Temps de trajet : les représentants doivent-ils être payés en heures supplémentaires ?

Publié le 24/02/2021

Les militants exercent parfois leurs missions en dehors de leur temps et lieu de travail. Comment doit être rémunéré le temps de trajet d’un représentant des salariés lorsque, à l’occasion de l’exercice de son mandat, il « dévie » du trajet qu’il effectue habituellement entre son domicile et son lieu de travail ?

Pour la Cour de cassation, si le temps de trajet excède le temps normal de trajet (entre le domicile et le travail), le représentant peut prétendre au paiement de ses heures.  Qui plus est, si ces heures le conduisent à dépasser ses horaires normaux, elles doivent être payées en heures supplémentaires. Cass.soc.27.01.2021, n°19-22038.

Rappel des faits

Un militant adresse un courrier à son employeur pour lui demander le paiement des temps de trajet inhérents à l’exercice de ses fonctions de représentant syndical. Il estime que ces heures doivent être payées et décomptées comme du temps de travail effectif et lui permettre de bénéficier du régime des heures supplémentaires et des primes sur heures supplémentaires. La société refuse et lui répond que le temps de déplacement n’est pas du temps de travail effectif.
Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale, sollicitant à titre principal la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur trajets (heures supplémentaires) et primes sur heures supplémentaires.

Quel que soit le mandat exercé, les heures de délégation sont considérées de plein droit comme du temps de travail effectif et doivent être payées à échéance normale (v. pour les délégués syndicaux : art.L.2143-17 ; pour les membres du CSE : art.L.2315-10 C.trav.).
Si l’employeur soupçonne les heures d’avoir été détournées de leur finalité ou autre abus, il lui appartient de saisir le juge judiciaire, mais il ne peut en aucun cas en refuser préalablement le paiement.

La cour d’appel considère que le salarié ne peut prétendre au paiement en heures supplémentaires, dans la mesure où, même si ce temps excède son horaire habituel et si le trajet est différent de son trajet domicile-travail, le militant est libre de choisir son itinéraire et n’est soumis ni au contrôle, ni à la direction de l’employeur, ce qui serait antinomique avec l’exercice de son mandat.

Pour les juges du fond, si les trajets du représentant doivent être rémunérés comme du temps de travail effectif, cela ne signifie pas que le temps de trajet constitue du temps de travail effectif. Ce temps ne peut donc déclencher le seuil des heures supplémentaires.

Par ailleurs, les juges relèvent que, s’agissant des temps de trajet excédant le temps normal, le Code du travail prévoit la faculté pour les partenaires sociaux de fixer d’autres contreparties que le paiement majoré (1).

Le militant décide alors de se pourvoir en cassation.

Le temps de trajet excédant le temps habituel doit être payé en heures supplémentaires

Devant la Cour de cassation, le salarié reproche aux juges du fond d’avoir décidé qu’il ne pouvait pas prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de déplacement professionnel liés à l’exercice de ses mandats de représentation et dépassant le temps normal de trajet.

La Cour a donc dû trancher la question suivante : ces heures peuvent-elles déclencher le seuil des heures supplémentaires et être payées au taux majoré ?

La Haute juridiction lui donne raison et répond par l’affirmative. Selon elle, non seulement le temps de trajet pris pour exercer les missions de représentant et excédant le temps de trajet habituel doit être payé comme du travail effectif, ce qu’elle avait déjà eu l’occasion d’affirmer, mais en outre ce temps « doit être pris en compte pour déterminer l’existence, le cas échéant, d’heures supplémentaires donnant lieu à majorations. »

La solution peut de prime abord surprendre un peu car, ainsi que l’avait relevé la cour d’appel, les salariés non militants ne percevront pas forcément un taux majoré pour ces trajets, mais pourront, en fonction de ce que prévoit l’accord, bénéficier d’une autre contrepartie.

Toutefois, une telle solution suggère aussi qu’il appartient à l’employeur de dégager du temps pendant les horaires normaux pour que les représentants des salariés puissent exercer leurs missions.

 

(1) L. 3121-4, alinéa 2.

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