Délégué syndical : quelle conséquence sur les heures de délégation en cas de participation à une réunion DP ?

Publié le 26/09/2018

Lorsqu’un DS (délégué syndical) assiste à une réunion de DP (délégués du personnel) organisée par l’employeur, le temps passé à cette réunion s’impute sur ses heures de délégation. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation dans un arrêt du 19 septembre 2018. Cass.soc., 19.09.18, n°17-11715.

  • Deux interprétations de l’article L. 2143-18 du Code du travail opposant employeur et délégué syndical

 « Les heures utilisées pour participer à des réunions qui ont lieu à l'initiative de l'employeur ne sont pas imputables sur les temps de délégation » : telle est la précision de l’article L. 2143-18 du Code du travail en ce qui concerne les heures de délégation du DS.

Si le contenu de l’article semble a priori clair, un employeur a néanmoins trouvé matière à l’interpréter. Selon lui, les réunions dont il est question dans l’article L. 2143-18 du Code du travail ne concernent que les seules réunions auxquelles le DS est expressément convoqué par l’employeur. Ce qui ne serait pas le cas des réunions de DP au cours desquelles le DS peut être présent, sur « invitation » par exemple de ces mêmes DP. L’employeur en question a alors considéré que le temps passé à ces réunions de DP par le DS s’imputait sur les heures de délégation.

Le DS s’est opposé à cette imputation et a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de salaire au titre des heures de délégation.

Selon lui, l’article L.2143-18 du Code du travail s’applique à toute les réunions organisées par l’employeur, et par conséquent, le temps passé à ces réunions, quelle que soit leur nature, ne s’impute pas aux heures de délégation. Il en déduit que le temps passé par le DS aux réunions de DP organisées par l'employeur, sur le fondement de l’ancien article L. 2315-8, doit être payé comme du temps de travail et ne doit pas être déduit du crédit d'heures dont il dispose 

L’article L. 2315-10 du Code du travail, dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2018, prévoit que « Les délégués du personnel peuvent, sur leur demande, se faire assister d'un représentant d'une organisation syndicale ». Cette faculté d'assistance des délégués du personnel par une organisation n'a pas été reprise, au grand regret de la CFDT, par les ordonnances de septembre 2017.

 

Ces arguments n’ont pas convaincu les juges du fond, qui ont considéré que seules les réunions auxquelles l’employeur convoque expressément le DS sont exclues du temps de délégation.

Le DS a alors décidé de se pourvoir en cassation.

 

  • Le temps passé aux réunions DP par un DS s’impute-t-il sur les heures de délégation ?

 C’est par l’affirmative que la Cour de cassation répond à cette question dans l’arrêt du 19 septembre 2018 : « le temps passé par un délégué syndical de l'entreprise aux réunions organisées par l'employeur conformément à l'article L. 2315-8 du Code du travail, aux fins d'assister les délégués du personnel sur leur demande, selon la faculté qui leur est offerte par l'article L. 2315-10, alinéa 2, est imputé sur le crédit normal d'heures de l'intéressé ».

En clair, lorsque le DS assiste à une réunion des DP, comme la loi l’y autorise, il le fait sur ses heures de délégation.

La Cour de cassation valide donc le raisonnement de la cour d’appel, qui a considéré que le régime des heures passées en réunion DP par le DS ne peut suivre celui des heures passées en réunion auxquelles le délégué est expressément invité par l’employeur et selon lequel ce temps ne s’impute pas sur les heures de délégation.

La Cour de cassation précise néanmoins qu’un accord plus favorable est possible.  

  • Une interprétation restrictive de l’article L.2143-18 du Code du travail, au désavantage du délégué syndical, mais dont la portée est limitée dans le temps

Il nous semble que la Cour de cassation ait une analyse restrictive de l’article L.2143-18 du Code du travail en considérant que seul le temps passé aux réunions auxquelles le DS est convoqué ne s’impute pas sur le crédit d’heures. Le texte en question ne contient pas ce niveau de précision, et la Cour de cassation aurait parfaitement pu opter pour une analyse plus littérale du texte…

Certes, le nombre d’heures de délégation dont dispose le DS a fait l’objet, avec la loi Travail d’août 2016, d’une sensible augmentation (1). Cependant, cette décision de la Cour de cassation risque à l’évidence de limiter les cas dans lesquels le DS assistera les DP lors de leurs réunions, ceci tant que les DP seront encore en place.  

Cette problématique ne se posera plus dans quelques mois lorsque les délégués du personnel auront été absorbé par le CSE: comme nous l'avons souligné, la possibilité d'assistance lors des réunions des délégués du personnel n'a pas été reprise par les ordonannces.

Les ordonnances ont toutefois prévu(2) que :

- dans les entreprises entre 50 et moins de 300 salariés, le DS est de droit représentant au CSE,

- dans les entreprises des 300 salariés et plus, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au CSE.

Cette présence au sein du CSE suppose qu’ils seront convoqués aux réunions de cette nouvelle instance et pourront y assister, en principe, sans se voir imputer le temps de présence sur leurs heures de délégation. Néanmoins, la présence du DS ou du représentant syndical n'aura pas le même objet car il ne s'agit plus ici d'assister les représentants du personnel lors des réunions notamment pour les soutenir dans les réclamations qu'ils pouvaient présenter à l'employeur, mais plutôt d'y être en tant que représentant de leur organisation syndicale.



(1) Art L.2143-13 C.trav.

(2) Art L.2143-4 et 22 nouveaux C.trav.

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