Discrimination : attention au retour de congé parental !

Publié le 27/11/2019

Le seul fait, pour l’employeur, de ne pas réintégrer une salariée de retour de congé maternité à son poste précédent ou à un poste similaire, constitue un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe, eu égard au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes qui choisissent de bénéficier d’un congé parental. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation, dans un arrêt récent publié au bulletin. Cass.soc. 14.11.19, n° 18-15.682.

  • PICTO égalité BlancLes faits : absence de réintégration à un emploi similaire

Dans cette affaire, une salariée embauchée en tant que comptable a bénéficié d’un congé parental d’éducation entre juillet 1998 et avril 2001. A son retour, elle n’a pas retrouvé son emploi ni un emploi similaire. L’employeur avait embauché un salarié à l’unique poste de comptable existant au sein de l’entreprise pour la remplacer durant le temps de son congé parental et a ensuite souhaité maintenir ce salarié au lieu de la réemployer à cette fonction. Aussi, à son retour de congé parental, la salariée a-t-elle exercé, outre quelques missions comptables, des tâches d’administration et de secrétariat sans rapport avec son emploi de comptable.

C’est ainsi qu’elle a saisi la justice pour faire reconnaître une discrimination en raison de sa grossesse.

La loi prévoit qu’à l’issue du congé parental d’éducation, le salarié doit retrouver soit son emploi précédent, soit un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente.(1) 
Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, le salarié pourra prétendre à une indemnité au moins égale aux salaires des 6 derniers mois.(2)

  • Discrimination : la salariée doit-elle la prouver ?

La cour d’appel a débouté la salariée de ses demandes. Elle a considéré que, s’il n’était pas discutable qu’à l’issue du congé parental d’éducation la salariée n’avait pas retrouvé son précédent emploi ou un emploi similaire, elle n’établissait pas pour autant « la matérialité de faits précis et concordants qui sont de nature à supposer l’existence d’une discrimination à raison de l’état de grossesse » et que « la preuve d’une discrimination illicite » n’était donc pas rapportée.

Compte tenu des difficultés pour la victime de rapporter la preuve des faits de discrimination, la loi aménage la charge de la preuve en la matière devant les tribunaux civils et administratifs. Ainsi, la victime doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
En d’autres termes, elle doit réunir des éléments établissant une présomption de discrimination. Ensuite, c’est à l’employeur qu’il reviendra de démontrer que ses agissements ne sont pas discriminatoires mais justifiés par des éléments objectifs.(3)

En statuant ainsi, la cour d’appel ne semble pas avoir respecté cet aménagement de la charge de la preuve. La salariée s’est donc pourvue en cassation.

  • L’absence de réintégration à un poste similaire laisse présumer une discrimination indirecte

La Cour de cassation commence par rappeler les objectifs de l’accord-cadre sur le congé parental(4) tels qu’analysés par la jurisprudence de la CJUE. Elle mentionne l’engagement des partenaires sociaux européens de « mettre en place, par des prescriptions minimales, des mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales ».

Au regard de la portée de ces engagements, la Haute juridiction poursuit son raisonnement et casse l’arrêt d’appel. Selon elle, les juges du fond auraient dû rechercher, « eu égard au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes qui choisissent de bénéficier d’un congé parental », si la décision de l’employeur de ne pas réintégrer la salariée à un poste similaire ne constituait pas un élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe. L’employeur aurait alors dû apporter la preuve que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En d’autres termes, pour la chambre sociale, la non réintégration d’une salariée à son poste ou à un poste équivalent à la suite d’un congé parental constitue la première étape dans la preuve d’une discrimination indirecte en raison du sexe.

 

Cette décision de la Cour de cassation donne toute sa force à l’obligation de réemploi à la suite d’un congé parental. Pour la CFDT, cette approche volontariste dans la poursuite de l’objectif d’égalité femme / homme est bienvenue.



(1) Art. L.1224-55 C.trav.

(2) Art. L.1225-71 C.trav.

(3) Art. L.1134-1 C.trav.

(4) Directive 96/34/CE du Conseil concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES - NOR: 31996L0034