Résiliation judiciaire : à quelle date le contrat est-il rompu ?

Publié le 18/10/2017

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet de la rupture est fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant, si,  à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur. S'il s'avère que les relations avaient cessé avant la décision judiciaire, la résialiation prend effet de manière rétroactive. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent publié au bulletin. Cass. soc. 21.09.2017 n° 16-10346.

  • Faits et procédure

Une rédactrice pigiste a été embauchée par une société de presse en 1993. A partir de l’année 2002, le volume de travail qui lui était habituellement fourni a considérablement diminué. Estimant que l’employeur avait gravement manqué à son obligation de lui fournir du travail, elle a saisi la juridiction prud’homale afin notamment de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur. Après le mois de décembre 2003, la salariée et l’employeur ont mis fin à leur collaboration sans toutefois rompre formellement le contrat de travail.

C’est à la fin de l’année 2015 que la cour d’appel a rendu sa décision. Infirmant le jugement du conseil de prud’hommes, elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée. Les juges du fond ont fixé la prise d’effet de la résiliation – et donc la rupture du contrat – au jour du prononcé de sa décision, soit le 12 novembre 2015. Ils ont justifié leur position par le fait que le contrat de travail n’avait pas été rompu.

Précisions sur le terme du contrat de travail en cas de résiliation judiciaire : 

L’introduction d’une demande de résiliation judiciaire n’a pas pour effet de rompre le contrat de travail à elle seule. Le salarié continue à exécuter son travail jusqu’à la décision judiciaire prononçant la résiliation judiciaire et mettant fin, de ce fait, au contrat de travail. Si la résiliation judiciaire n’est pas prononcée, le contrat de travail demeure(1).
A l’inverse, si le contrat a été rompu par l’employeur postérieurement à la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prendra effet à la date de cette rupture(2).

La salariée a formé un pourvoi en cassation contestant le niveau d’indemnisation octroyée par la cour d’appel. L’employeur, à son tour, a formé un pourvoi incident contestant la date de la résiliation judiciaire au 12 novembre 2015 arguant que la salariée ne s’était plus tenue à sa disposition depuis le mois de décembre 2003.

La question principale qui était posée à la Cour de cassation était de savoir quelle date retenir pour la prise d’effet de la résiliation judiciaire lorsqu’au jour où le juge la prononce, les parties ont déjà, dans les faits, cessé de remplir leurs obligations.

  • Effet rétroactif de la résiliation judiciaire

La Cour de cassation donne raison à l’employeur considérant qu’« en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur ». Elle prend en compte la situation réelle des parties. Constatant que la salariée n'était plus au service de son employeur après décembre 2003, la chambre sociale estime que la cour d'appel aurait dû prononcer la résiliation judiciaire à cette date et casse l’arrêt d’appel.

En d’autres termes, peu importe le fait que le contrat de travail n’ait pas été formellement rompu ; la résiliation judiciaire prend effet rétroactivement lorsqu’un salarié et un employeur ont cessé, dans les fait, de remplir leurs obligations mutuelles.

Ce faisant, la Haute juridiction confirme une précédente décision à propos d’une salariée qui avait été embauchée par une autre entreprise sans que le contrat précédant n’ait été formellement rompu. Elle avait alors décidé que la résiliation judiciaire devait prendre effet à la date de cette embauche(3). Dans la présente affaire, elle étend sa solution dans le cas où le salarié ne se tenait plus à la disposition de l’employeur sans toutefois se trouver dans un autre emploi.

 

(1) Cass.soc.12.01.16 n° 14-25848

(2) Cass.soc.14.10.09 n° 07-45257

(3) Cass.soc.21.09.16, n° 14-30056