Période d’essai : Attention, la prise de RTT pendant l’essai le prolonge !

Publié le 09/10/2019

Tout salarié peut être amené à s’absenter pendant sa période d’essai. On le sait, ces périodes d’absence ont pour effet de prolonger la durée de l’essai et donc d’en reporter le terme.Toutes les absences ont-elles néanmoins vocation à entraîner ce report ? Pour la première fois, la Cour de cassation se positionne sur les conséquences de la prise de jours de RTT au cours de la période d’essai. Cass.soc.11.09.19, n°17-21976.

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  • La problèmatique

Une salariée est embauchée le 17 février 2014 en CDI. Son contrat de travail prévoit alors une période d’essai de 4 mois renouvelable une fois. La période d’essai initiale doit donc normalement prendre fin le 16 juin 2014 à minuit. Or le 24 juin, l'employeur l’informe du renouvellement de sa période d’essai pour une durée de 4 mois. Il rompt finalement celle-ci le 19 septembre suivant.

Mais alors pourquoi le 24 juin ? Tout simplement parce qu’au cours de la période d’essai intiale, la salariée a pris 7 jours de RTT...

Or pour l’employeur, dans la mesure où durant ces jours la salariée n’a pas effectivement travaillé, cette période ne doit pas être prise en compte dans la durée de la période d’essai et a donc pour effet d’en repousser le terme d’une durée équivalente.

Equivalente ? Pas vraiment, parce que pour calculer la durée de la prolongation, l’employeur a ajouté aux 7 jours de RTT pris, les samedi 24 mai et dimanche 25 mai qui ont suivi une absence de 5 jours continus. Ce qui a donc permis à l’employeur de décaler la fin de l’essai d’une durée totale de 9 jours, en fixant ainsi le terme au 25 juin à minuit.

 

Pour rappel : la période d’essai doit permettre à l’employeur de vérifier les aptitudes du salarié et au salarié de s’assurer que les fonctions occupées lui conviennent(1).
Or ces vérifications ne peuvent valablement se faire que si le salarié travaille effectivement pendant toute la durée fixée comme période d’essai. C’est la raison pour laquelle, en cas d’interruption du travail pendant cette période, il est admis que l’essai soit prolongé afin que sa durée réelle coïncide bien avec la durée prévue initialement.

  • La procédure

Pour la salariée, le renouvellement de sa période d’essai est survenu tardivement. Elle saisit la justice et conteste deux points.

- D’une part, le fait de prendre en compte les absences au titre de jours de RTT pour prolonger la période d’esssai. Certes, la durée de la période d’essai peut être prolongée du temps d’absence du salarié, mais selon elle, certaines absences n’ont pas vocation à être prises en compte. En l’occurence, elle ne s’est pas absentée pour prendre des congés payés, mais des jours de RTT qui sont en réalité des jours de récupération acquis dans le cadre d’un dispositif de réduction du temps de travail. La prise de ces jours de RTT sur la période d’essai ne devrait donc pas produire les mêmes effets que des CP.

En bref, ces jours doivent être pris en compte dans la période d’essai et ne doivent donc pas en décaler le terme.

- D’autre part, le décompte des jours pris en compte pour calculer cette prolongation. Selon la salariée, si prolongation de l’essai il doit y avoir, celle-ci doit se limiter aux jours d’absence du salarié, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires. La période d’essai n’aurait dû être prolongée que de 7 jours. Les 2 jours (samedi et dimanche) pendant lesquels elle n’avait pas effectivement travaillé n’auraient pas dû être pris en compte pour calculer la durée de la prolongation.

Déboutée par la cour d’appel sur ces deux points, la salariée se pourvoit en cassation.

- Prendre des jours de RTT pendant la période d’essai a-t-il pour effet d'en prolonger la durée ?

- Par ailleurs, le décompte des jours de prolongation doit-il se faire sur le nombre de jours ouvrables d’absence ou tenir compte de tous les jours calendaires compris dans la période d’absence ?

 

  • La prise de jours de RTT prolonge la durée de la période d'essai

La jurisprudence est venue peu à peu préciser les types d’absences susceptibles de rallonger l’essai (notamment : congés payés, congés pour évènement familial, fermeture de l’entreprise (2), congés sans solde (3), absence pour maladie ou accident du travail (4)). 
Elle a également exclu certaines absences, notamment les jours ou stages de formation professionnelle organisés par l’entreprise (5), ou encore les jours fériés (6).

Jusque-là, la Cour de cassation n’avait pas encore statué sur la question de savoir si la prise de jours RTT avait pour effet de prolonger ou non la période d’essai. Seuls quelques juges du fond avaient déjà précisé que la période d’essai devait effectivement dans ce cas être prolongée (7).

-C’est désormais chose faite...

Dans notre affaire, la Cour de cassation approuve les juges d’appel : la prise de jours de récupération du temps de travail doit être déduite de la durée de la période d’essai. Sa justification est simple : « la période d’essai ayant pour but de premettre l’appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d’absence du salarié », y compris lorsque l’absence correspond à des jours de récupération du temps de travail.

 

  • La durée de la prolongation n’est pas limitée aux seuls jours ouvrables

La Cour de cassation approuve également le décompte des jours de prolongation de la période d’essai tel que les juges du fond l'ont effectué.

La durée de la prolongation ne peut être limitée aux seuls jours ouvrables inclus dans la période d’absence.

Plus concrètement, dès lors que la salariée a pris 7 jours de RTT, dont 5 jours continus la semaine du 19 au 23 mai, les samedi 24 et dimanche 25 mai durant lesquels elle n’avait pas effectivement travaillé doivent aussi être pris en compte pour prolonger la période d’essai. Si le salarié pose une semaine de jours de RTT et quand bien même ces jours sont décomptés sur des jours ouvrés (travaillés), il faut tenir compte de la semaine entière (calendaire) pour savoir de quelle durée l’essai sera prolongé. En conséquence, rallongée de 9 jours, la période d’essai expirait en réalité le 25 juin. Le renouvellement intervenu le 24 juin est donc valable.

Cette partie de la décision n’est pas nouvelle, puisque la la Cour de cassation avait déjà pu juger que la prolongation devait correspondre au nombre de jours calendaires compris dans la période d’absence et ne pouvait être limitée qu’aux seuls jours ouvrables inclus dans la période ayant justifié cette prolongation (8).

Par ailleurs, si la période d’essai se décompte en jours calendaires (et ce, quelle que soit la façon dont elle est exprimée, en jours, en semaines ou en mois(9)), il peut paraître logique que la période d’absence qui en justifie la prolongation soit aussi décomptée en jours calendaires.

  • Pour conclure...

Finalement, on ne peut pas dire que la solution dégagée par la Cour de cassation surprenne outre mesure. On pourrait même penser qu’elle ne relève que la précision...

Elle est pourtante importante. Une fois la période d’essai écoulée, la relation contractuelle devient définitive, le calcul de sa durée présente donc, tant pour l’employeur que pour le salarié, un intérêt fondamental.

Bien que malheureuse pour la salariée, cette décision a le mérite d’éclaircir un point jusque-là non tranché et de permettre ainsi aux salariés de calculer précisément, avec certitude et en toute connaissance de cause, la durée de leur période d’essai lorsqu’ils sont amenés à s’absenter.

 



(1) Art; L.1221-20 C.trav. ; Circ.DGT n°2009-5, 17.03.09.

(2) Voir notamment : Cass.soc. 27.11.85, n°82-42581 ; Cass.soc.16.03.05, n°02-45314 ; Cass.soc.31.0118, n°16-11598.

(3) Cass.soc.03.06.98, n°96-40344.

(4) Voir notamment : Cass.soc. 26.01.11, n°09-42492.

(5) CA Versailles, 5è ch., 26.02.04, n°02-03427.

(6) Cass.soc.04.02.93, n°89-43421.

(7) CA Versailles, 26.02.04, n°02-03427.

(8) Cass.soc.14.11.90, n°87-42795.

(9) Cass.soc. 28.04.11, n°09-72165 et n°09-40464 ; Pour la décompter, il faut donc inclure non seulement les jours travaillés, mais aussi les jours fériés et les jours de repos hebdomadaires.