Conseil supérieur de la prud'homie : l'évaluation des barèmes Macron au menu de la séance d'octobre

  • Conseil de prud'hommes

Quatre points distincts figuraient à l'ordre du jour de ce Conseil : l’évaluation des barèmes Macron détaillée dans cet article, et en annexe les désignations complémentaires 2 et 3, l’indemnisation des conseillers prud’hommes  et les questions diverses. 

 

L’évaluation gouvernementale du barème à la suite à la décision OIT de 2022


En 2022, le gouvernement français s'est vu contraint par l'OIT de réaliser une évaluation de l’application des barèmes Macron afin de vérifier que leur application n'est pas de nature à remettre en cause la garantie de « réparation adéquate » dont les salariés licenciés abusivement doivent bénéficier en application de l'article 10 de la convention OIT n° 158.

Bon à savoir :

A l’occasion de la séance du mois de juin 2024, le gouvernement nous avait déjà précisé que cette évaluation trouverait à se réaliser au sein du Conseil supérieur de la prud’homie -CSP-, mais sans être alors en mesure de nous préciser de quelle manière nous pourrions y être associés.  Pire, cette question nous avait été initialement présentée que comme un simple point d’information fondé sur la base d’un rapport purement statistique… pas même comme une véritable consultation (!).

Inacceptable pour la CFDT !

Nous avions alors exigé du gouvernement que les partenaires sociaux siégeant au CSP puissent réellement être associés à cet exercice d’évaluation (voir le compte-rendu du CSP du 6 juin 2024, consultable sur le site CFDT).

La proposition d’une nouvelle méthode de travail 
 

A la suite des débats du mois de juin, les choses ont sensiblement évolué puisque le ministère du travail est revenu vers nous avec la proposition suivante : des consultations annuelles s’échelonnant jusqu’en 2027, année au cours de laquelle le gouvernement français devra rendre sa copie à l’OIT.

Détail de la méthodologie proposée :    

•    Une réunion annuelle dédiée à ce sujet au moins jusqu’en 2027.
•    Pour 2024 : une reproduction des débats du CSP du mois de juin 2024 faisant office d’avis. Une possibilité donnée aux organisations syndicales et patronales, de faire remonter, par écrit, leurs éléments d’appréciation et de bilan sur les impacts du barème.
•    Pour 2025 : la possibilité de remettre des « contributions mettant en lumière l’appropriation du barème par les juridictions prud’homales et illustrant le propos par des exemples » fondés sur la base d’une étude statistique réactualisée.
Les contributions des organisations syndicales et patronales devant alors être transmises avant la fin du mois de mars 2025 pour un débat en CSP en juin 2025.
•    Au-delà de 2025 : l’organisation d’une consultation au mois de juin de chaque année.


L’avis CFDT sur la méthode proposée

Nous avons salué l’évolution dans le positionnement du ministère du travail. Plus question de se contenter d’un simple point d’information. Puisque c’est désormais d’une consultation s’échelonnant dans le temps dont il est question. 
Pour autant, la méthode proposée ne nous mettait toujours pas en position de pouvoir apprécier le caractère -ou non- adéquat des dommages intérêts attribués. 
 

Pourquoi cela ?
 

  • D’abord parce que, pour 2024, nous ne sommes pas partis sur de bonnes bases. Le temps d’échange du mois de juin n’était pas à proprement parler une consultation mais, comme indiqué à l’ordre du jour de l’époque, un simple point d’information. 
    En ce sens, reprendre les débats de l’époque, les retranscrire dans un PV et considérer que, ce faisant, pour 2024, la consultation avait été réalisée n’est pas un procédé acceptable 
    Aussi avons-nous fait savoir que nous souhaitions qu'une consultation, au sens propre du terme, soit organisée au sein du CSP avant la fin de cette année. En sus, de la contribution écrite que nous ne manquerons pas de faire remonter à l’administration.
  • Ensuite, parce que, pour les années suivantes, le ministère du travail se satisfait d’un cadre de travail qui ne nous convient absolument pas ! 

Alors, que fallait-il faire pour que la méthode retenue puisse nous convenir ? 

  • D’une part, que la commande passée aux experts statisticiens puisse émaner, non seulement du gouvernement, mais aussi des partenaires sociaux. Nous avons donc revendiqué le droit de demander à être statistiquement éclairés sur tels ou tels sujets. Afin de pouvoir cibler ce qui nous préoccupe le plus et de répondre à la finalité de l’évaluation telle que la prévoit l’OIT. 
  • D’autre part, que nous puissions ouvrir le champ de l’évaluation au-delà des questions purement statistiques. Car il ne faut pas oublier que nous parlons ici de la capacité des salariés abusivement licenciés à obtenir -ou non- « réparation adéquate » devant le juge du contrat individuel de travail. Or, en la matière, la pure statistique ne saurait suffire à saisir l’ensemble des paramètres susceptibles d’impacter le préjudice : âge, niveau de formation, santé, situation familiale… Aussi devrions-nous également pouvoir travailler sur la base de cas concrets et emblématiques remontés par les partenaires sociaux.
    C’est bien sur de telles bases, qu’année après année, nous devrions être mis en position de pouvoir exprimer un avis sur la seule et vraie question qui se posera à nous une fois toutes ces études réalisées : « est-ce que, oui ou non, les barèmes Macron rendent possible l’indemnisation adéquate des salariés abusivement licenciés ? ».

La réponse de la présidence du CSP et du ministère du travail

Nous avons eu le sentiment d’être entendus dans nos demandes. Il nous a en effet été précisé que, sous réserve de faisabilité financière, nous pourrions effectivement passer des commandes spécifiques auprès des experts statisticiens. Et que nous pourrions également nous appuyer sur des décisions emblématiques provenant de différents ressorts de cours d’appel afin de vérifier si le garantie d’ « indemnisation adéquate » est, dans tous les cas, efficiente.
 

Mais nous attendons toujours une réponse s’agissant de la possibilité pour le CSP de formaliser un véritable avis pour 2024.Nous reviendrons donc à la charge sur ce dernier point lors du prochain CSP.
 

S’agissant des engagements pris en séance, nous veillerons bien entendu à ce qu’ils soient respectés. Nous nous sommes d’ailleurs déjà portés volontaires pour travailler sur des monographies susceptibles de faire état de dossiers particuliers et de témoignages des acteurs concernés.
Nous aurons rapidement l’occasion de revenir vers les Uri afin d’arrêter un mode de fonctionnement susceptible d’associer nos conseillers prud’hommes à l’évaluation à venir.

A noter : 

En début de séance, FO a proposé de faire adopter par le CSP une motion « actant du refus des organisations syndicales de s’inscrire dans un tel processus et demandant l’ouverture d’un véritable groupe de travail visant à réformer l’article L. 1235-3 du Code du travail ».
La CFDT s’est abstenue. 
D’une part, parce qu’il ne s’agissait pas, pour nous, de « refuser » une évaluation qui, rappelons-le, a été prescrite au gouvernent français par l’OIT. Ce d’autant plus qu’en cours de séance, le ministère du travail s’est dit prêt à faire évoluer sa position. Aussi, acter d’un refus de s’inscrire dans un processus d’évaluation alors même que celui-ci n’était pas encore complètement arrêté -et que le ministère du travail pouvait encore tenir compte de nos remarques- n’aurait pas vraiment de sens.  
D’autre part, parce que l’organisation d’un groupe de travail visant à réformer l’article L. 1235-3 du Code du travail serait pour l’heure prématurée. Pour qu’une telle démarche ait un sens, il nous faudrait avoir en main les premiers retours d’une évaluation à laquelle nous, partenaires sociaux, aurions été associés.


 

 

 

Pour aller plus loin :

  • CR CSP octobre 2024

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