Représentant syndical au CSE : peut-on le désigner dans une entreprise de moins de 50 salariés ?

Publié le 15/09/2021

Pour la première fois depuis la mise en place des CSE, la Cour de cassation a tranché la question de savoir si un syndicat peut désigner un représentant syndical au comité social et économique (RS au CSE) d’une entreprise de moins de 50 salariés. Cass.soc. 8.09.21, n°20-13.694.

Faits, procédure

Un syndicat désigne un adhérent en tant que RS au CSE au sein d’une entreprise de moins de 50 salariés.

L’employeur saisit le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de cette désignation. Il est débouté, le juge judiciaire estimant qu’en l’absence de délégué syndical, le syndicat pouvait désigner un salarié de l’entreprise comme RS au CSE.  

Suite au pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation devait donc trancher sur la possibilité ou non de désigner un RS au CSE d’une entreprise de moins de 50 salariés.

Les éléments du débat juridique

Pour bien comprendre la décision du juge judiciaire qui s’appuie sur l’absence de désignation d’un délégué syndical, procédons à quelques rappels importants...

Avant le passage au CSE, il n'y avait aucun doute possible : un représentant syndical au comité d'entreprise ne pouvait pas, par définition, être désigné dans une entreprise de moins de 50 salariés disposant de délégués du personnel. Mais voilà, bien que le texte sur la désignation du RS au CSE ne soit qu’un copié/collé des anciennes disposition du RS au CE, le remplacement du terme CE par CSE a légitimement ouvert un débat juridique, puisque cette instance concerne aussi bien les entreprises d’au moins 50 salariés que celles de moins de 50 salariés.

En effet, l’article L.2143-22 du Code du travail prévoit que « Dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité social et économique ». Nous sommes bien d'accord pour constater qu’il n’est pas fait référence ici à un effectif minimum à partir duquel le RS au CSE pourrait être désigné.

Mais pour bien comprendre la stratégie du syndicat qui n’avait pas désigné de délégué syndical, et la décision du tribunal judiciaire lui faisant droit, un point important doit ici être rappelé :  il n’est pas possible de cumuler le mandat de représentant élu du CSE et de RS au CSE.

Cette règle de non-cumul(1) a été posée par la Cour de cassation en 1990 et confirmée dès 2019 après le passage en CSE (voir ici).

Or, par dérogation au droit commun, un syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés uniquement parmi les élus au CSE(2). Une situation de blocage se présente donc dans ces entreprises si on croise les différentes règles : le DS est de droit RS au CSE, mais comme il est nécessairement un élu du CSE, la règle du non-cumul lui interdit d’exercer ce mandat. Il ne peut d’ailleurs pas véritablement exercer un droit d’option entre les deux mandats, la perte de la qualité d’élu lui faisant perdre son mandat de DS…

La seule solution pour éviter cette spirale contradictoire, et ainsi avoir une chance de succès en justice, était de ne pas désigner de délégué syndical. C'est ce choix qui a précisément été  opéré dans le cas d’espèce, certainement au regard d’une jurisprudence ayant admis que l’absence de délégué syndical dans les entreprises de moins de 300 salariés ne pouvait pas faire obstacle à la désignation d’un représentant syndical(3).  

Stratégie payante, puisque le juge judiciaire s’appuie sur cette absence de désignation de délégué syndical pour admettre la désignation  d'un RS au CSE d’une entreprise de moins de 50 salariés.

La solution de la Cour de cassation

Pour répondre à cette problématique, la Cour de cassation, après avoir rappelé les différents textes applicables en fonction de l’effectif pour la désignation du RS au CSE et la désignation du DS, commence par affirmer qu’il est possible « de désigner un représentant syndical au comité social et économique distinct du délégué syndical que dans les entreprises de plus de trois cents salariés ».

Ainsi, la Haute juridiction commence-t-elle par opposer une argumentation fondée également sur la lettre des dispositions du Code du travail. Cette première assertion ne répond toutefois pas à la question de savoir si, en l’absence d’un délégué syndical, comme c’était le cas ici, la désignation d’un salarié comme RS au CSE devient possible. Sur ce point, la Haute juridiction lève ensuite tout doute : la faculté de désigner un DS dans les entreprises de moins de 50 salariés « n’a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical auprès du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés ».

Comment la Cour de cassation justifie-t-elle son raisonnement ?

Elle considère que lorsque l’article L.2143-22 du Code du travail vise le « délégué syndical », il est en réalité question du délégué syndical de droit commun désigné dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Ainsi, en présence d’un délégué syndical « dérogatoire », entendu comme celui désigné dans les entreprises de moins de 50 salariés, « les dispositions de l’article L. 2143-22 ne sont pas applicables ». La Cour casse donc la décision du tribunal judiciaire, et statue directement au fond en annulant la désignation litigieuse.

Une solution logique ? 

Nous pouvons convenir que la possibilité de désigner un RS au CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés n’a pas été envisagée expressément par le législateur. Autrement, il est probable qu’il aurait levé les difficultés que nous avons rappelées sur la question du non-cumul.

Toutefois, l’argumentation de la Cour de cassation peut paraître décevante, tant l’argumentation juridique, finalement très peu développée et un peu « tirée du chapeau », n’aborde pas la question de la finalité du mandat de RS au CSE.

Autrement dit, y a-t-il un sens à désigner un représentant du syndicat pour rendre des avis consultatifs au sein d’une instance qui n’a pas vocation, par principe, à rendre des avis préalablement aux décisions de l’employeur ? On peut en déduire que la Cour de cassation a, par la même occasion, répondu par la négative à cette question... Preuve supplémentaire, s’il en fallait, que l’institution représentative du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés à juste changé de nom…   

 

[1] Dans notre affaire, le juge judiciaire a d’ailleurs pris soin de préciser, alors que ce point ne semblait pas en débat, que la salariée élue au CSE présentée par le syndicat ne pouvait pas être désignée RS au CSE en vertu de la règle du non-cumul.

[2] Art. L.2143-6 C.trav.

[3] Cass.soc.1.04.98, n° 96-60.442.