Licenciement d’un représentant : pas de consultation du CSE dans les entreprises de moins de 50

Publié le 12/01/2022

Saisi par un tribunal administratif d’une demande d’avis, le Conseil d’Etat a considéré que la consultation préalable au licenciement d’un membre élu du CSE, d’un représentant syndical au CSE ou d’un représentant de proximité, ne s’impose qu’à partir de 50 salariés. Conseil d’Etat, 4e-1re chambres réunies, 29.12.21, 453069.

Une représentante conteste l’autorisation de licenciement… et le juge saisit le Conseil d’Etat !

Dans cette affaire, une représentante du personnel a saisi le tribunal administratif pour demander l’annulation de la décision de l’inspection du travail autorisant son licenciement.

Le tribunal administratif, s’estimant confronté à une question nouvelle, décide alors de surseoir à statuer et d’interroger le Conseil d’Etat, en application de l’article L.113-1 du Code de justice administrative.

 

L’article L.113-1 du Code de justice administrative prévoit la possibilité, pour le juge, d’interroger le Conseil d’Etat, en particulier lorsqu’une question nouvelle se pose à l’occasion d’un litige dont il est saisi. Le Conseil d’Etat rend alors un avis et le juge doit surseoir à statuer jusque-là (1).
La même procédure existe en droit privé : lorsqu’il est saisi d’une question nouvelle posant une difficulté sérieuse, le juge judiciaire peut décider de surseoir à statuer et de saisir la Cour de cassation pour avis.
La loi Macron de 2015 a étendu cette possibilité aux questions se posant relativement à l’interprétation des accords collectifs.

La difficulté est la suivante : le licenciement de la militante étant intervenu dans une entreprise de moins de 50 salariés, la nouvelle rédaction de l’article L.2421-3 du Code du travail, issue des ordonnances de 2017 (2), recèle une ambiguïté en ce que, sans préciser de seuil d’application à proprement parler, la fin du texte renvoie aux modalités de consultation dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

L’article L. 2421-3 du Code du travail prévoit que le « projet de licenciement » d’un membre élu du CSE (titulaire ou suppléant), d’un représentant syndical au CSE ou d’un représentant de proximité « est soumis » au CSE qui donne un avis. En l’absence de CSE dans l’établissement, l’inspection du travail est directement saisie.

Autrement dit, le juge administratif se demande si ce renvoi ne porte que sur les modalités de la consultation ou restreint l’obligation de consulter le CSE aux entreprises d’au moins 50 salariés.

Pas d’obligation légale de consulter le CSE dans les entreprises de 11 à 49 salariés

Pour le Conseil d’Etat, cela ne fait pas de doute : l’obligation légale de consulter le CSE ne s’impose pas dans les entreprises de moins 50 salariés, même dotées d’un CSE !

Au terme d’une lecture combinée de l’ensemble des textes applicables, la Haute juridiction considère que :

« dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le comité social et économique n’a pas à être consulté sur le projet de licenciement d’un membre élu de la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique ou d’un représentant de proximité ».

 

L’obligation de consulter le CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés et en cas d’accord

 Selon le Conseil d’Etat, sur le fondement de la loi, cette obligation s’impose uniquement dans les entreprises comptant au moins 50 salariés.

Toutefois, la Haute juridiction précise qu’il existe une exception : « sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L.2312-4 » du Code du travail. Cet article permet aux accords collectifs et aux usages de prévoir des dispositions plus favorables portant sur les attributions des CSE. En cas de stipulation conventionnelle sur ce point, le CSE doit donc être consulté.

Une interprétation à droit constant ; un CSE à géométrie variable…

L’avis du Conseil d’Etat ne surprend pas, pour deux raisons.

D’abord parce qu’il est conforme au droit antérieur aux ordonnances : aucune consultation des délégués du personnel sur le licenciement de leurs homologues n’existait avant la mise en place du CSE dès 11 salariés.

Ensuite, parce que, quoi qu’on en dise, si le CSE est bien une instance unique, il demeure multiforme et est loin d’être doté des mêmes prérogatives dans les entreprises de moins de 50.

(1)« Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. »

(2)Ordonnances n°2017-1386 du 22.09.17 et n°2017-1718 du 20.12.17.

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