Je perds mon permis de conduire, quel impact sur mon contrat de travail ?

Publié le 12/03/2014 (mis à jour le 09/05/2018)

Votre permis de conduire représente votre outil de travail? Sans lui vous êtes dans l’impossibilité d’exercer votre métier (routier, VRP, livreur, etc.)?  Que se passe-t-il si on vous le retire?  Que ce soit une suspension temporaire ou un retrait définitif, dans les deux cas, cela aura un impact sur votre contrat de travail. Pour savoir lequel, il  faudra déterminer à quel moment les faits provoquant le retrait de permis ont été commis (pendant ou hors temps de travail).

  • Permis retiré durant le temps de travail

Si vous perdez votre permis de conduire pendant votre temps de travail et que vos fonctions nécessitent l’usage d’un véhicule, votre employeur peut vous licencier pour faute, dans la mesure où un manquement aux obligations contractuelles peut être démontré.

Une faute grave peut même être reconnue si les circonstances le justifient. Par exemple, un chauffeur routier qui perd son permis pour conduite en état d’ivresse, durant ses heures de travail, pourra être licencié pour faute grave(1).

L’impact sur le contrat de travail est moins évident lorsque l’infraction au code de la route a eu lieu hors temps de travail.

  • Permis retiré hors temps de travail

- Le principe: la protection de la vie privée du salarié

Si vous perdez votre permis de conduire hors des heures de travail, et même si vos fonctions nécessitent l’usage d’un véhicule, le principe veut que l’employeur ne puisse pas se référer à des faits relevant de votre vie privée pour vous licencier (2). En effet, hors des heures de travail, vous n’êtes plus dans un lien de subordination avec lui.

Il existe une exception à ce principe : celui du trouble objectif et caractérisé au sein de l’entreprise. 

- Exception : trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise 

Quand un salarié perd son permis hors du temps de travail, mais que ses fonctions nécessitent l’usage d’un véhicule, si cela a des répercussions sur le bon fonctionnement de son entreprise, l'employeur pourra le licencier(3).

Attention toutefois, si le retrait ou la suspension peut entraîner, dans ces circonstances, un licenciement, le motif du licenciement ne pourra pas être disciplinaire, ni directement lié à ce retrait de permis. Le salarié sera licencié, non pas pour faute (le retrait du permis), mais pour impossibilité d'exécuter sa prestation de travail. 

Cette question est désormais tranchée, la Cour de cassation reconnait qu’il ne peut pas y avoir, dans ces circonstances, licenciement pour faute «Attendu qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail »(4) .

L'employeur devra donc, dans la lettre de licenciement, justifier du préjudice subi par l'entreprise, du fait que le salarié ne puisse plus exercer ses fonctions suite au retrait de permis. Ce qui, pour un chauffeur-livreur par exemple, est relativement aisé à prouver.  

  • Une  clause dans le contrat de travail peut-elle prévoir un licenciement « automatique » en cas de retrait de permis ?

Telle était la question posée à la Cour de cassation (5). L'employeur avait prévu, dès la rédaction du contrat de travail, que son salarié se verrait licencier en cas de retrait de permis. Etait-ce légal? Non, pour la Cour, aucune clause du contrat de travail ne peut prévoir, à l'avance, que le retrait du permis de conduire du salarié  justifiera son licenciement. Plus généralement, aucune clause de licenciement automatique n'est légale. La Cour a réaffirmé ce principe avec force: « Aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement ».

La Cour de cassation rappelle que la lettre de licenciement devra être suffisamment motivée et devra préciser la nature du trouble provoqué à l'entreprise (c’est-à-dire l’impossibilité pour le salarié d’exécuter la prestation de travail convenue).

  • Dans ce cas, le licenciement est-il la seule solution pour l’employeur?

Le licenciement n’est pas la seule voie possible pour l’employeur.

En concertation entre les deux parties, le contrat de travail pourra être suspendu (6), le temps que le salarié récupère ses points ou son permis. Le salarié pourra, pendant ce temps, suivre une formation, prendre ses congés. Il pourra également, en cas de retrait définitif, être reclassé sur un autre poste. 

La convention collective peut parfois prévoir des mesures pour éviter la perte d’emploi. C’est le cas, par exemple, de la convention collective des transports routiers(7) qui prévoit une concertation entre le salarié et l’employeur pour trouver une alternative au licenciement (reclassement, prise de congés, suspension du contrat, etc.). A condition que le salarié prévienne son employeur le premier jour de travail suivant celui où le retrait de permis lui a été notifié.

La loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur joue beaucoup dans la recherche de solutions alternatives au licenciement, d’où l’intérêt de prévenir au plus tôt son employeur dans ce genre de circonstances

  • Que se passe-t-il si  le retrait de permis est lié à l’inaptitude ?

Si le retrait du permis de conduire résulte de raisons médicales et que le salarié est reconnu inapte à conduire par le médecin du travail, l’employeur devra d'abord essayer de le reclasser.  Si cela s'avère impossible, l’employeur pourra le licencier, pour inaptitude.


(1) Cass.soc. 24.01.91, n° 88-45.022

(2) Cass.soc. 15.06.99, n° 96-44.472

(3) Cass.soc. 17.04.91, n° 90-42.636

(4) Cass.soc. 3.05.11, n° 09-67.464, confirmé Cass.soc. 05.02.14, n°12-28897

(5) Cass.soc. 12.02.14, n° 12-11.554

(6) Cass.soc. 01.04.99, n°08-42.071

(7) Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950- textes attachés - Accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d’accompagnement des dispositions relatives au permis à points - Article 2