Règlement intérieur : précisions sur sa contestation par le syndicat

  • Règlement intérieur

Lorsque l'employeur n'accomplit pas les formalités prévues par la loi pour la mise en place du règlement intérieur, que peut faire le syndicat ? La cour de cassation précise dans un arrêt récent que celui-ci peut demander en référé la suspension du règlement intérieur. Il ne peut en revanche pas demander au juge statuant au fond la nullité du règlement ou son inopposabilité aux salariés.  Cass.soc. 23.10.2024, n° 22-19.726.

Sanction d’un salarié et contestation du règlement intérieur

Dans cette affaire, un salarié se voit notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours. Il saisit le conseil de prud’hommes en référé pour en demander l’annulation arguant notamment que l’employeur n’avait pas respecté certaines formalités relatives à la mise en place du règlement intérieur de l’entreprise. Un syndicat intervient volontairement à ses côtés. L’arrêt, qui se concentre exclusivement sur l’action du syndicat, ne précise pas si le salarié obtiendra gain de cause.

Bon à savoir ! 

Pour être opposable aux salariés, le règlement intérieur doit avoir fait l’objet des formalités suivantes [1] : 

  • consultation du CSE ;

  • mesures de publicité (affichage en pratique) [2] ;

  • dépôt au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise [3] ;

  • transmission, avec l’avis du CSE, à l’inspection du travail [4] ;

  • indication de la date de son entrée en vigueur (postérieure d’un mois à l’accomplissent des formalités de dépôt et de publicité).

En l’absence d’accomplissement de ces formalités, toute sanction – autre que le licenciement – serait nulle, car intervenant en application d’un règlement intérieur n’étant jamais entré en vigueur.

Intervention du syndicat en défense de l’intérêt collectif de la profession

Le syndicat, quant à lui, demande aux juges de prononcer la nullité du règlement intérieur ainsi que son inopposabilité à l’ensemble des salariés pour les mêmes raisons.

Plus précisément, il reproche à l’employeur d’avoir affiché dans ses locaux un règlement intérieur élaboré en 1983, alors que ce règlement avait fait l’objet d’une modification en 1986 à la suite d’une mise en demeure de l’inspection du travail. Ce même règlement avait ensuite fait l’objet d’une refonte totale en 2015, version déposée auprès de la Dirrecte et affichée dans l’entreprise sans que l’employeur ait respecté l’ensemble des formalités, notamment la consultation du CSE. L’employeur avait par conséquent retiré cette version de l’affichage en début d’année 2016, avant la sanction prononcée à l’encontre du salarié en juillet 2016.

Malgré cette argumentation, la cour d’appel rejette ses demandes et le syndicat se pourvoit en cassation.

Le syndicat peut demander la suspension, mais pas l'annulation

La chambre sociale commence par rappeler les textes applicables en la matière. Elle précise que « les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du Code du travail […] constituent des formalités substantielles protectrices de l'intérêt des salariés » sans lesquelles le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur et être opposé à un salarié dans un litige individuel. 

Elle rappelle ensuite qu’un syndicat est recevable à demander en référé la suspension du règlement intérieur en en l’absence d'accomplissement par l'employeur de ces formalités substantielles, « dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ». Le syndicat est donc recevable à agir, à condition qu’il prouve le préjudice porté à l’intérêt collectif, ce qui, selon nous, n’est pas difficile en la matière.

Bon à savoir !

Le Code du travail prévoit un « droit d’agir en justice » au profit de tous les syndicats professionnels, même non représentatifs, qui « peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » [5]. Cet intérêt est notamment en jeu dans l’hypothèse d’une violation par un employeur de dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles intéressant une collectivité de travail.  

Sans en expliquer la raison, la Haute juridiction exclut toutefois toute possibilité pour le syndicat de demander l’annulation du règlement intérieur, ou son inopposabilité à l’ensemble des salariés, en raison du défaut d’accomplissement de ces formalités. Seule la suspension peut donc être demandée sur ce motif, et ce, quand bien même le juge aurait à en statuer au fond ! 

La chambre sociale souhaiterait elle ainsi laisser une possibilité à l’employeur de "se rattraper" en l’absence d’accomplissement de conditions de forme ? Dans la positive, on pourrait lui reprocher un manque de cohérence, la Cour ayant qualifié, quelque lignes plus haut, ces conditions de "formalités substantielles protectrices de l’intérêt des salariés"… 

Précisons enfin que cet arrêt ne met pas fin selon nous à toute demande de nullité du règlement intérieur par le syndicat. Celui-ci pourrait en toute logique demander l'annulation d'une ou plusieurs clauses illégales (voire attentatoires à une liberté fondamentale), là encore dans le cadre de la défense de l'intérêt collectif de la profession.  
 

[1] Art. L.1321-4 C.trav.

[2] Art. R.1321-1 C.trav.

[3] Art. R.1321-2 C.trav.

[4] Art. R.1321-4 C.trav.

[5] Art.L.2132-3 C.trav.

L'arrêt de la Cour de cassation :

  • Cour de cassation, chambre sociale, 23.10.2024, pourvoi n°22-19.726

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