Licenciement : le juge doit examiner tous les motifs de la lettre

  • Licenciement pour motif personnel

Le juge doit-il examiner l’ensemble des motifs de la lettre de licenciement en cas de contestation ? Oui, répond la Cour de cassation, et peu importe que le motif en question n’ait pas été évoqué dans les conclusions de l’employeur. Dans un arrêt publié au bulletin, elle confirme ici une position déjà établie. Cass.soc. 23.10.24, n°22-22.206.

Un licenciement pour faute grave contesté

Dans cette affaire, l’employeur licencie pour faute grave un salarié occupant le poste de conducteur de travaux. Il répond par la suite à une demande de précision des motifs de licenciement du salarié.

Bon à savoir !

Selon l’article L.1232-6 du Code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre comporte l’énoncé du ou des motifs de licenciement invoqués par l’employeur.

L’article L.1232-1 du même code dispose qu’un licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur. Cette précision intervient soit à son initiative, soit à la demande du salarié [1].

Le salarié décide de saisir le conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement.

Un pourvoi formé par l’employeur contre l’arrêt d’appel

Parmi les motifs de licenciement invoqués, était avancé le fait pour le salarié d’avoir consenti à des prestations gratuites pour des clients de l’entreprise, à des malfaçons sur certains chantiers ainsi qu’à des retards dans l’établissement de PV de chantiers. Relevant que ces faits avaient déjà donné lieu à sanctions, qu’ils n’étaient pas établis ou qu’ils n’étaient pas suffisamment sérieux, la cour d’appel déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur se pourvoit alors en cassation et reproche aux juges de ne pas avoir examiné l’ensemble des motifs de licenciement invoqués dans la lettre. Cette dernière indiquait en effet que dès le début de la procédure de licenciement, le salarié avait fait courir des rumeurs sur l’entreprise dans l’intention de lui nuire (en violation de ses obligations, il avait annoncé aux clients qu’il était déjà licencié).

Bien que l’employeur n’ait pas relevé ce motif dans son argumentaire devant le juge et n’apportait aucune preuve à l’appui, il estime que ce dernier aurait dû tout de même s’y pencher.

L’obligation pour les juges d’examiner l’ensemble des motifs de licenciement

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Sur le fondement des articles L.1232-1 et L.1232-6 du Code du travail, elle estime que « la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement. ».

Bon à savoir !

Rappelons que l’article L.1235-2 du Code du travail précise que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

Ainsi, selon la Chambre sociale, la cour d’appel aurait dû examiner l’ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement. En particulier le motif tiré du comportement du salarié diffusant de fausses rumeurs sur l’entreprise. Il importe peu, selon la Cour, que l’employeur n’en ait pas fait mention dans ses conclusions.

On peut regretter cette position qui donne des prérogatives étendues au juge, contraint d’aller au-delà des arguments présentés par l’employeur dans ses conclusions. Elle n’est pour autant pas nouvelle [2]. La Cour de cassation confirme donc ici sa position par un arrêt publié au bulletin et complète sa jurisprudence relative aux griefs de la lettre licenciement. Elle avait déjà affirmé que, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, les juges ne peuvent se prononcer sur des motifs qui n’y figure pas [3].

 

[1] Art. L.1235-2 C.trav.

[2] Cass.soc. 04.11.21, n°20-18.813.

[3] Cass.soc. 17.09.14, n°13-17.279.

L'arrêt de la Cour de cassation

  • Cass.soc. 23.10.24, n°22-22.206

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