Négociation obligatoire d'entreprise
L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 a réorganisé les dispositions légales relatives à la négociation obligatoire en entreprise selon le triptyque : ordre public, champ de la négociation collectif et dispositions supplétives.

Important
La négociation s'organise, depuis l'ordonnance Macron autour d'un triptyque :
l’ordre public, qui s'impose aux accords collectifs. Ce sont les règles impératives, auxquelles on ne peut déroger par voie conventionnelle. Le législateur les considère comme les dispositions faisant partie du socle minimal de protection à garantir au salarié.
le champ de la négociation collective : Il s’agit ici des dispositions qui doivent ou peuvent relever de la négociation collective. Les dispositions supplétives, applicables en l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord collectif incomplet.
L’engagement des négociations obligatoires
Sont concernées les entreprises dans lesquelles sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives. L’initiative de l’engagement des négociations revient à l’employeur.

Bon à savoir
L'existence d'une section syndicale représentative se manifeste :
par la désignation d'un (ou plusieurs) délégué(s) syndical (aux) si l'effectif de l'entreprise atteint au moins 50 salariés ;
si l'effectif est inférieur, lorsqu'un membre du CSE est désigné comme délégué syndical : en effet, la section syndicale peut désigner un membre du CSE comme délégué syndical, ce qui entraîne la mise en œuvre de l'obligation de négocier.
NB: La désignation d'un délégué syndical est aussi possible dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cela devrait déclencher des négociations obligatoires, malgré le fait que ce cas de figure soit assez rare en pratique.
Niveau des négociations
Les négociations sont, en principe, engagées au niveau de l’entreprise. Cependant, il est possible de mener ces négociations au niveau des établissements ou des groupes d’établissements, à condition qu’aucun des syndicats représentatifs à ces niveaux ne s’y oppose.
Ces négociations peuvent également être conduites au niveau du groupe et dispenser les entreprises d’engager leurs propres négociations, à condition que l’une des situations suivantes soit remplie :
soit qu’un accord de méthode conclu à ce niveau prévoit cette dispense et définisse les thèmes concernés ;
soit qu’un accord sur le même thème ait déjà été conclu au niveau du groupe et remplit les conditions légales requises.
Thèmes et périodicité selon les dispositions d’ordre public
L’employeur doit engager, au moins une fois tous les quatre ans, les négociations suivantes :
Une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée, portant notamment sur les salaires effectifs, les primes, les dispositifs d’épargne salariale, l’intéressement et la participation (article L2242-1, 1° du Code du travail).
Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail, incluant notamment des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et à améliorer l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle (article L2242-1, 2° du Code du travail).
En outre, dans les entreprises ou groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés (en vertu de l’article L. 2331-1 du Code du travail), ainsi que dans les entreprises ou groupes de dimension communautaire (en vertu des articles L. 2341-1 et L. 2341-2) comportant au moins un établissement ou une entreprise de 50 salariés en France, l’employeur doit engager, au moins une fois tous les quatre ans, une négociation sur :
La gestion des emplois et des parcours professionnels ainsi que la mixité des métiers (article L2242-2 du Code du travail)

Remarque
Ces trois blocs de négociation peuvent être regroupés ou séparés, sous réserve d’un accord collectif « de méthode » en vertu de l’article L2242-4 dudit code.
Depuis les ordonnances Macron de 2017, la périodicité peut être adaptée par accord collectif (et aller au-delà ou en-deçà de 4 ans, dans certaines limites).
L’absence d’ouverture de ces négociations par l’employeur peut constituer un manquement à ses obligations légales, pouvant entraîner des sanctions.
Suspension temporaire du pouvoir de décision unilatérale de l’employeur :
Tant que la négociation collective est en cours, l’employeur est tenu de suspendre son pouvoir de décision unilatérale sur les thèmes faisant l’objet de la négociation, sauf si une situation d’urgence le justifie.
Cette règle, prévue à l’article L2242-6 du Code du travail, vise à garantir l’effectivité du dialogue social en empêchant l’employeur de contourner les discussions par des décisions unilatérales anticipées.
En l’absence d’accord :
En cas d’échec des négociations sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’employeur est tenu de mettre en place, de manière unilatérale, un plan d’action annuel comportant des objectifs de progression, des actions concrètes et des indicateurs de résultat, conformément à l’article L2242-3. Ce plan doit être porté à la connaissance des salariés et déposé auprès de l’autorité administrative. Il est destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En l’absence d’accord prévoyant les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la négociation obligatoire sur les salaires effectifs doit alors également porter sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes, en application de l’article L2242-5.
Champ de la négociation collective
Dans les entreprises soumises à l’obligation de négocier, une négociation spécifique peut être engagée, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale de salariés représentative, précisant le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation dans le groupe, l’entreprise ou l’établissement.
L’accord conclu à l’issue de la négociation doit indiquer :
Les thèmes des négociations et leur périodicité de telle sorte qu’au moins tous les 4 ans soient négociés les thèmes relevant de l’ordre public
Le contenu de chacun des thèmes
Le calendrier et les lieux des réunions
Les informations que l’employeur remet aux négociateurs sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise
Les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties
La durée de l’accord ne peut excéder 4 ans.
Dispositions supplétives :
Les dispositions supplétives en l’absence d’accord de méthode sont les suivantes :
Thèmes et périodicité :
L’employeur doit engager chaque année deux négociations distinctes :
l’une portant sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise,
l’autre portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que sur la qualité de vie et des conditions de travail.
Par ailleurs, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels doit être engagée tous les trois ans.
Initiative de la négociation :
Si l’employeur n’a pas pris l’initiative d’ouvrir une négociation dans un délai de plus de douze mois pour les négociations annuelles, ou de plus de trente-six mois pour la négociation triennale, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.
Dans un tel cas, l’employeur doit transmettre cette demande aux autres organisations syndicales représentatives dans les huit jours, puis convoquer les parties à la négociation dans un délai de quinze jours à compter de cette transmission.
Déroulement :
Lors de la première réunion de négociation, les parties doivent déterminer le lieu et le calendrier des réunions. L’employeur précise également les informations qu’il remettra aux négociateurs, ainsi que la date de cette remise. Ces éléments sont nécessaires pour permettre une négociation loyale et éclairée.
Sanction pénale :
Le fait pour l’employeur de se soustraire, sans motif légitime, à l’obligation d’engager une négociation obligatoire est passible d’une sanction pénale. Il encourt une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros, conformément à l’article L 2243-2 du Code du travail.