Représentant du personnel: l’indemnité pour violation du statut protecteur limitée!

Publié le 13/05/2015

L’indemnité pour violation du statut protecteur, qui correspond à la rémunération que le salarié aurait dû percevoir entre son éviction et l’expiration de la période de protection, est limitée à deux ans, augmentée de six mois, soit un total de 30 mois maximum. Cass.soc, 15.04.2015, n°13-24182.

  • Rappel des faits

Une salariée, déléguée du personnel suppléante, est licenciée pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement. Dans le cadre de la procédure, l’employeur n’a pas sollicité l’autorisation de l’inspection du travail préalablement au licenciement.

La salariée a alors saisi le conseil de prud’hommes afin d’en obtenir l’annulation et le paiement des sommes y afférentes.

Elle obtient gain de cause devant les juges du fond qui condamnent l’employeur à lui verser une indemnité pour violation du statut protecteur équivalente à 40 mois de salaire. Les juges retiennent en effet que le mandat de la salariée, licenciée le 27 juillet 2011, devait prendre fin le 25 mai 2014 et que la période attachée à ce mandat persistait jusqu’au 25 novembre 2014, soit 40 mois au total.

Considérant que la salariée ne pouvait pas prétendre à une indemnisation pour violation du statut protecteur à hauteur de la durée du mandat de délégué du personnel restant à effectuer, ajoutée de six mois, l’employeur décide de saisir la Cour de cassation d’un pourvoi.

Cette dernière a dû répondre à la question suivante : Quelle est la durée de protection du délégué du personnel à prendre en compte pour calculer l’indemnisation dûe au titre de la violation du statut protecteur ?

  • Une indemnisation égale à la rémunération qui aurait été perçue depuis l’éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle une jurisprudence constante selon laquelle « le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à un indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection ».

  • Une indemnisation limitée à 30 mois

Dans un second temps, elle vient préciser la durée maximale de l’indemnisation à laquelle peut prétendre le délégué du personnel licencié sans autorisation de l’inspection du travail : celle-ci est limitée à « deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois ».

Cette seconde précision, de taille, est conforme à un avis rendu récemment par la Cour de cassation(1) à propos de la protection dont bénéficient les médecins du travail : elle précisait, dans sa réponse à la question posée par le conseil de prud’hommes, que l’indemnité pour violation du statut protecteur est limitée à « trente mois, durée de la protection minimale légale accordée aux représentants du personnel ».

Cet arrêt (2), qui n’est pas une surprise compte tenu de l’avis précité, vient mettre un terme à la question du calcul de l’indemnisation, qui se posait depuis la loi du 2 août 2008 qui a fait évoluer la durée des mandats des délégués du personnel de deux à quatre ans.

  • Réponse à la question relative au calcul de l'indemnisation posée depuis 2008

La question se posait de savoir si l’indemnisation en cas de violation du statut protecteur restait limitée à trente mois (deux ans de mandat, plus six mois de protection à l’expiration de celui-ci), ou bien si elle  pouvait aller jusqu’à quatre ans, ajoutée de six mois ?

La réponse était incertaine : le Code du travail prévoit, en son article L.2314-26 que les délégués du personnel sont élus pour quatre ans. L’article L.2411-5 précise quant à lui que l’autorisation de l’inspection du travail pour licencier un délégué du personnel est requise lorsque le salarié est titulaire du mandat et pendant les six mois suivant l’expiration du mandat et la disparition de l’institution.

On  pouvait alors légitiment penser, à la lecture de ces articles, que l’indemnisation maximale en cas de violation du statut protecteur devait été calquée sur les durées précitées : quatre ans, augmentés de six mois.

Ce n’est pas la solution retenue par la Cour de cassation qui s’appuie sur un autre argument : elle se réfère à l’article L.2314-27 du Code du travail, lequel autorise un accord de branche, de groupe ou d’entreprise à fixer une durée de mandat entre deux et quatre. La Cour analyse cet article comme fixant une « durée minimale légale » du mandat qui ne pourra jamais être inférieure à deux ans. Selon elle, cette durée doit servir de référence pour fixer le montant des indemnisations dues en cas de violation du statut protecteur du délégué du personnel.

Cette solution paraît contestable sur le fond car, au final, lorsque, dans une entreprise, les mandats des délégués du personnel sont de quatre ans, conformément à l’article L.2314-26 du Code du travail, le salarié licencié en violation du statut protecteur ne pourra pas prétendre au versement d’une indemnité calqué sur la période de protection augmentée de six mois lorsque la durée du mandat restant à effectuer est supérieure à deux ans.

Il s’agit là d’une limitation conséquente du droit à indemnisation des élus que l’on peut regretter, notamment lorsque l’élu en question a fait l’objet d’une mesure « répressive », via un licenciement, par un employeur « anti-représentant du personnel » ou « anti-représentant syndical ».

Dans cette affaire, la Cour de cassation a également énoncé que « le salarié dont le licenciement est nul peut refuser la réintégration proposée par l’employeur sans qu’il en résulte renonciation à se prévaloir de la nullité de la rupture ».



(1) Cass.soc,15.12.2014, N°14-70009

(2) Le même jour, la Cour de cassation a rendu un arrêt n°13-27221 dans lequel elle reprend le même attendu de principe. Ces deux arrêts feront l’objet d’une publication au rapport annuel de la Cour de cassation.