Contestation des élections professionnelles : attention à l’importance des réserves !

Publié le 08/06/2022

Lorsque les modalités d’organisation des élections du CSE sont fixées unilatéralement par l’employeur, un syndicat ne peut contester cette décision après la proclamation des résultats et demander l’annulation des élections, alors même qu’il n’avait pas saisi le juge judiciaire d'un contentieux préélectoral et n’avait émis aucune réserve sur les modalités d’organisation du vote.

Cass. soc. 18.05.22, n° 21-11.737.

Faits et procédure

Après l'échec des négociations en vue de parvenir à un protocole d'accord préélectoral, l’employeur a fixé les modalités d’organisation du scrutin par voie de décision unilatérale. Dans ce cadre, un syndicat a déposé une liste de candidats sans émettre de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote.

 

Les modalités d'organisation et de déroulement des élections du CSE doivent en principe faire l’objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées selon les règles de double majorité. On parle de protocole d’accord préélectoral. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral(1).
En l’absence d’accord sur ces modalités, elles peuvent être fixées par le tribunal judiciaire et à défaut de saisine, par l’employeur.

 

Dans le délai de 15 jours après la tenue du 1er tour, le syndicat en question a saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation des élections. Il contestait notamment la mise en place d’un bureau de vote unique, choix opéré par l’employeur dans sa décision unilatérale.

Les juges du fond ont rejeté sa requête. Selon eux, la présentation de candidats par un syndicat sans formuler aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin vaut nécessairement acceptation de ces conditions. Et cela, même lorsqu’elles résultent d’une décision unilatérale de l'employeur. Par conséquent, le syndicat CFDT n’était pas recevable à contester devant le tribunal le choix d'un bureau de vote unique.

C’est ainsi que le syndicat s’est pourvu en cassation.

Pas de contestation possible sans réserve

Le syndicat affirmait que, lorsque les modalités d'organisation des élections étaient fixées unilatéralement par l'employeur, l'absence de réserves lors du dépôt d'une liste électorale ne valait pas acquiescement.

La Haute Juridiction a rejeté son pourvoi. Pour la Cour, « en l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections ».

Ainsi, le syndicat qui est en désaccord avec les modalités d’organisation des élections prévues par l’employeur doit soit saisir le juge judiciaire pour les contester, soit émettre des réserves au plus tard lors du dépôt de sa liste de candidats. A défaut, il ne pourra pas demander l’annulation des élections sur la base de ces modalités.

Cette décision n’est pas surprenante. Elle s’inscrit dans la volonté de la chambre sociale de limiter le contentieux post-électoral ayant pour cause des irrégularités connues avant les élections.

Déjà en 2007, elle décidait que le syndicat qui n’avait pas signé l’accord préélectoral ne pouvait le contester que s’il avait exprimé des réserves lors du dépôt de sa liste de candidats (2). Position réitérée plusieurs fois depuis et récemment, en novembre 2021, alors même que le syndicat invoquait une méconnaissance par le protocole de règles d'ordre public (3).

Cette position de la Cour de cassation a le mérite de sécuriser les élections professionnelles et permet d’éviter d’éventuelles contestations opportunistes, à la suite de résultats décevants.

Vous l’aurez compris, en omettant de faire des réserves sur un PAP ou une décision unilatérale définissant les modalités d’organisation des élections, l’action en contestation basée sur ces modalités sera irrémédiablement rejetée. Soyez donc vigilants !


(1) Art. L.2314-28 C.trav.

(2) Cass.soc. 19.09.07, nº06-60.222

(3) Cass.soc. 24.11.21, n° 20-20.962

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