Salariés protégés : Quelle articulation entre autorisation de licencier et résiliation judiciaire ?
Selon l’arrêt de la Cour de cassation, si l’inspecteur du travail refuse d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé et que celui-ci a formé, auparavant, une demande de résiliation judiciaire, le juge judicaire devra tenir compte des motifs soulevés par l’inspecteur du travail pour rendre sa décision. Cass.soc.08.04.13, n°13-10969.

Résiliation judiciaire et licenciement concomitants
L’employeur peut tout à fait licencier un salarié qui est au même moment en cours de procédure pour faire reconnaître la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur (demande au juge de résilier le contrat suite aux manquements de l’employeur à ses obligations). En effet, au cours de cette procédure de résiliation judiciaire, tant que les juges ne se sont pas prononcés, le salarié continue de travailler normalement. Une situation on l’imagine tendue, où il arrive que l’employeur qui a connaissance de la procédure de résiliation enclenchée par son salarié, engage de son côté une procédure de licenciement.
Cela se complique encore quand le salarié est protégé (représentant du personnel par exemple). Dans ce cas, l’employeur doit obtenir, au préalable, l’autorisation de le licencier auprès de l’inspecteur du travail. Si celui-ci rend une décision de refus, quelles en sont les conséquences sur la demande de résiliation judicaire en cours ? Quelle sera l’articulation entre décision administrative et judiciaire sur le cas de ce salarié protégé ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation dans son arrêt du 8 avril dernier.
Enchaînements des faits
En l’espèce, un salarié protégé (conseiller prud’hommes) a formé, en octobre 2010, une demande de résiliation judicaire de son contrat de travail devant les prud’hommes. En parallèle, l’employeur a souhaité le licencier pour absences injustifiées et a demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de le faire.
L’inspecteur a refusé, au motif que l’arrêt de travail présenté par le salarié était justifié et que la faute n’était pas avérée. Cette décision de l’administration du travail, de mars 2011, a été rendue au moment où les juges ont eu à traiter de la demande de résiliation judicaire. La Cour d’appel a rejeté les demandes du salarié en estimant que « ce dernier n’établit aucun manquement de son employeur à ses obligations dès lors qu’il a cessé de travaillé pour ce dernier à compter du mois de septembre 2010 et n’a justifié son absence qu’au mois de janvier 2011 ».
« La décision de refus s’imposant au juge judiciaire »
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la Cour d’appel. Pour elle : « l’inspecteur du travail avait estimé que (…) le grief tiré de l’absence de justification n’était pas établi, ce motif étant le soutien nécessaire de sa décision de refus s’imposant au juge judicaire ».
La Cour de cassation rappelle donc que les motifs énoncés par l’inspecteur du travail s’imposent au juge judiciaire. Une décision cohérente avec le principe de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires. En effet, selon la Haute cour, ce n’est pas au juge d’estimer que le salarié a commis une faute alors que l’inspecteur du travail, compétent en la matière, motive sa décision en disant l’inverse.
Cette décision est lourde pour l’employeur puisque la résiliation judiciaire a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il devra donc indemniser son salarié.
Bon à savoir: si l’inspecteur du travail avait autorisé le licenciement, la demande de résiliation judiciaire du salarié n’aurait plus eu de raison d’être puisque le contrat aurait été rompu. Le salarié aurait éventuellement pu obtenir des dommages et intérêts aux motifs des manquements de l’employeur avant le licenciement à la condition que ceux-ci n’aient pas été pris en compte dans la décision de l’inspecteur du travail[1].
[1] Cass.soc.29.09.10, n°09-41.127