeur et de la classification du poste ne constituait qu'une irrégularité formelle ne privant pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. L’employeur ajoute que la seule mention « au même niveau de rémunération » revêtait un caractère de précision suffisant pour informer la salariée. Enfin, il estime que le courrier de réponse ne comportait aucune réserve ni demande de précision des caractéristiques du poste proposé, et que de cette circonstance, il résultait que l'intéressée s'estimait suffisamment informée pour pouvoir décliner l'offre qui lui était faite. 

Une obligation de précisons intangible pour la Cour de cassation  

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et confirme l’arrêt rendu par la cour d’appel.  

En fondant sa réponse sur le nouvel article L.1233-4 et D.1233-2-1 du Code du travail, la Cour de cassation énonce que le défaut de l'une des mentions précitées dans l'offre de reclassement la rend imprécise. Cela entraîne donc un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

La Cour de cassation donne raison à la cour d’appel qui a constaté que l'offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l'employeur, ni la classification du poste, ni la nature du contrat de travail, et était donc très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre.  

La cour d’appel en a donc justement déduit que l'employeur n'avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d'une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

La Cour de cassation va donc encore plus loin dans sa jurisprudence, en admettant que la moindre absence d’une mention obligatoire dans l’offre de reclassement entraîne nécessairement l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement économique.  

La décision Cour de cassation

  • Cass.soc. 23.10.24, n°23-19629

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