PSE : à partir de quand l’employeur doit-il le mettre en oeuvre?

Publié le 07/02/2018

L’employeur qui consulte les IRP à propos d’un déménagement, impliquant des modifications des contrats de travail refusées par 21 salariés parmi 36, doit-il mettre en œuvre un PSE ? Pour la Cour de cassation, l’élaboration d’un PSE ne s’impose pas si au final l’employeur maintient une partie des emplois sur le site et présente un projet de licenciements ne concernant que 9 salariés. Cass.soc.24.01.18, n°16-22940.

  • Faits, procédure et prétentions

Dans cette affaire, l’employeur a présenté un projet de déménagement aux IRP impliquant la modification de tous les contrats de travail ne comportant pas de clause de mobilité. Il a donc proposé cette modification à 36 salariés, et 21 d’entre eux l’ont refusée, ne souhaitant pas déménager sur le nouveau site.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en vertu des articles L.1233-25 et L.1233-61 du Code du travail, lorsqu’au moins 10 salariés ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour un motif économique, celui-ci doit élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi. 

Souhaitant maintenir au moins partiellement son projet de déménagement, l’employeur a de nouveau consulté les IRP, non sans avoir cependant modifié son projet de réorganisation : cette fois-ci, il leur a présenté un projet de licenciement ne concernant que 9 salariés, avec le maintien d’une partie de l’activité (et de 12 emplois) sur le lieu de travail initial.

C’est dans ce contexte que l’un des salariés licenciés a contesté son licenciement, faisant valoir notamment que l’employeur aurait dû mettre en œuvre un PSE, puisque 21 salariés avaient refusé la modification de leurs contrats qu’impliquait le projet de réorganisation initial.

  • Nouveau repli du champ d’application de l’obligation d’élaborer un PSE

L’employeur qui envisage un déménagement impliquant la modification des contrats de travail des salariés doit-il mettre en œuvre un PSE dès lors qu’au moins 10 salariés ont refusé ce déménagement ? Ou bien l’obligation d’élaborer un PSE  ne naît-elle qu’en fonction du projet de licenciement finalement présenté par l’employeur et du nombre de licenciements qui y figurent?

Saisie de la question, la Cour de cassation a récemment opté pour cette seconde analyse, basée sur une conception restrictive du déclenchement de l’obligation de mettre en œuvre un PSE. Selon la Haute juridiction en effet, « l’article L.1233-25 du code du travail ne fait obligation à l’employeur de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi que lorsque dix salariés au moins ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L.1233-3 et que leur licenciement est envisagé ».

La solution proposée ici par la Cour de cassation s’inscrit dans le mouvement de recul général du champ d’application de l’obligation d’élaborer un PSE.

En matière de refus de modification des contrats de travail, ce recul n’est pas nouveau et a été amorcé depuis un moment déjà.

A l’origine en effet, la Cour de cassation avait considéré que le simple fait de faire des propositions impliquant la modification d’au moins 10 contrats de travail, qui pouvaient être refusées, et donc conduire l’employeur à envisager au moins 10 licenciements, déclenchait l’obligation d’élaborer une PSE (1). Cette jurisprudence a été abondamment décriée par certains, qui y voyaient une extension injustifiée de cette obligation.

Aussi, le législateur est-il intervenu. Depuis la loi du 18 janvier 2005 (2), ce n’est que lorsqu’au moins 10 salariés ont effectivement refusé la modification de leurs contrats et que leur licenciement est envisagé, que l’employeur a l’obligation de mettre en oeuvre un PSE.

La question qui se posait ici était celle de savoir à partir de quand considerer que l’employeur « envisage » les licenciements?

A partir du refus de modification des contrats par certains salariés à la suite de la présentation du projet de déménagement ? Ou bien à partir de la présentation du projet de licenciement consécutif à ces refus ?

Surfant sur la vague de reflux du champ d’application des PSE, la Cour de cassation a opté pour la solution la plus souple pour les employeurs. Afin d’éviter d’avoir à élaborer un PSE, ceux-ci pourront, comme en l’espèce, présenter leur projet de réorganisation en deux temps et ajuster le nombre de licenciements « envisagés » (en réalité à ce stade on peut considérer qu’ils sont décidés) de manière à ne pas avoir à élaborer de PSE.

Seul point positif : comme ici, il leur faudra pour cela reconsidérer leur projet de réorganisation pour pouvoir maintenir une partie des emplois. Ce qui, après tout, est normalement l'un des objectifs des PSE. De là à dire que tous les chemins mènent à Rome...

 

(1) Cass.soc.3.12.96, n°95-17352, Framatome.

(2) n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

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