CSE : un syndicat non implanté peut contester les élections

Publié le 03/10/2018

Jusqu'à aujourd'hui, la Cour de cassation ne reconnaissait aux syndicats non représentatifs le droit de contester les élections professionnelles que s'ils étaient en mesure de justifier avoir "des adhérents au sein de l'entreprise". Par un arrêt rendu le 20 septembre 2018, elle est venue lever cette condition (Cass.soc. 20.09.18, n° 17-26.226).

  • Une capacité à agir conditionnée au fait d'être présent dans l'entreprise

De longue date, les syndicats non représentatifs dans l’entreprise ou dans l’établissement pouvaient, au même titre que les autres, introduire un contentieux visant à contester la régularité des élections professionnelles qui y étaient organisées. Mais pour que cette requête puisse être jugée recevable, la Cour de cassation exigeait des organisations syndicales concernées qu’elles soient en mesure de démontrer qu’elles avaient bien des « adhérents au sein de l’entreprise »[1].

Un tel état du droit pouvait trouver à se justifier par le fait qu’un syndicat non représentatif n’est pas nécessairement implanté dans l’entreprise en tant que tel. Et que sans cette présence réelle et palpable, une organisation syndicale ne pouvait prétendre se sentir concernée par ce qui s’y passait, notamment sur le plan électoral.

 

  • Une incohérence par rapport au sens même des règles de représentativité

Le raisonnement pouvait bien sûr s’entendre, il avait sa propre logique, mais il butait tout de même sur ce qui fonde notre système de représentativité. Système qui entend permettre aux organisations syndicales, jusqu’alors non implantées, de participer, au même titre que les autres, au processus électoral en général et à la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) en particulier.

Depuis le 20 août 2008 en effet, il suffit aux organisations syndicales de respecter les valeurs républicaines, d’être indépendantes et de justifier d’une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ géographique et professionnel couvrant l’entreprise concernée pour pouvoir être actrices des élections professionnelles dans une entreprise donnée [2].

Il était donc finalement assez logique que les organisations syndicales non représentatives et non implantées se voient pareillement reconnaître un droit à agir du fait d’une irrégularité constatée dans le processus électoral. Et ce, sans qu’on lui demande de justifier d’une quelconque implantation ! L’idée étant qu’à terme ce syndicat absent de l’entreprise, mais réellement impliqué dans le processus électoral, ait la possibilité de s’y implanter (par la création d’une section syndicale et la désignation d’un représentant de la section syndicale d’entreprise, puis pourquoi pas, d’y devenir représentatif (par la désignation d’un délégué syndical).

 

  • Un recadrage utile de la position de la Cour de cassation

Et c’est justement ce que la Cour de cassation vient tout juste de reconnaître dans l’affaire ici commentée.

Ici en effet, un syndicat Unsa, non représentatif dans l’entreprise, avait saisi le tribunal d’instance pour demander l’annulation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement qui venaient tout juste d’y être organisées, en raison d’un non-respect des dispositions du protocole d’accord préélectoral (PAP) précédemment négocié et d’une modification unilatérale (par l’employeur) d’une liste de candidats déposée par le syndicat.

Se rangeant derrière la jurisprudence en vigueur de la Cour de cassation, la juridiction déboutera le syndicat au motif qu’il ne justifiait pas « d’un intérêt à agir caractérisé par la présence d’adhérents ».

Exigence finalement abandonnée par les magistrats de la Haute-juridiction et qui prend, de ce fait, le contre-pied des juges du fond. Le jugement rendu par le tribunal d’instance est ainsi censuré par un arrêt qui affirme que, désormais, il y a lieu de considérer que l’intérêt à agir du syndicat est nécessairement existant dès lors qu’il a « vocation à participer au processus électoral ».

Position, encore une fois, parfaitement conforme à l’esprit de la grande réforme de 2008 sur la représentativité syndicale, que la CFDT a contribué à construire et que nous n’avons de cesse de défendre.

Notons pour conclure que si cette décision a été rendue sous l’empire des textes relatifs à des institutions représentatives du personnel (IRP) anciennes, elle n’en est pas moins tout à fait transposable à ceux qui, désormais, régissent le CSE puisque, sur cet aspect des choses, les règles sont exactement les mêmes.

 



[1] Cass.soc. 12.O7.06, n° 05-60.353.

[2] Art L.2314-3 al. 1er  et L.2324-4 al. 1er anciens et L.2314-5 nouveau C.trav.