Entretien préalable : le salarié ne peut (jamais) être sanctionné tardivement

Publié le 13/11/2019

Une sanction ne peut être signifiée « plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien » préalable. L’employeur est tenu de se plier à cette obligation même si in fine il n’inflige à son salarié qu’une sanction mineure dont le prononcé aurait très bien pu être envisagé sans convocation à entretien préalable. Cass. soc. 09.10.19, n°18-15.029. 

 

  • PICTO Code travail-OrangeLes faits 

Alors qu’il exerçait depuis 2 ans et demi, l’un des concepteurs dessinateurs de la société Ingénierie pour signaux et systèmes (Ipsis) s’est trouvé convoqué à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire. Nous étions alors le 28 février 2012.

Peu avant cette date, le salarié qui travaillait sur un site de la société Peugeot situé à La Garennes-Colombes dans les Hauts-de-Seine a été informé par son employeur que le projet auquel il était associé devait se poursuivre sur autre site de la société Peugeot, situé lui à Vélizy dans les Yvelines.

 

Début 2012, le salarié a donc été invité à se présenter sur son nouveau site d’affectation dès le 1er mars de la même année. Perspective que le salarié a expressément refusée. Et le 1er jour du mois de mars venu, il ne s’est effectivement pas rendu à Vélizy.

L’entretien préalable auquel le salarié a été convoqué le 28 février 2012 a été fixé au 6 mars suivant. Le salarié s’y est présenté et, visiblement, ce qui s’y dit a une certaine portée puisque, ce même jour, sa mise à pied à titre conservatoire levée, il a diamétralement changé d’avis en se rendant à Vélizy pour, tout compte fait, y honorer sa nouvelle affectation.

  • La faute du salarié 

Le salarié a donc fini par se résoudre à accepter la décision de son employeur.

L’on pourrait alors être tenté de considérer que tout était bien qui finissait bien et qu’il n’y avait désormais plus de problème. Ce serait pourtant aller un peu (trop) vite en besogne car à bien y regarder, même après la reprise du travail par le salarié, la période courant du 1er au 6 mars 2012 demeurait malgré tout affectée par ce que l’employeur était fondé à qualifier d’ « abandon de poste ».

  • La sanction de l’employeur 

Mais, ayant obtenu une forme de régularisation de la situation, l’employeur a semblé dans un 1er temps jouer la carte de l’apaisement en ne donnant aucune suite à l’entretien préalable du 6 mars.

Dans un 1er temps seulement ! Car, le 2 mai 2012, soit plus de 2 mois après la convocation du salarié à son entretien préalable (!), ô surprise, une sanction a finalement été infligée au salarié, mais une sanction mineure « n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié », autrement dit un simple avertissement.

Décontenancé par cette réaction fort tardive de l’employeur, le salarié décide alors de saisir la justice afin de solliciter l’annulation de la sanction.

  • Les thèses en présence 

L’employeur estime que la sanction prononcée est parfaitement valable. D’abord sur le fond puisque le salarié a effectivement abandonné son poste pendant une semaine. Ensuite sur la forme puisque le prononcé d’un avertissement n’a juridiquement pas à être précédé d’un entretien préalable. En conséquence, il n’y avait pas lieu de faire jouer la disposition édictée au dernier alinéa de l’article L. 1332-2 du Code du travail et selon laquelle « la sanction ne peut intervenir (…) plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ».

Et c’est bien cette thèse qui emportera la conviction des juges de la cour d’appel de Versailles.

Mais de son côté, le salarié estime au contraire que l’employeur doit assumer le choix du terrain sur lequel il a entendu se placer. Il n’était pas contraint de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de prononcer un simple avertissement. Certes. Mais à partir du moment où il l’a fait, il doit en assumer les conséquences et en accepter toutes les règles, et notamment celle que nous avons déjà vue plus haut en détaillant la thèse de l’employeur et qui, au dernier alinéa de l’article L. 1332-2 du Code du travail, précise que « la sanction ne peut intervenir (…) plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien »

Pour le salarié, cette règle était d’ailleurs d’autant plus incontournable qu’en même temps où il avait été convoqué à entretien préalable, il avait également été mis à pied à titre conservatoire. Or, l’article L. 1232-3 du Code du travail précise expressément que « lorsque les faits reprochés ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l’article L. 1332-2 ait été respectée ».

  • La solution retenue par la Cour de cassation 

Et c’est justement en pointant la violation de l’article L. 1232-2 du Code du travail que la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles. Ce faisant, elle reprend clairement à son compte l’argument défendu par la partie salariée et selon lequel l’employeur doit assumer le choix du terrain sur lequel il a entendu se placer.

Pour la Cour de cassation en effet, « dès lors qu’il a choisi de convoquer le salarié (…) », l’employeur est tenu de respecter « tous les termes » de l’article L. 1232-2 du Code du travail. S’il sanctionne, il ne doit alors pas le faire « plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ». Ce quelque-soit la sanction finalement retenue. 

L’avertissement ici prononcé bien après le terme de ce délai aurait dû être annulé.