CFESES : Un congé à mobiliser par les militants et les salariés !

  • Formation professionnelle

Chaque salarié bénéficie d’un droit à formation d’une durée de 12 jours sur les sujets économiques, sociaux, environnementaux et syndicaux. Pour les représentants du personnel en entreprise, la Cour de cassation a récemment confirmé que ce droit est porté à 18 jours. Cass.soc.12.06.24, n°23-10.529 et 22-18.302.

Le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale (CFESES) s’inscrit dans une longue histoire avec l’intégration en 1957 dans le Code du travail des stages consacrés à l’éducation ouvrière au bénéfice des travailleurs. La dernière évolution de ce congé date de la loi « Climat et résilience » [1] qui a ajouté la dimension environnementale dans les thèmes possibles de formation. Même si ce droit est très ancien, cela n’a pas empêché la Cour de cassation d’avoir à se prononcer sur l’interprétation des dispositions relatives au CFESES pour les salariés ayant des mandats en entreprise.

Faits et procédure 

Au sein d’une même entreprise, 2 salariés ayant des mandats de représentant du personnel (délégué syndical pour l’un, délégué syndical et membre CSE suppléant pour l’autre) se voient refuser leur demande départ en CFESES au motif qu’ils ont déjà atteint leur quota annuel de 12 jours de formation.

Les salariés et le syndicat CGT de l’entreprise saisissent le CPH pour se voir accorder le départ en formation et obtenir diverses indemnités notamment pour refus abusif d'autoriser un départ en formation, entrave à l’exercice du droit syndical et en réparation de l’intérêt collectif porté à la profession.

Les 2 affaires ont été portées devant des CPH différents, mais tous deux ont ordonné à l’employeur d’accorder aux salariés les jours de formation demandés. CPH qui ont aussi débouté les salariés de leur demande de dommages et intérêts au titre de l’entrave au droit syndical. L'employeur a formé un pourvoi en cassation dans les 2 affaires.

La controverse juridique (ou la tentative désespérée de l’employeur…)

L’employeur a entendu profiter d’un flou, assez relatif nous le verrons, dans l’articulation des dispositions légales relatives au CFESES pour refuser le départ en formation des deux militants.

Pour bien comprendre son raisonnement, il faut rappeler que les dispositions relatives au CFESES sont découpées en deux sections dans le Code du travail, l’une concernant l’ensemble des salariés, l’autre les salariés « ayant » des fonctions syndicales [2].

D’un côté l’article L. 2145-7 du Code du travail, applicable à tous les salariés, précise que le droit à formation est de 12 jours par an et de 18 jours pour les salariés qui animent les stages. De l’autre l’article L. 2145-1 du Code du travail, concerne spécifiquement les salariés « appelés à exercer des fonctions syndicales », et leur octroie 18 jours de congés.

Il n’en a pas fallu plus à l’employeur pour considérer qu’il y avait une condition cumulative : le bénéfice des 18 jours serait réservé aux salariés appelés à exercer des fonctions syndicales et qui ont la qualité d’animateur de stage.

La Cour de cassation balaye cette argumentation en retenant que l’article L. 2145-7 précité n’est pas applicable aux salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales dans la mesure où ils bénéficient de dispositions spécifiques. Et donc de 18 jours de CFESES…

Sur la question des dommages et intérêts, suite au pourvoi incident des salariés et du syndicat, la Cour de cassation :
- déboute le salarié et le syndicat des demandes en réparation au titre de l’entrave au droit syndical dans la mesure où l’article L. 2146-1 du Code du travail punissant l’entrave d’un an de prison et de 3750€ d’amende ne vise pas le refus de CFESES ;
- reconnait l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ;
- reconnait que le refus d’accorder les 18 jours est abusif et ouvre droit à réparation pour les salariés.

Qui bénéficie d’un droit à 18 jours de formation ?

Au regard des décisions de la Cour de cassation, nous pouvons donc répondre avec certitude que l’ensemble des salariés détenant un mandat de représentation du personnel, électif ou désignatif, bénéficient de 18 jours de CFESES.

Mais ces jurisprudences, évidemment bienvenues, sont loin d’épuiser la question du bénéfice des 18 jours !

La première question est de savoir si des mandats extérieurs à l’entreprise (défenseur syndical, conseiller du salarié…) ou internes au syndicat (membre du bureau, d’une commission spécifique…) sont aussi concernés par le bénéfice des 18 jours. La jurisprudence ne permet pas à ce jour d’y répondre avec certitude, seulement parce que la question ne semble pas encore avoir été soumise à la Cour de cassation.

Il y a des arguments solides qui plaident en ce sens. Le Code du travail prévoit le bénéfice des 18 jours aux « salariés appelés à exercer des fonctions syndicales » (Art.L.2145-1 C.trav.) sans le limiter aux seuls mandats d’entreprise. Par ailleurs, l’article L. 2145-2 du Code du travail précise que les responsabilités syndicales peuvent être exercées « notamment au sein d'organismes de caractère économique et social » notion inscrite dans le Code du travail bien avant la création du CSE et visant donc nécessairement des mandats extérieurs à l’entreprise.

C’est d’ailleurs en ce sens qu’une ancienne circulaire de la DRT (ex DGT) avait interprété les dispositions légales :

« Il faut considérer qu'il s'agit de tous les salariés (…) auxquels les organisations syndicales envisagent de confier une responsabilité, ou qui exercent déjà une telle responsabilité, dans le cadre de l'entreprise ou hors de celui-ci. » [3]

Cette circulaire a d’ailleurs été citée dans les litiges soumis à la Cour de cassation. Elle n’a certes pas de portée normative comme l’a souligné l’employeur [4], mais elle reste une ressource importante en appui d’une argumentation juridique.

Enfin, une autre problématique tout aussi intéressante, le Code du travail en visant les salariés qui sont « appelés à exercer des fonctions syndicales » ne semble pas exiger qu’ils exercent effectivement une telle responsabilité au moment de la formation. La circulaire précitée de 1987 fait une interprétation en ce sens en ouvrant le bénéfice des 18 jours lorsque les organisations syndicales « envisagent de confier » un mandat.

Voilà des perspectives – qui nécessiteront une confirmation de la jurisprudence - permettant aux militants ayant des mandats extérieurs ou aux futurs militants de bénéficier d’une formation plus longue pour remplir ou se préparer au mieux à leur fonction.  

 

[1] Loi n°2021-1104 du 22.08.21 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[2] Avant la loi El Khomri du 8 août 2016, les règles relatives à l’ensemble des salariés étaient dans la partie 3 du Code du travail (durée du travail, salaire…) , elles sont depuis cette date regroupée dans la partie 2 relative au droit collectif du travail.

[3] Circulaire DRT n° 87/11 du 3.11.87.

[4] Les circulaires qui ne sont pas publiées sur Légifrance ne sont plus applicables ni opposables aux administrés (Art. R312-7 du Code des relations entre le public et l’administration).

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