Temps partiel modulé : quelle sanction en cas d’invalidité de l’accord de modulation ?

  • Travail à temps partiel

L’illicéité d’un accord de modulation du temps partiel n’est pas sanctionnée par la requalification automatique du contrat à temps partiel en contrat à temps plein. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 24 avril 2024 au sujet de ce dispositif antérieur à 2008. Solution qui trouve néanmoins un intérêt dans le régime actuel des accords d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine. Cass.soc. 24.04.24, n° 22-15.967.

Les faits

Dans cette affaire, une salariée travaille comme agent de service logistique dans une association, d’abord en CDD puis en CDI à temps partiel. Son contrat prévoit une durée hebdomadaire moyenne de travail de 24,50 heures réparties sur l’ensemble de l’année, avec un nombre total d’heures de travail sur l’année de 1274 heures.

Par la suite, elle saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, et ainsi obtenir le paiement de rappels de salaire. Le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel, rejettent ses demandes. Elle forme alors un pourvoi en cassation, arguant que l’accord collectif de modulation du temps de travail est illicite et doit par conséquent être annulé.

La durée minimale d’un salarié à temps partiel est fixée par accord de branche étendu, à défaut d’accord cette durée est fixée à 24 heures/semaine ou, le cas échéant à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif de temps partiel aménagé (Art. L. 3121-27 du Code du travail).

Les conséquences de l’invalidité de l’accord de modulation

Le temps partiel modulé était un dispositif en vigueur avant 2008 qui permettait de faire varier, par accord collectif, la durée mensuelle ou hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l’année (ancien article L. 3123-25 C.trav.).

La loi du 20 août 2008 a substitué au dispositif du « temps partiel modulé » celui du « temps partiel aménagé sur tout ou partie de l’année » (art. L.3121-44 C.trav.), qui constitue un régime unique et non plus spécifique au temps partiel.

Bien que l’article L. 3123-25 ait été abrogé par la loi précitée, les accords collectifs conclus en application de celui-ci restent en vigueur !

La requérante fonde ses demandes sur l’article L. 3123-25 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008, qui prévoyait un certain nombre de mentions obligatoires pour l’accord collectif relatif à la modulation du temps partiel.

Pour être valide, l’accord devait notamment prévoir les modalités de communication par écrit au salarié du programme indicatif de répartition de la durée du travail, ainsi que les conditions et les délais de notification par écrit au salarié des horaires de travail.

Elle soutient que l’accord était illicite en ce qu’il ne contenait pas ces dispositions. Et selon elle, l’invalidité de l’accord devait nécessairement entraîner la requalification de son contrat en temps plein. C’est sur ce point, inédit, que les juges de la chambre sociale ont été amenés à se prononcer.

L’absence d’une requalification en temps plein résultant de cette invalidité

La Chambre sociale rejette cet argument. Elle considère que l’accord prévu à l’ancien article L. 3123-25 du Code du travail est une condition de recours, non au travail à temps partiel mais à la modulation de la durée de travail. Par conséquent, son invalidité n'emporte pas la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Malgré les changements opérés par la loi du 20 août 2008, cette solution trouve un intérêt aujourd’hui. Tout d’abord parce que les accords conclus avant cette date trouvent encore à s’appliquer. Et ensuite car il semble possible d’appliquer cette nouvelle solution aux accords de l’actuel article L. 3121-44 du Code du travail, prévoyant un dispositif unique d’aménagement du temps de travail.

L’accord visé à ce dernier article doit notamment prévoir les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail ainsi que les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail. On peut donc estimer que l’illicéité de l’accord collectif pour l’absence d’une de ces mentions n’entraînera pas la requalification automatique du contrat en temps plein.

Enfin, il faut préciser que les juges font une distinction entre la sanction résultant de l’irrégularité de l’accord collectif et celle résultant de la mauvaise exécution de cet accord.

Comme la Cour a déjà pu  l’affirmer, en cas de défaut d’exécution de l’accord de modulation, le contrat est présumé à temps complet. C’est alors à l’employeur de rapporter la preuve que le salarié n’était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Ces articles peuvent également vous intéresser

  • Action en justice des syndicats : une action de groupe 2.0. pour renforcer la défense des droits des salariés

    Lire l'article
  • APC : le motif spécifique de licenciement heureusement circonscrit !

    Lire l'article
  • Contentieux du licenciement : les témoins peuvent parfois avancer masqués

    Lire l'article