Les syndicats peuvent ils diffuser dans leur entreprise des communications appelant à faire barrage à l’extrême droite ?
La CFDT met à disposition des tracts et des visuels appelant à voter aux prochaines législatives et à faire barrage à l’extrême droite (https://www.cfdt.fr/defendrenotredemocratie). Certaines directions d’entreprises interdisent de tracter à propos des législatives estimant qu’il s’agit d’une communication politique qui n’entre pas dans les prérogatives d’un syndicat. Que nous dit le droit ?
Une liberté de contenu sous réserve de respecter le droit de la presse
Les syndicats déterminent librement le contenu de l’ensemble de leurs communications : affiches, tracts, publications(1). L’employeur ne peut interdire la diffusion d’une communication syndicale : seul un juge peut en exiger le retrait a posteriori et condamner les auteurs en cas d’infraction au droit de la presse (diffamation, injure…) ou d’atteinte à la vie privée.
Si le contenu est librement déterminé par le syndicat, la diffusion de la communication est soumise à des obligations différentes en fonction du support :
- un exemplaire du contenu affiché sur le panneau syndical doit être adressé simultanément à l’employeur (Art. L.2142-3 C.trav.) ;
- les tracts doivent être diffusés dans l’enceinte de l’entreprise aux heures d’entrée et de sortie du travail (Art L.2142-4 C.trav.) ;
- la communication sur les boites mails professionnelles des salariés n’est possible que par accord collectif (Art L.2142-6 C.trav.).
Un contenu qui doit s’inscrire dans l’objet du syndicalisme
En plus des règles spécifiques à la communication syndicale que nous venons d’exposer, les tracts et publications syndicales doivent s’inscrire dans la raison d’être d’un syndicat, à savoir « l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. »(2).
Il est évident que la défense des salariés ne limite pas la communication des syndicats aux seuls sujets professionnels de l’entreprise dans la mesure où les droits des salariés sont définis principalement par la loi (temps de travail, égalité salariale, non-discrimination, retraites, chômage, droit de vote aux élections professionnelles…). C’est bien le rôle d’une organisation syndicale d’informer les salariés de l’entreprise sur le programme de l’extrême droite et d’alerter sur les risques de reculs des droits des travailleurs et des travailleuses si un gouvernement avait la capacité de mettre en œuvre cette politique.
Ce qui est important c’est que la communication ne soit pas exclusivement politique mais se rattache bien aux sujets économiques ou sociaux. Dans une décision assez ancienne, la Cour de cassation a eu l’occasion de considérer comme irrégulier un tract appelant à voter pour le front commun de la gauche(3).
Les tracts mis à disposition sur le site de la CFDT appellent à faire barrage à l’extrême droite en raison des nombreux reculs pour les droits des travailleurs et travailleuses et n’appellent pas à voter pour un parti déterminé.
De plus au delà du rappel des règles juridiques, c’est bien le rôle d’un syndicat tel que la CFDT d’appeler à faire barrage à l’extrême droite, ce n’est pas une position politique, c’est une position syndicale en cohérence avec nos valeurs - lien (Solidarité, égalité, démocratie, émancipation) et nos statuts(4).
[1] Art. L.2142-5 C.trav.
[2] Art. L. 2131-1 C.trav.
[3] Cass. crim. 25.11.80, n° 80-90.554.
[4] Article 1er :
« L’action de la Confédération est porteuse de valeurs :
L’émancipation individuelle et collective : reconnaissant à chacun la capacité à se prendre en charge et à agir ensemble ;
La solidarité entre les travailleurs, entre salariés et demandeurs d’emploi, entre les générations et plus largement entre les peuples ;
L’égalité : lutte contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination, de sexisme, de racisme et de xénophobie ;
La démocratie : les femmes et les hommes doivent avoir prise sur leur vie, du lieu de travail à la gouvernance mondiale. »