Défense syndicale : si le défenseur ne doit pas être rémunéré, la défense syndicale n'est pas nécessairement gratuite !
La chambre criminelle de la cour d'appel de Versailles a rendu le 26 septembre dernier un arrêt éclairant concernant la défense syndicale. Il vient expliciter la notion de gratuité de la défense syndicale.
Les faits
Deux syndicalistes CGT, respectivement trésorier et salariée du syndicat, étaient prévenus du chef d'escroquerie, caractérisé par le fait d'avoir abusé de leur qualité (vraie) de défenseurs syndicaux, ainsi que par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, dans le but de faire payer aux salariés défendus des frais de dossier et de leur faire faire des dons au profit du syndicat.
Il leur était concrètement reproché de demander, dans le cadre de leurs activités de défenseurs syndicaux, le versement de frais de dossier ainsi qu'une commission de 10 % sur le montant des indemnités obtenues.
En première instance, le tribunal correctionnel de Nanterre les avaient reconnus coupables d'escroquerie.

La défense syndicale, comment ça marche ?
Depuis 2016, la défense syndicale est organisée par les DREETS sous forme d'un mandat syndical de portée régionale. Ce sont les organisations syndicales qui désignent leurs défenseurs syndicaux, dont la liste est éditée par la préfecture.
Le décret du 18 juillet 2016 prévoit expressément que "les défenseurs syndicaux exercent leurs fonctions à titre gratuit."
C'est sur fond d'un conflit interne au syndicat que les pratiques des deux syndicalistes mis en cause ont fait l'objet de plaintes pour escroquerie.
Si l'enquête judiciaire a permis d'écarter tout enrichissement personnel, un audit financier a mis en évidence que les "dons juridiques" représentaient une part exceptionnellement élevée des ressources du syndicat.
Une pratique encadrée
Pour leur défense, les syndicalistes invoquaient principalement que la pratique des dons juridiques étaient explicitement prévue par le règlement intérieur du syndicat, et avait fait l'objet de décisions de Congrès. Ils précisaient également qu'ils utilisaient des modèles de pouvoir ou de mandat d'assistance édités par leur confédération.
Ils précisaient aussi que si la pratique des dons était encouragée, elle n'était nullement obligatoire, mais que chaque salarié défendu se voyait expliquer les raisons qui justifiaient cette pratique. Il s'agissait en l'espèce de pouvoir financer les actions juridiques du syndicat, ainsi que d'alimenter la caisse de grève.
Enfin les mis en cause réfutaient toute pression consistant à retenir les sommes versées au titre de la condamnation dans l'attente du don, les chèques d'indemnisation étant toujours libellés au nom du salarié et non au nom du syndicat.
La Cour opère une distinction claire entre la rémunération du défenseur et le financement de la défense syndicale
La Cour considère que rien n'établit que l'adhésion syndicale procure explicitement au salarié concerné une défense gratuite. Elle différencie clairement la rémunération du défenseur syndical et le financement de la défense syndicale.
Au-delà des singularités du cas d'espèce, cette solution tient compte des spécificités de la défense syndicale. C'est une activité très chronophage qui nécessite des compétences juridiques importantes, ce qui justifie que les syndicats y consacrent des moyens (formation, défraiement, etc.). Il paraît donc légitime que les salariés ainsi défendus soient incités à faire vivre cette pratique en effectuant, s'ils le peuvent et le souhaitent, un don à la structure qui les a défendu avec succès.
Une décision qui fixe des garde-fous aux pratiques de défense syndicale
La décision fixe aussi des garde-fous, la défense devant rester une activité militante qui ne peut donner lieu à une rémunération directe de la personne défendue vers le défenseur qui la représente.
A la CFDT, nous sommes attentifs à ce que la défense reste gratuite, sans conditionner la prise en charge à un don, mais en insistant sur l'importance de l'adhésion pour faire vivre le syndicalisme et la défense syndicale.

Bon à savoir !
Consciente de l'investissement et du coût que représente la défense syndicale pour les structures interprofessionnelles, la CFDT s'est dotée depuis longtemps d'un mécanisme de financement mutualisé.
Plus largement l'accès à la justice prud'homale doit pouvoir rester gratuite, c'est pourquoi la CFDT combat fermement le retour d'un droit de timbre de 50 € pour saisir les juridictions sociales prévu dans le projet de loi de finance actuellement en cours d'examen.