Egalité professionnelle : à défaut d’accord collectif, un plan d’action doit être rédigé !
Accéder à l’égalité professionnelle dans les entreprises est un enjeu majeur. Pour cela, un ensemble de mesures est défini par la loi, dont la négociation d’un accord collectif. Mais que se passe-t-il dans une entreprise d’au moins 50 salariés dépourvue de section syndicale ? Dans un arrêt rendu le 1er octobre 2025, le Conseil d’Etat précise les obligations des entreprises : un plan d’action doit être élaboré et à défaut, l’administration sera en mesure d’infliger une pénalité financière à l’entreprise ! CE, 01/10/25, n°495549
Les faits et la procédure
Le 26 décembre 2016, la société Max Mara transmet son plan d’action à la DIRECCTE d’Ile de France après la notification d'une mise en demeure le 21 octobre 2016.
Le 16 mai 2017, l’autorité administrative lui inflige une pénalité financière de 0,5% sur les rémunérations soumises aux cotisations car son plan d’action n’est pas conforme : il ne remplit pas toutes les conditions prévues à l’article L.2242-3 C trav.
En effet, les actions prévues ne visent que deux domaines sur trois : le recrutement et la conciliation vie familiale et vie professionnelle. Et le plan ne prévoit pas d'actions spécifiques en matière de rémunération, domaine pourtant obligatoire.
Le 15 avril 2019, un titre de perception d'un montant de 72 452 euros est émis à l'encontre de la société pour le paiement de cette pénalité financière, malgré l’envoi de 3 plans d’action postérieurement au contrôle de l’autorité administrative pour régulariser sa situation. L’inspecteur du travail les a tous considérés non conforme.
La société Max Mara saisit le tribunal administratif de Paris pour contester la décision de l’autorité administrative, ou du moins, pour réduire le montant de la pénalité, demandes rejetées le 2 novembre 2022.
Par un arrêt du 29 avril 2024, contre lequel la société Max Mara se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris ne fait pas droit à la demande de l’entreprise.

Que doit contenir un plan d’action pour l’égalité professionnelle ?
La méthodologie pour réaliser un plan d’action est définie aux articles L.2242-3 et R.2242-3 C trav.
Il est avant tout nécessaire d’évaluer les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée.
Ensuite, le plan d’action se divise en 2 parties :
- les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels.
- les actions qualitatives et quantitatives permettant d’atteindre les objectifs fixés et l’évaluation de leur coût.
Tant les objectifs de progression que les actions permettant de les atteindre visent les domaines d'actions suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, sécurité et santé au travail, rémunération effective (obligatoire) et articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Les entreprises de moins de 300 salariés doivent agir sur au moins trois des domaines d'action et les entreprises de 300 salariés et plus sur au moins quatre de ces domaines.
Les objectifs et les actions sont accompagnés d'indicateurs chiffrés.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les règles relatives à la négociation obligatoire en entreprise s’appliquent, même à défaut de section syndicale
La thématique de l’égalité professionnelle fait partie des 3 grands blocs de négociation collective obligatoire en entreprise. Qu’en est-il lorsqu’une entreprise d’au moins 50 salariés est dépourvue d’organisation syndicale représentative ? Doit-elle rédiger un plan d’action, comme le prévoit l’article L.2242-3 C trav, et respecter les obligations légales qui y sont rattachées ?
Selon la société Max Mara, rédiger un plan d’action n’est pas obligatoire dans sa situation car elle est dépourvue d’OSR. Elle estime que c’est facultatif. En conséquence, elle n’a pas à être pénalisée financièrement pour un plan d’action non conforme.
Mais ce n’est pas la position du Conseil d’état : « dès lors que la société Max Mara était au nombre des entreprises d'au moins cinquante salariés, elle pouvait, alors même qu'il n'existait pas de section syndicale en son sein, faire l'objet, en l'absence de plan d'action établi conformément aux dispositions de l'article L. 2242-8 du code du travail, de la pénalité prévue à l'article L. 2242-9 du même code ».
Pour se prononcer en ce sens, le Conseil d’état s’est appuyé sur les travaux préparatoires de la loi du 17/08/2015 relative au dialogue social et à l’emploi.
La Cour administrative d’appel apporte un élément complémentaire intéressant en se référant aux articles L.1142-1 et s C trav relatifs aux grands principes en matière d’égalité professionnelle. En voici un extrait : « Il résulte de ces dispositions que ce sont les mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes, qui sont facultatives et qui peuvent être ou non intégrées au plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de l'entreprise. »
En d’autres termes, une entreprise, dans l’incapacité de négocier un accord collectif, est tenue de rédiger un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle. A défaut de plan ou en cas de plan non conforme, elle sera susceptible de se voir infliger une pénalité financière.
La compétence de l’autorité administrative et celle de l’autorité judiciaire dans le contrôle du plan d'action
Le Conseil d’état précise le rôle de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire en matière de contrôle de l’accord collectif ou du plan d’action en matière d’égalité professionnelle : « Il revient à l'administration, sous le contrôle du juge administratif, de s'assurer, sans porter d'appréciation sur l'opportunité des choix opérés par l'entreprise, que l'accord ou le plan d'action comportent l'ensemble des mesures » définies par la loi, présentées précédemment.
En l’espèce, la DIRECCTE était donc en mesure d’infliger une pénalité financière à la société Max Mara, si son plan d’action ne respectait pas les obligations légales. Et tel était le cas du premier plan d’action transmis : il ne comportait pas d’actions en matière de rémunération alors que ce domaine est obligatoire.
Mais le Conseil d’état n’est pas d’accord avec la position de l’inspecteur du travail sur les plans d’action présentés postérieurement : tant le plan d'action transmis le 29 juin 2017, que celui envoyé le 21 novembre 2018 mentionnait des objectifs de progression, des actions et des indicateurs chiffrés dans trois domaines d'action. La société Max Mara s’était donc bien mise en conformité avant que le titre de perception ait été émis à son encontre.
Le Conseil d’état est clair : la juridiction administrative ne doit pas se limiter à se référer à l’appréciation portée par l’inspecteur du travail sur le plan d’action litigieux, elle doit étudier l’ensemble des pièces du dossier à sa disposition pour se prononcer sur la conformité ou non de celui-ci.