Mise à la retraite et discrimination en raison de l’âge

  • Retraite (base et complémentaire)
  • Chômage

L’employeur n’a pas à justifier de la mise à la retraite d’un salarié remplissant les conditions prévues par le Code du travail. Cass.soc.26.11.13, n°12-21758 et 12-22200.

La mise à la retraite par l’employeur est encadrée par l’article L1237-5 du Code du travail. Aux termes de ce texte, l’employeur ne peut mettre d’office à la retraite un salarié s’il ne remplit pas la condition d’âge. Ainsi, depuis la loi du 17 décembre 2008 (et son décret d’application du 30 décembre), l’employeur ne peut plus mettre un salarié à la retraite d’office avant l’âge de 70 ans[1].  Cela signifie t-il pour autant que lorsque le salarié atteint l’âge requis l’employeur peut le mettre à la retraite sans autre forme de procès ? C’est à cette question que la Cour de cassation a dû répondre.

En effet, un salarié, que son employeur avait mis à la retraite d’office à 65 ans (les faits étant antérieurs à 2008)[2], a contesté la rupture de son contrat de travail, estimant que celle-ci s’analysait en un licenciement, de surcroît nul car fondé sur son âge, ce qui est discriminatoire, tant au regard du droit français que du droit européen[3].

Toutefois, le droit européen prévoit qu’une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination si elle est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, notamment de politiques de l’emploi, du marché du travail…dès lors que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires[4]. Or, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, si de manière générale, les dispositions du code du travail relatives à la mise à la retraite « mettent en œuvre, dans un objectif de politique sociale, le droit pour chacun d’obtenir un emploi tout en permettant l’exercice de ce droit par le plus grand nombre », la question se posait ici de savoir si, dans chaque cas, l’employeur doit justifier, ou non, que la mise à la retraite est conforme aux objectifs posés par le législateur.

A quoi, la Cour de cassation répond par la négative : l’employeur n’a pas à justifier de la mise à la retraite du salarié au regard de l’objectif de politique de l’emploi poursuivi, dès lors que la mise à la retraite est « intervenue dans les conditions prévues par le Code du travail ».

La solution reste finalement inchangée, par rapport à celle prévalant antérieurement à l’adoption des dispositions relatives à la discrimination en raison de l’âge[5]. Ce qui compte n’est pas la justification par l’employeur au cas par cas de chaque mise à la retraite, mais que les dispositions soient, de manière générale, conformes au droit européen et au droit constitutionnel[6].



[1] Dès une loi datant de 2003, la mise à la retraite  a été limitée aux salariés d’au moins 65 ans. Puis en 2008, la condition d’âge a été repoussée à 70 ans. A partir du moment où le salarié va atteindre ses 65 ans, l’employeur doit lui demander chaque année ce qu’il souhaite. L’employeur ne peut mettre un salarié à la retraite d’office que si celui-ci n’a pas répondu ou s’il est âgé d’au moins 70 ans.

 

[2] La loi de 2003 est par conséquent encore applicable.

[3] L1132-1 et 1132-4, article 5§1 de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000.

[4] Directive précitée, article 6, §1.

[5] Cass.soc.12.01.93, Bull.civ., n°4.

[6] C. Const. QPC, 4.02.11, P n°2010-98.

Ces articles peuvent également vous intéresser

  • Contentieux du licenciement : les témoins peuvent parfois avancer masqués

    Lire l'article
  • IA dans l’entreprise : le juge peut-il suspendre son utilisation si le CSE n’est pas consulté ?

    Lire l'article
  • L’admission des preuves illicites et déloyales : le point sur les dernières décisions

    Lire l'article